Algérie

Comment réussir tout en ratant sa communication



Les ratés de la communication de Barack Obama n'ont pas atténué le succès de l'opération qui a permis d'éliminer Ben Laden. Ce qui confirme que la com, c'est bien, mais ce n'est pas l'essentiel.

L'opération qui a permis aux forces spéciales américaines d'abattre Oussama Ben Laden, dans la nuit de dimanche à lundi, n'a connu qu'un raté mécanique, facilement surmonté. Un hélicoptère de l'armée américaine est tombé en panne, forçant ses occupants à monter dans les autres appareils, non sans rappeler le fiasco de la tentative de libérer les otages en Iran, il y a trente ans.

 Par contre, l'opération de communication, volet moins dangereux mais plus délicat de cette affaire, a donné lieu à une série de ratés. Peut-être à cause de la complexité de cette communication, qui devait cibler deux publics différents, l'un américain, l'autre arabe et musulman, des publics qui ont forcément une perception parfois opposée des messages.

 Les ratés les plus significatifs sont au nombre de quatre, et ils illustrent bien les points les plus complexes de l'opération. Et ils ont commencé avec le récit même de l'opération, quand l'armée américaine a prétendu, dans un premier temps, que Ben Laden était armé et avait tenté de résister. C'était pour le moins le minimum de la part d'un terroriste. Et cela explique et justifie le fait qu'il ait été abattu et non capturé. Mais il s'est rapidement avéré que Ben Laden n'était pas armé au moment de l'assaut mené par les forces spéciales américaines. Il n'avait donc pas opposé de résistance. Le mensonge a été vite réparé, car il risquait d'amener les Américains sur une piste dangereuse. Dire qu'il a résisté justifie sa liquidation physique, mais présente Ben Laden sous une image avantageuse aux yeux de ses partisans, qui pourront toujours dire qu'il est mort les armes à la main. En martyr. Ce que les Américains veulent à tout prix éviter. Par contre, affirmer que Ben Laden n'a pas résisté offre une autre image plus plate, avec un message totalement différent. Se rendre sans se battre, c'est d'abord une image avilissante. Cela avait partiellement marché avec Saddam Hussein. Mais affirmer qu'il n'a pas résisté, c'est reconnaître que l'armée américaine a tiré sans sommation, dans le tas, ne souhaitant visiblement pas faire de prisonnier.

 Comment allier cette nécessité de montrer la fermeté de l'armée américaine tout en mettant la forme ? Le choix a été difficile, mais l'armée américaine a montré sa préférence. On tue d'abord, on s'expliquera ensuite. Le commando américain semble avoir donc agi avec une seule devise : pas de quartier. Pas de survivant. Ni femmes ni enfants n'ont été épargnés. Comment justifier un tel carnage ?

 Ben Laden et ses compagnons auraient utilisé des femmes comme bouclier humain. Un musulman n'hésite pas à utiliser sa propre femme pour se protéger contre la mort. Image primaire, raciste même. Mais qu'importe, elle servira à justifier l'absence de survivants. Et de témoins. Le terrain est libre pour l'armée américaine et lui permettre de présenter l'affaire comme elle veut. C'est de bonne guerre. Mais il y a les films et les photos. Comment les soustraire aux yeux de l'opinion ? La photo de Ben Laden mort est atroce, il n'est pas possible de la montrer. L'argument est venu après, lorsque les spécialistes se sont étonnés du manque d'images, alors que chaque soldat qui participait à l'opération avait une caméra rivée sur son casque, ce qui permettait à Barack Obama de suivre l'opération comme s'il y était. Comme dans un match de football transmis en direct, il y avait même un réalisateur chargé de choisir les images transmises au commandement des forces américaines, et donc à M. Obama. Visiblement, le traitement de ces images n'est pas encore fini. A la fois pour collecter les informations nécessaires, mais aussi pour expurger tout ce qui peut être gênant. Il est clair qu'on ne verra jamais un militaire américain tirer à bout portant sur un enfant.

 Par contre, on peut faire ce qu'on veut du corps d'un mort. Y compris le jeter à la mer, en respectant le rituel musulman... Cet argument, d'un parfait cynisme, illustre à la fois la gêne américaine sur un point précis, mais aussi la manière utilisée pour dépasser cet obstacle. Ce qui confirme qu'au bout du compte, rater une opération de com devient secondaire quand le véritable objectif est atteint. Et même si les Américains ont quelques craintes relatives à de possibles retombées de la mort de Ben Laden, il est tout aussi évident que la mort du chef d'Al-Qaïda est la meilleure opération de communication de l'année pour Barak Obama. Il est donc préférable de réussir ses projets et rater sa com, plutôt que de vouloir embellir le néant.




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