Emmanuel Macron lors de sa visite à Alger en campagne à la présidentielle françaiseCinquante années d'une relation en mouvement pendulaire oscillant entre l'étreinte et la bouderie. Mais il faut bien que le pendule s'arrête un jour pour entamer enfin une trajectoire rectiligne.
Pendant un demi-siècle de passions et de relations tumultueuses marquées par le saut de l'incompréhension, l'Algérie et la France restent toujours dans une posture de méfiance où les scories du passé brouillent la vision et faussent les perspectives. La formule du président Boumediene cernait cette situation par cette tirade: «Les relations entre la France et l'Algérie peuvent être bonnes ou mauvaises, elles ne peuvent être banales.» L'Algérie parle des «occasions manquées» par une France, figée dans un esprit de domination hérité du passé, qui n'avait pas su établir une «coopération exemplaire». Depuis la solution d'une République algérienne biethnique proposée en 1946 déjà par Ferhat Abbas à l'option d'alliés tragiques avancée par Krim Belkacem en 1962, au partenariat d'exception signé en 2012 entre l'ex-président François Hollande et son homologue Bouteflika en passant par le traité d'amitié âprement défendu par l'ex- président Jacques Chirac, que d'occasions perdues ou même refusées! Que d'énergie inutilement gaspillée! Cinquante années d'une relation en mouvement pendulaire entre l'étreinte et la bouderie. Mais il faut bien que le pendule s'arrête un jour pour entamer enfin une trajectoire rectiligne. L'arrivée d'Emmanuel Macron au pouvoir en France marque une profonde rupture non seulement à l'Hexagone, mais aussi dans les rapports entre Alger et Paris. Le jeune président incarne la France nouvelle. Il ne traîne pas le lourd boulet d'une histoire partagée et son approche marque un «désenclavement» des rapports longtemps crispés. Les problèmes ont changé de nature. Aujourd'hui, entre Alger et Paris, il n'y a plus de contentieux grave, de désaccords sérieux. Les relations sont sorties de la zone des tempêtes. Un nouveau souffle, une nouvelle époque.
Il reste à décrypter et donner du sens aux autres changements qui surviennent chez le partenaire français. Quels seront les nouveaux rapports avec la France nouvelle' Comment restaurer un socle commun qui autorise les échanges' Les perspectives de vraies retrouvailles sont réelles puisque la génération Macron a aseptisé le terrain, le rendant plus apte pour une amitié retrouvée. Les bruyantes mésententes, des coups tordus, les tractations secrètes, les traités d'amitié avortés, le poids de la mémoire et les derniers débris de cette méfiance emporté par le ressac de la vague macronienne.
Le président Français sera demain en visite officielle à Alger, dans une totale, sérénité. Les échos parvenant de l'Hexagone le confirment. «Avec l'Algérie, il n'y a pas de tiraillement, la relation est très bonne, étroite, constante», explique-t-on à l'Elysée. Désormais, dit-on encore à l'Elysée, «l'idée, c'est maintenant de tourner la page». «Il a dit (le président Macron, Ndlr) les choses, les choses sont très claires, ça a été très apprécié par les Algériens (...) mais là, aujourd'hui, l'idée du président, c'est de tourner la page et de construire de nouvelles relations avec l'Algérie.» «L'Algérie a vocation à occuper une place importante, une place de passerelle, à la jonction entre les deux continents». Cette «visite de travail et d'amitié» sera suivie d'un Conseil intergouvernemental de haut niveau, jeudi à Paris, présidé par les deux Premiers ministres. Une sérieuse option de salut pour passer aux vrais problèmes. L'Algérie souhaite diversifier son économie, fragilisée par la baisse du cours du pétrole, tandis que la France affronte une sérieuse concurrence des Chinois. Mais le terreau existe: près de 30.000 Français vivent en Algérie dont plus de 90% sont des binationaux et le nombre d'Algériens en France avoisinerait les 3 millions de personnes. A cela s'ajoutent les liens linguistiques puisque près de 11 millions d'Algériens parlent la langue française, et des liens historiques, sans compter la proximité géographique. Aux pires moments, au paroxysme de la tension, il se trouvera toujours de bonnes volontés de part et d'autre pour indiquer la voie positive. Toute la singularité des relations entre les deux pays réside dans ce cordon social. Reste la question de la mémoire, elle est la conscience de la République française. C'est à elle de décider ou non d'examiner l'histoire avec ou sans lunettes tricolores.
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Posté Le : 05/12/2017
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Brahim TAKHEROUBT
Source : www.lexpressiondz.com