Algérie

Cocktail à la Sarko



Dans le projet de Sarkozy, il y a comme un cocktail au goût de cannelle caramélisée avec quelques senteurs marines, coupées d'un zeste de citron quatre saisons, servi dans un verre à thé par pudeur envers les croyants voyeurs.

Il s'agit, bien sûr, de cette Union pour la Méditerranéen dont tout, absolument tout, a été dit en si peu de temps. Les langues les plus mauvaises se sont déliées, les critiques les plus acerbes ne nous ont laissé aucun espace à occuper, les ratages d'une des plus grandes rencontres de ce début de siècle, ont fait l'objet de gros plans, la France s'est divisée par tradition républicaine entre oui et non, des ex-gouvernants se sont fait écrire une lettre ouverte aux nouveaux maîtres pour les encourager à aller de l'avant et même le 14 juillet était au rendez-vous, comme pour effacer les quelques mauvaises notes de la veille.

Sarkozy a gagné et tant mieux pour la rive nord de la Méditerranée. Il a rassemblé l'Union européenne qu'il préside depuis peu, au grand complet, par solidarité, l'Union du Maghreb moins un, par rigidité généalogique, le Proche-Orient plus Israël, plus l'Autorité palestinienne, par obligation d'une coexistence difficile, les pays des Balkans par gratification pour bonne conduite et Monaco pour faire la promotion de ses casinos auprès des représentants du Golfe. Un grand bout de Ligue arabe pour s'accorder les bonnes grâces de l'Arabie Saoudite, les yeux embués, à force de surveiller les fonds des puits de pétrole. Un petit bout de Conférence islamique pour diriger le regard des peuples musulmans sur La Mecque en caressant le rêve de pouvoir accomplir le pèlerinage à El-Qods, une fois la paix revenue.

En tout, 43 pays pour définir l'usage d'une mer commune qui nous sépare en deux hémisphères inégaux. Celui des peuples de clandestins malgré eux et celui de peules qui les refusent mais qui leur donnent à manger et les soignent par charité chrétienne. Chacun à sa manière, l'argent demeurant le lien le plus solide et le commerce l'issue fatale de toute les unions.

A l'occasion, le président français a même appris à embrasser, à faire la bise à la rive sud, selon les pratiques de chacun, faisant fi du caractère réservé des gouvernants occidentaux. Une fois n'étant pas coutume, il a tendu deux fois, parfois quatre, la joue aux représentants du Sud, tout en tendant une main souriante entre deux tics d'épaule. Il apprendra bien un jour le frottement du nez, cher aux monarchies arabes, si d'ici là l'Union pour la Mer laissera un quelconque nez ne serait-ce qu'au milieu des visages.

Sarkozy, il faut le reconnaître, a au moins le mérite de provoquer le débat. Pour ou contre la question n'est plus là, car, il s'agit de maintenir vivante une présence des idées développées dans cette Europe post-hitlérienne, qui s'est résolument rangée du côté de la démocratie et de la libre pensée. Pour ou contre, la question n'est pas de faire le procès d'une France traînant le fardeau d'une Histoire qu'il s'agira de dépoussiérer de ses nombreux complexes, ni de déplaire à de mauvais gestionnaires des indépendances et autres freluquets qui parlent au moment où il faut se taire et se taisent au moment où il faut parler. Il s'agit de comprendre les mécanismes qui propulsent les idées vers les cimes des pouvoirs pour les transformer en actes d'un processus à l'autre. Sarkozy, en fin serrurier des portes de l'Histoire, ose braver les interdits et combattre l'immobilisme, quitte à baisser dans les sondages de popularité. L'Histoire retiendra ce qu'elle voudra et les historiens du futur auront toute l'éternité pour analyser, juger et transmettre leurs lectures des évènements. Le drame vient de ce que nous, peuples du Sud avons retenu comme leçon alors que nos sociétés sont à faire ou à refaire. Le drame c'est que nous ne retenions aucune leçon. Fallait-il que la France intervienne pour laisser à la paix entre la Syrie et le Liban, un espoir de se réaliser mettant fin aux bals masqués des hâbleurs par tradition? Fallait-il que l'Union pour la Méditerranée réunisse une partie des pays arabes avec Israël pour afficher un courage sous perfusion en évitant les témoignages photographiques? Oui, apparemment, il le fallait et c'est précisément là que le bât blesse. Qu'avons-nous à apporter à une Europe unie pour le meilleur sinon notre désunion pour le pire? On a beau critiqué l'Occident, nous n'avons rien su faire ensemble. Rien. Honte à ceux qui ne se lèvent tôt que pour prier, oubliant que la prière n'est qu'un prétexte pour se lever tôt et que Dieu ne fait des communautés que ce qu'elles veulent faire d'elles-mêmes. Union. Voilà un processus qui se passe de l'émotivité chère aux arabes et qui n'a trouvé aucune place entre leurs sièges éternellement scellés sur leur destin. Un siège ça se quitte et ça se déplace ne serait-ce que pour nettoyer dessous. L'Union, ce sont des intérêts et des moyens à mettre en commun pour avancer même coincés entre une barbe et un kamis. Lorsque Sarkozy annonce qu'il est l'ami de tous les Libanais sans exclusion, il dirigeait ses propos vers le Hezbollah, pièce importante dans le plan de paix au Proche-Orient. Et nous n'avons retenu de l'idée d'une union méditerranéenne que cette tentative de faire avaler aux arabes le sacrifice des Palestiniens. Qu'ont, alors, fait les arabes pour les Palestiniens sinon les utiliser comme une source de revendications de leurs fûts de pétrole et de s'enrichir jusqu'à éclatement des bedaines sur leur dos? Comment a été posé l'étranglement criminel de Ghaza alors que le Hamas a gagné démocratiquement les élections? Il est peut-être plus intéressant de savoir ce qu'en pense Sarkozy que d'attendre les déclarations d'intention de ceux qui acceptent d'être placés par ordre alphabétique, dans une salle de conférence pour ne pas bousculer leur susceptibilité légendaire; ou par ordre d'ancienneté au pouvoir pour qu'ils comprennent qu'il est temps, pour eux, de céder la place à de moins vieux, au moins.

Au moins le cocktail de Sarkozy se rafraîchira pour être bu dans des verres normaux loin des inquisitions dont l'Histoire s'est nourrie jusqu'à présent.






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