Algérie

Comme un air de décennie noire



Comme un air de décennie noire
L'attaque perpétrée par des terroristes au nom de l'islam, mercredi, au siège de Charlie Hebdo, à Paris, réveille chez les Algériens un désagréable sentiment de déjà-vu, de déjà-vécu pendant les années plomb.Une fusillade, des hommes, des armes, un mode opératoire bien ficelé, des morts, des blessés, des émus, une surprise, un choc. Le leitmotiv ressemble, à s'y méprendre, à un attentat perpétré en Algérie durant les années 1990, où militaires et milices islamistes se livraient un combat que tous croyaient sans fin.Pourtant, le refrain a été exploité une fois de plus. C'était mercredi dernier, et surtout ce n'était pas en Algérie, mais en France, au c?ur de la capitale, Paris. Trois terroristes ont pris d'assaut dans la matinée la rédaction du journal satirique Charlie Hebdo, où une fusillade a été menée tuant 12 personnes, dont 8 journalistes.Pour parfaire le «scénario terrorisme», les auteurs de l'attaque auraient crié : «Allah Akbar !» Seulement, personne n'a pris la peine de crier «Coupez !», la scène était bien réelle et les seuls cris entendus étaient ceux des personnes retenues captives dans le bâtiment. «Je suis encore sous le choc, j'ai l'impression de revivre les années de plomb, où sortir n'était envisageable qu'en cas de nécessité», affirme Naïma, 42 ans, aide-soignante dans un hôpital algérois. Sur les réseaux sociaux, la relation est vite établie, l'histoire de la France et de l'Algérie continue de se lier.Pour Lazhari Labter, écrivain et auteur d'ouvrages sur les années noires algériennes, «nous ne pouvons faire fi, dans l'analyse de ces événements des années noires non seulement parce qu'elles nous ont marqués, mais aussi parce que c'est à leur aune que l'on mesure l'étendue du carnage qui continue d'endeuiller de nombreux pays.»StigmatisationLe parallèle ne s'arrête pas là, cela serait presque trop facile. Il ne s'agit pas d'une attaque terroriste ordinaire, elle cible un organe de presse et par la même occasion, la liberté d'expression et de pensée qui caractérise les journalistes de Charlie Hebdo et qui leur est garantie constitutionnellement.«Je pense que peu importe les polémiques qu'ont pu soulever les caricatures de ce journal, et elles sont nombreuses, un meurtre reste un meurtre et il doit être condamné le plus fermement possible», estime Amina, 24 ans, étudiante à l'Université d'Alger. D'ailleurs, l'histoire nationale récente n'est pas vierge d'événements similaires. Le 21 mars 1994, une attaque avait fait 3 morts et 2 blessés au siège de l'hebdomadaire algérien L'Hebdo Libéré.Bis repetita le 16 février 1996 quand la maison de la presse d'Alger est à son tour le théâtre d'un assaut similaire. De 1994 à 2015, «le but est le même : tuer les voix contradictoires, assassiner la différence, propager la peur et faire parler de soi», analyse Lazhari Labter. Et de poursuivre : «Les scènes changent, les époques changent, les pays changent, les acteurs changent, mais l'horreur et l'abomination commises par des ??déshumains'' au nom de Dieu sont les mêmes», pour Lazhari Labter. C'est dans ce dernier élément que réside un autre problème majeur : «au nom de Dieu».En réalité, c'est au nom d'une idéologie que Lazhari Labter estime «obscurantiste, réductrice et nihiliste» que cette attaque a été perpétrée et justifiée. Les années de terrorisme en Algérie avaient déjà, à l'époque, été à l'origine d'une stigmatisation des communautés musulmanes et cette attaque d'ampleur dans la capitale française devrait avoir les mêmes conséquences, replongeant un peu plus les Algériens dans les années 1990, peu importe que les blessures de cette période soient encore béantes et vivaces.




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