Algérie

Comment les hommes d'affaires étaient «rançonnés»



Ahmed Mazouz a remis, le 8 février 2019, soit moins de deux semaines avant le début du mouvement populaire, un chèque de 39 milliards de centimes à Ali Haddad, destinés à financer la campagne électorale pour le cinquième mandat d'Abdelaziz Bouteflika.Karim Aimeur - Alger (Le Soir) - Le défilé des accusés impliqués dans l'affaire dite de montage automobile et de financement occulte de la campagne électorale de Bouteflika pour un cinquième mandat, devant la juge s'est poursuivi, hier lundi, au troisième jour consécutif, à la cour d'Alger.
Après une interruption de 45 minutes des auditions à cause d'une coupure de connexion avec les détenus qui suivaient le procès par visioconférence, l'homme d'affaires Ahmed Mazouz, patron du groupe Mazouz, a été longuement interrogé sur les avantages dont il a bénéficié dans le cadre de l'activité de montage automobile et du financement de la campagne de Bouteflika.
Mazouz, auditionné par visioconférence à partir de la prison de Boussouf dans la wilaya de Constantine où il est incarcéré, a d'emblée précisé que le chèque de 39 milliards de centimes a été remis le 8 février 2019 et non pas le 19 février, soit la veille de la signature d'une décision technique dans le cadre du montage automobile. « Qui vous a contacté pour donner l'argent ' lui demande la juge. « C'est Mohamed Baïri qui m'a contacté pour me dire que la campagne électorale allait commencer et qu'on doit les aider », répond l'accusé. Il ajoutera : « Baïri m'a dit que Ali Haddad a donné 180 milliards. J'étais informé par une autre personne qu'un dénommé Djamel Oulhadj a donné 150 milliards .»
À partir d'Abadla (Béchar), où il est détenu, Ali Haddad a tenté d'intervenir mais la juge lui a demandé d'attendre son tour. « Pourquoi vous avez donné 39 milliards au lieu de 40, pourquoi 39 exactement ' » lance la présidente de la séance à l'adresse de Mazouz. Ce dernier a expliqué qu'il a donné cette somme pour faire croire que c'est tout ce qu'il avait et pour qu'on ne lui demande pas davantage. « Vous-a-t-on obligé à donner de l'argent ' » poursuit la juge. L'accusé dément, expliquant qu'il voulait aider le groupe de Bouteflika « par conviction », et qu'il voulait la continuité et la stabilité.
Selon lui, plusieurs hommes d'affaires ont contribué au financement de la campagne de Bouteflika. Mais, selon lui, après l'éclatement du mouvement populaire, il a demandé à Ali Haddad de lui restituer l'argent. En vain. « Mais pourquoi vous avez donné l'argent à Haddad et non au directeur de la campagne ' » interroge encore la juge.
« Parce qu'il était président du FCE », répond-il, affirmant que ce sont les hommes du FCE qui se sont chargés de la collecte de l'argent de la campagne. Auparavant, Mazouz a été interrogé sur les avantages liés à l'activité de montage automobile. L'accusé a indiqué qu'il n'a bénéficié d'aucun avantage, expliquant qu'il a été choisi dans le groupe des 5+5 en raison de sa présence sur le terrain. Interrogé sur ses relations avec les deux anciens Premiers ministres, Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, l'accusé a fait savoir qu'il ne les connaît pas. « En 2008, Ouyahia a cassé une usine de montage que j'ai lancée à Sétif avec les Chinois », a-t-il accusé. La juge appelle tout de suite Ouyahia pour le confronter à cette déclaration.
L'ancien Premier ministre affirme que l'usine a été effectivement fermée, mais dément que Mazouz était visé personnellement par sa décision. « En 2008, j'ai signé deux décisions pour arrêter deux projets, l'un de Mazouz et l'autre s'appelle Fendi et ce, suite à un rapport du ministre de la Promotion de l'investissement de l'époque, Abdelwahid Temmar.
Ces décisions se justifient par le fait que l'Etat n'avait pas lancé l'activité de montage automobile à l'époque », explique Ouyahia. Interrogé sur l'arrivée du fils de Sellal, Farès, dans le capital de l'une de ses entreprises, Mazouz a souligné que le fils de l'ancien Premier ministre était un de ses clients à qui il a cédé des actions pour 9 millions de dinars.
Farès Sellal est sorti de l'entreprise avec 11 milliards de centimes. Ces déclarations sont en contradiction avec celles des deux premiers procès, où il était dit que Farès Sellal n'a investi aucun dinar, et qu'il était arrivé à la société uniquement avec ses compétences. Mazouz dément et argue que les actions étaient vendues chez le notaire.
Concernant ses biens, Ahmed Mazouz a répondu que tout son argent et ses biens se trouvent à l'intérieur du pays, ajoutant qu'il ne possède aucun bien ni aucun compte bancaire à l'étranger.
K. A.


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