Algérie - Mouloud Feraoun

Comment Mouloud Feraoun écrivait ses romans?



Comment Mouloud Feraoun écrivait ses romans?
«Lettres à ses amis» de Mouloud Feraoun n'est ni un roman, ni un essai, ni un journal. Ce sont tout simplement des lettres personnelles qu'adressait le fils de Tizi Hibel à ses amis. Parmi ces derniers, il y avait l'incontournable Emanuel Roblès et le Nobel Albert Camus, entre autres bien sûr. Toutefois, il y a lieu de préciser qu'il ne s'agit guère de lettres ordinaires où il est question d'échanger les banalités d'un quotidien souvent peu reluisant. Bien plus que des lettres ordinaires, il s'agit de réflexion sur les angoisses mais aussi et surtout les espoirs d'un écrivain qui est en train de se frayer un chemin dans le monde très difficile et fermé, de la littérature, surtout à l'époque, de surcroit pour un Algérien. Mouloud Feraoun, avec son style magique et inimitable et aussi, avec sa sincérité sans faille, décrit, à ses correspondants, ses appréhensions d'écrivain n'ayant pas encore pignon sur rue. Mieux encore, Mouloud Feraoun, dans «Lettres à ses amis», à relire sans doute par ceux qui l'ont lu, il y a plusieurs décennies, rapporte également les conditions et l'ambiance dans laquelle se déroule l'écriture de chefs-d'oeuvre comme «Le fils du pauvre», «La terre et le sang», «Les chemins qui montent», «Journal» ainsi que de ses autres oeuvres comme»L'anniversaire» et «Les poèmes de Si Mohand». Mouloud Feraoun ne dissimule absolument rien de ses profonds sentiments concernant ces sujets que le lecteur découvrira avec un grand intérêt. On y apprendra ainsi que Mouloud Feraoun écrivait ses romans à la main, puis se donnait un temps fou et une immense peine à recopier les centaines de pages à la machine à écrire. Une machine qui plus est dans un état dégradé. Cette tâche consistant à taper ses manuscrits s'avère loin d'être une sinécure, elle est bien plus ardue que celle de l'écriture de ses romans. On y découvrira également que l'inspiration n'a à aucun moment fait défaut à Mouloud Feraoun durant la période où il avait écrit «Le fils du pauvre», «La terre et le san»g et «Les chemins qui montent». Ce n'est qu'après avoir terminé ce dernier, que la fontaine de son inspiration a commencé à sécher. D'ailleurs, c'est à partir de là qu'il a commencé à écrire des livres comme «Jours de Kabylie» ou encore «Les poèmes de Si Mohand». Feraoun se plaint plus d'une fois à ses »orrespondants de cette «perte d'inspiration». Mais avec «Journal», ouvrage monumental, Feraoun a véritablement rebondi ainsi qu'avec ce qui devait être la suite du «Fils du pauvre» sans oublier son roman posthume «La cité des roses.» Mouloud Feraoun, confirme dans «Lettres à ses amis», que «Le fils du pauvre» est un roman autobiographique à 100%. Mais il réfute la thèse selon laquelle, même «La terre et le sang» et «Les chemins qui montent», sont autobiographiques. Il s'agit insiste-t-il sans ambages, d'histoires imaginaires construites à partir d'un fait réel. C'est tout. Dans «Lettres à ses ami»s, le lecteur découvre l'extrême humilité de Mouloud Feraoun. Ce dernier prenait toujours en considération les avis de ses amis concernant la nécessité de retravailler telle ou telle partie de l'un de ses romans. C'est par exemple le cas dans la promesse qu'il fit à son ami Paul Flamand, concernant «Les chemins qui montent: «Je vous promets de reprendre cette première partie, de lui donner suffisamment d'importance afin qu'elle s'équilibre avec la seconde et qu'à ce point de vue, au moins l'ouvrage puisse tenir debout». Il en est de même de la lettre du 13 avril 1956 à Emanuel Roblès, où il parle de son «Journal»: «Je me suis mis à prendre des notes, comme tu me l'avais suggéré. Dès qu'il y en aura assez, je te ferais lire le cahier». Toutes les autres lettres contiennent des détails concernant les conditions prévalant lors de l'écriture des différentes oeuvres de Feraoun. Ce dernier y parle de sa vie privée, raconte ses pérégrinations d'instituteur aimant son métier, peut-être plus que l'écriture. On y redécouvre un Mouloud Feraoun, qu'on connait certes déjà, depuis longtemps mais dont on ne se rassasie jamais. Et son style d'écriture unique et attractif y est bien évidemment pour beaucoup.


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