Une réunion est
prévue à Oran pour prospecter le système fiscal rattaché à la future
exploitation du gaz de schiste dans le pays. Le ministère algérien de l'Energie
poursuit donc l'évaluation du «potentiel considérable en gaz de schiste» du
grand Sud. L'italienne ENI est déjà sur un périmètre pour engager une aventure
qui lui est interdite dans tous les pays d'Europe où le principe de précaution
est respecté. L'Algérie veut passer outre. Explications.
En France, trois
permis accordés pour l'exploration de gaz de schiste ont été abrogés,
confirmant ainsi l'interdiction de la très polluante technique de fracturation
hydraulique. Cette décision concerne les deux permis de l'Entreprise américaine
Schuepbach, en Ardèche et dans l'Aveyron, et celui de
Total à Montélimar, a précisé la ministre de l'Ecologie, Nathalie Kosciusko-Morizet. Face à une levée de boucliers contre
l'exploration des gaz de schiste en France, le gouvernement a interdit l'usage
de la technique de la fracturation hydraulique, jugée hautement polluante. Les
permis sont automatiquement invalidés en cas de demande d'utilisation de cette
technique. Or, la fracturation hydraulique est considérée comme la seule
technique disponible pour extraire les hydrocarbures piégés dans d'étroites
fissures de schiste.
LES DESSOUS D'UNE
TECHNIQUE «NON CONVENTIONNELLE»
Le New York Times
a consacré de gros moyens au déchiffrage des quelque 30.000 pages de documents
confidentiels provenant de l'agence américaine de protection de
l'environnement, l'EPA, et de différentes sources
internes à l'industrie qu'il s'est procurés.
La version on-line
du quotidien New York Times publie également une carte qui recense la
radioactivité présente dans 149 des quelque 200 puits installés dans l'Etat de
Pennsylvanie et recense 42 puits dont l'eau rejetée dépasse la norme autorisée
pour l'eau potable en radium, 4 dans le cas de l'uranium, 41 dans celui du
benzène, 128 les dépassent pour le «gross alpha», des
radiations causées par les émissions d'uranium et de radium.
Le quotidien
américain a également réalisé un reportage vidéo où l'on voit des habitants des
montagnes rocheuses (Colorado) obligés de déménager parce que les gaz de
schiste les ont «empoisonnés». Nausées, diarrhées, saignements de nez… ils se
disent contaminés par les fuites provenant des extractions réalisées autour de
chez eux.
L'INCOHERENCE DE LA STRATEGIE ALGERIENNE
Le développement
volontariste du gaz de schiste aux USA, outre les graves dommages infligés à
l'environnement, a créé une bulle gazière qui plombe les prix du marché spot du
gaz naturel liquéfié (GNL). De nombreux pays qui pensent que tout ce qui vient
des USA est forcément bon à prendre ont vite dû réviser leur position devant la
mobilisation de la société civile.
L'Algérie, en
revanche, ne semble pas mesurer l'impact catastrophique à très long terme du
choix d'une telle filière. De plus, cette option est marquée du sceau de
l'incohérence :
- Le développement
du gaz de schiste va faire chuter de manière durable les prix du gaz
conventionnel ; même les contrats à long terme ne pourront pas résister
longtemps à cette dynamique. Au mieux, ils seront respectés jusqu'à échéance,
mais ils ne seront pas renouvelés.
- Le ministère de
l'Energie algérien est dans la posture délicate de celui qui demande à Doha,
lors de la dernière réunion des pays membres du Forum des Pays Exportateurs de
Gaz (FPEG), l'alignement des prix du gaz naturel avec ceux du pétrole, à parité
énergétique, et qui, avec le gaz de schiste, contribue à l'émergence d'une
filière rivale.
- La technologie
de fracturation hydraulique, incontournable pour la production du gaz de
schiste, requiert des quantités considérables d'eau pour chaque puits foré. Le
Sahara étant ce qu'il est, un désert, il faudra dépenser de grandes quantités…
d'énergie pour pomper vers le Sud de l'eau qui manque déjà cruellement au Nord
du pays.
- Aucun expert,
dans le monde, n'est en mesure de garantir que l'immense richesse que se
partagent trois pays du Grand Maghreb, à savoir la nappe albienne, ne sera pas
définitivement et gravement polluée par des activités que l'ENI italienne, et
d'autres compagnies à l'affût, s'est vu interdire de développer en Europe.
IL Y A DU GAZ DANS
L'EAU !
Le projet algérien
de développer le gaz de schiste télescope celui de la préservation des
ressources hydriques sur lequel s'est engagée l'Algérie à la conférence
d'Istanbul de 2009. Les ressources en eau potable se raréfient sur la planète
alors que les besoins continuent d'augmenter. Les eaux malsaines ou polluées
sont responsables de 80% des maladies et décès des pays en voie de
développement. Plus d'un milliard de personnes n'ont pas accès à l'eau potable,
et ce chiffre pourrait atteindre les 3 milliards dans moins de 20 ans. L'eau
est devenue une ressource stratégique. Près de trois milliards de personnes
vivent dans des régions qui pourraient connaître des tensions du fait de
l'accès à l'eau potable. En 2030, ce chiffre pourrait atteindre 3,9 milliards
et la communauté des experts converge pour affirmer que les plus grandes
tensions géopolitiques de l'avenir auront l'eau comme principal enjeu. C'est
d'ailleurs déjà le cas pour les pays qui partagent un même fleuve ou une même
rivière. Devant un tel danger, les ministères algériens des Ressources en eau,
du Tourisme et de l'Agriculture n'ont pas eu de réactions connues à l'avancée
par petits pas du projet gaz de schiste du ministère de l'Energie.
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Posté Le : 28/02/2012
Posté par : sofiane
Ecrit par : Idir AHATIM
Source : www.lequotidien-oran.com