Algérie

Combats



Combats
Elle voulait être enterrée en Algérie, chez elle, comme pour marquer son départ par un ultime acte politique, être là, malgré tout», témoigne une amie de l'écrivaine disparue. Entre la tentative de récupération maladroite des officiels et la propagation des idées les plus rétrogrades, son enterrement ici est un acte politique, car il nous rappelle aussi le cumul sacrifié des luttes des femmes et des hommes libres et dignes, pour une Algérie qui ne tremble pas devant la première fatwa télévisée ou le dernier des charlatans, une Algérie lumineuse par sa diversité et non asphyxiée dans les ténèbres du sarcophage des unités sacrées.Assia Djebar sera enterrée dans son pays, un pays dont les chefs croyaient qu'ils s'en porteraient mieux loin d'elle, occupés à gérer la rente morale et les débâcles du quotidien. Des chefs qui ont livré le pays à la violence symbolique, aux régressions criminelles, tentant de négocier le compromis avec la bêtise et l'intolérance. Un auteur s'est dit révolté par l'indifférence de la population face aux assassinats d'intellectuels?: la société dans son ensemble est-elle coupable?'Pourquoi en arriver au fait qu'Assia Djebar ne soit même pas connue dans les rues de Cherchell?' C'est un long travail de mépris construit par le régime dans sa lutte acharnée contre l'intellectuel, cette figure du contre-pouvoir, qui ose réfléchir en dehors de la doxa sclérosée. L'écrivain concentre, en plus, toutes les tares?: il a l'obligation de penser par soi en étant solidaire de tous les autres autour de lui, il est l'incarnation de la pensée, son artisan et son vecteur.C'est, comme le démontre Assia Djebar, une conscience active qui produit du sens et nourrit les combats. Insupportable posture pour les apparatchiks et les intégristes unis dans le projet antinational. Il y a des personnes dans ce pays qui refusent de saluer le drapeau algérien ou de se lever quand retentit l'hymne?: manière de bafouer le combat des Algériens pour la liberté et la dignité. La présence de ces intégristes n'est que plus violemment contrastante face au symbole d'Assia Djebar qui rentre au pays, son pays pour lequel elle a lutté, depuis sa première jeunesse.La lumière et la pensée, l'obscurité et le déni de soi, face à face, avec, au milieu, un régime qui n'arrive pas à s'assumer protecteur des Algériens confrontés à la tentation du pire. C'est en cela que tous les discours autour d'Assia Djebar ne devraient pas rester prisonniers des hommages dictés dans les cabinets des puissants du moment, mais devront rappeler à l'infini que des combats ont été menés et que des combats doivent être menés encore. Pour la liberté, pour la dignité.




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