Algérie

Colporteurs d'eau : quand la pénurie crée le métier



Colporteur d'eauest une activité qui rapporte à Oran, surtout avec l'avènement de cette périodede grandes chaleurs où la demande de cette source vitale explose carrément dansles zones qui ne sont toujours pas raccordées au réseau d'AEP. Les colporteursqui ont fait leur première apparition dans le milieu des années 1980,encouragés par la crise d'eau qu'a connue la ville, activaient généralement aunoir et dans l'anarchie totale. Mais, depuis, l'activité a fait du chemin etles colporteurs se sont organisés en une véritable «corporation» avec despoints de ravitaillement précis et des secteurs délimités. On assiste même àune forme de «sédentarisation» de cette activité, avec l'apparition de plus enplus de locaux spécialisés dans la vente d'eau potable.Finis cescolporteurs qui sillonnaient les rues dès les premières heures de la matinée augrand dam des Oranais réveillés par les klaxons et les cris stridents venant detacots rouillés. Bien que cette activité ne soit pas encore réglementée, ellereste, toutefois, tolérée par les autorités qui n'arrivent toujours pas àtrouver une autre alternative pour alimenter les habitants en eau. Aujourd'hui,colporteur d'eau est un «métier» avec ses propres règles et bien sûr sesficelles que seuls les initiés arrivent à maîtriser. Un bon colporteur d'eau,avec un carnet d'adresse mais surtout un répertoire téléphonique de clientsarrive à gagner entre 1.200 et 2.000 dinars par jour, nets d'impôts. Le prix deréférence de la citerne d'eau de 3.000 litres, qui est de 400 dinars, peut êtrerevu à la hausse selon la période et le lieu de livraison. Les clients habitantdans des étages supérieurs sont, en effet, appelés à payer une majoration entre200 et 300 dinars au colporteur en contrepartie de l'utilisation de la pompe.«Les prix diffèrent selon les étages et peuvent doubler pour atteindre les 700dinars. Durant la période des grandes chaleurs, les prix peuvent sensiblementaugmenter, puisqu'on est contraint de rester durant des heures dans des queuesinterminables pour s'approvisionner au niveau des puits», explique cecolporteur d'eau installé en face de l'hôpital pédiatrique de Canastel. Cedernier nous confie qu'il reçoit les appels de ses nombreux clients de la citéCNL «592 logements», de Fernand-ville et de Bir El-Djir. Son portable n'arrêtepas de sonner.Quant auxfacteurs qui ont conduit au développement de ce «métier», il faut dire que lacrise d'eau que connaît la ville depuis des décennies n'explique pas tout,puisque d'autres facteurs ont aussi encouragé la prolifération des colporteurs,notamment l'urbanisation anarchique que connaît Oran depuis le début des année90. L'expansion de la ville s'est faite sans études préalables d'aménagementdes sites comme à Oran Est ou Oran Ouest. Des dizaines de coopératives,réalisées il y a une quinzaine voire une vingtaine d'années, ne sont toujourspas raccordées au réseau d'AEP, ni a celui du gaz de ville ni même au réseaud'assainissement. La raison est que la majorité des coopératives refusentcarrément de faire la viabilisation de leurs sites malgré l'existence d'uncahier des charges qui stipule que les raccordements et les travaux de VRDdoivent être pris en charge par les membres de la coopérative.Dans d'autressites comme la cité 592 logements CNL ou le lotissement 417 de Bir El-Djir, laviabilisation qui devait être effectuée par le maître d'ouvrage, enl'occurrence l'agence foncière et la DLEP, a été retardée ou mal réalisée cequi empêche le raccordement au réseau principal.Une récenteenquête sur la situation des coopératives et des cités non viabilisées à Oranrévèle qu'il y a 12.000 logements qui ne sont pas raccordés au réseau d'AEP.Dans la seule zone d'Oran Est, ils sont plus de 73.000 habitants éparpillés sur20 sites qui ne sont pas alimentés en eau potable.Contacté à cepropos, le directeur de l'unité d'Oran de l'Algérienne des Eaux (ADE) explique: «la viabilisation de ces zones est la mission des coopératives ou des maîtresd'ouvrages conformément au cahier des charges. Toutefois, il existe énormémentde coopératives immobilières qui ne veulent pas débourser de l'argent pourréaliser l'aménagement de leurs sites. Les coopératives et les maîtresd'ouvrages doivent honorer leurs engagements vu que les parcelles de terrainavaient été vendues au dinar symbolique par l'Etat». Le coût du raccordement auréseau d'AEP ne dépasse guère les 40.000 dinars au maximum pour chaque habitantde la coopérative. «Pour quelqu'un qui a construit une villa pour 800 millionsde cts et souvent plus, dépenser entre 30.000 et 40.000 dinars pour avoir del'eau saine dans son robinet n'est pas trop demandé», précise-t-on de mêmesource. Dans d'autres cas, par contre, comme au lotissement 417 de Bir El-Djirle réseau a été réalisé, mais n'est toujours pas raccordé à la canalisationprincipale d'AEP, puisque des réserves ont été formulées par l'ADE qui a refuséde réceptionner la gestion d'un réseau défectueux. Il est à noter que l'ADEdispose d'une flotte de 58 camions-citernes qui approvisionnent les habitantsdes zones qui ne sont pas raccordées au réseau d'AEP ou enregistrent desperturbations dans l'alimentation en eau potable.


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