Algérie


CNRPAH
Que voit-on-là ' C'est quoi cette pierre qui nous vient des fins fonds des âges farouches ' Voici une autre bribe surgie du passé lointain qui nous apprend tant. Voici comment le premier outil façonné dans un simple galet a inauguré, il y a près de 3 millions d'années, un merveilleux élan de création et d'invention technologique qui continue à changer notre quotidien et le monde.Aujourd'hui, l'homme, pour ainsi dire, a conquis pratiquement toute la planète. Evolué, il ne cesse de s'inventer des objets et outils pour lui faciliter la vie et chevaucher le chemin d'une révolution technologique sans précédent. Cette phrase paraît éprouvée et même ordinaire. En réalité, cette affirmation a été le fil d'Ariane qui a amené des chercheurs archéologues à remonter l'histoire jusqu'à la préhistoire. Le but est déterminé : découvrir les outils que les premiers hommes ont utilisés. Les chercheurs en préhistoire du Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques (CNRPAH) s'échinent à étudier différents outils retrouvés dans des sites datant de quelques millions d'années. Leur objectif est de définir et étudier les cultures successives, complexes et variées des hommes préhistoriques.Des outils réalisés dans un matériau dur et immarcescible : la pierre. «Il s'agit de l'étude d'un outil lithique ou relatif à la pierre tel le racloir, grattoir, biface, utilisé par l'homme préhistorique», déclare Smaïl Idir, chercheur en préhistoire au CNRPAH. Comment un objet muet tel la pierre serait-il capable de révéler les secrets d'une vie primitive ' Pour percer les significations de ces outils taillés, les experts dans ce domaine regorgé de mystères mènent plusieurs phases d'études sur l'objet découvert. Les chercheurs commencent en premier lieu par la recherche de l'outil dans des sites, jusqu'à l'analyse définitive et complète en laboratoire. Toute l'équipe se regroupe pour analyser, identifier, mesurer et enfin classifier l'outil qui sera au final attribué à une période précise de la préhistoire.Etude de l'outil, une expertise scientifiqueLa fabrication des outils en pierre taillée demandait une dextérité considérable, une grande connaissance des matériaux, et l'intelligence conceptuelle de l'homme est fortement prouvée. Pour tirer tout le parti de ces vestiges, les archéologues et préhistoriens du CNRPAH s'astreignent donc non seulement à décrire l'outil, mais également s'attacher à comprendre les différentes phases de sa conception et de sa réalisation. Toute cette étudemettra l'outil en perspective dans l'évolution des cultures lithiques. La fabrication d'un outil témoigne d'une chaîne opératoire souvent complexe et compliquée. «La pierre est un objet muet, en utilisant des méthodes et des techniques, nous arriverons à extraire des informations sur la culture lithique d'une période préhistorique», indique encore M. Smaïl.La première phase de l'étude d'un objet lithique consiste à déterminer et reconnaître l'origine de la matière première de ces outils découverts dans les sites de fouilles. «Cette étape met au point l'identification de la matière première, c'est-à-dire de quelle roche est fabriqué cet outil», explique Latifa Sari, chercheuse en préhistoire au CNRPAH. «Une fois que la matière première est déterminée et définie, le prélèvement d'un échantillon de cette matière sur les lieux est très important. Sa présence ou son absence pourra affirmer un échange, un déplacement, un choix et même une préférence d'une matière à une autre» ajoute-t-elle.La détermination de l'origine (gîte) de la matière première de l'objet façonné apporte une idée globale sur le comportement et la façon de faire de ces hommes primaires. «Il y a certaines populations qui ont choisi d'aller plus loin pour aller chercher une qualité de roche. Cette dernière présentait une meilleure qualité, alors qu'ils avaient celles de moindre qualité à côté de leurs habitats. Dans d'autres contrées, des populations ont préféré se contenter de pierres de moindre qualité, et elles les ont adaptées à leurs méthodes de travail, car elles n'avaient pas les mêmes exigences ou nécessité», relate-t-elle.De son côté, Redha Benchernine, maître de recherche en préhistoire au CNRPAH, explique que la recherche des gîtes de la matière première «permet non seulement d'estimer la distance parcourue par les populations primaires, mais aussi d'avoir une appréhension, une dimension de leur territorialité». Une fois au laboratoire, les chercheurs entament la deuxième phase d'étude archéologique. Ensemble, ils essaient de mesurer la taille de l'objet. Un travail qui repose sur des données quantitatives. «Les données ont également l'avantage de pouvoir faire l'objet de statistiques, qu'on appelle analyse morphométrique», précise la chercheuse.Cette phase de recherche, comme l'indique Smaïl Idir, apporte des informations géométriques sur l'objet lui-même (sa taille, son poids, sa nature), mais cela ne renseigne pas suffisamment sur les intentions des premiers artisans. Et c'est là qu'intervient la troisième étape de recherche, qui est l'attribution chrono-culturelle des objets lithiques. Cette phase se limite à la détermination de la période où l'outil a été réalisé ou façonné. «Nous faisons intervenir la notion du fossile directeur, c'est donc la pièce qui caractérise une période ou une culture», avance M. Benchernine. «Quand on est devant un tel objet lithique, on sait pratiquement que cela revient à telle ou telle période de la préhistoire», ajoutera-t-il.L'étude technologique de l'outil préhistoriqueQuand on voit un biface, on se demande tout de suite comment l'homme a pu réaliser un outil à partir d'une roche comme le silex, par quelle technique il a été façonné. Les chercheurs du CNRPAH ont fait appel à l'étude technologique afin de reconnaître les différentes techniques utilisées par l'artisan dans sa fabrication des outils. Selon Mme Sari, «cette étape implique le besoin de connaître par quelle méthode de taille l'objet a été obtenu». L'étude de techniques de débitage permet de reconnaître les différentes étapes d'un progrès technologique déjà en cours de perpétuel dépassement. «Cette analyse suscite une reproduction des gestes de l'homme. En reconstituant les mêmes techniques de taille de l'objet, nous parvenons à analyser les capacités cognitives, les comportements sociaux et les relations culturelles des populations concernées», confirme M. Smaïl.L'homme préhistorique confectionna ses objets grâce à trois techniques de taille : percussion directe, percussion indirecte et la pression, pour obtenir enfin un outil déjà préconçu par l'artisan. La dernière étape dans l'étude de l'objet préhistorique renvoie à la typologie lithique. «La typologie lithique consiste à classer ces objets selon deux caractères prépondérants qui sont : la forme et la fonction, et à partir de cela on leur donne une appellation», argumente M. Benchernine. Un biface par exemple est appelé ainsi par apport à sa forme, car l'artisan détache les éclats de la pierre sur les deux faces. Le racloir, par contre, est nommé de cette manière par rapport à sa fonction. Cet outil servait à gratter les peaux, à travailler le bois, etc. Enfin, nous laissons pour nos chercheurs ce travail de fourmi. Pour nous, voici une autre page sur l'étude des objets lithiques qu'on ferme, mais sûrement pas la dernière. Ce domaine très vaste ne nous a pas révélé tous ses secrets, et notre territoire reste riche de ces témoignages du passé dont le simple fait de les découvrir est une véritable satisfaction en soi.




Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)