Algérie

CLÔTURE DES RENCONTRES CINÉMATOGRAPHIQUES DE BÉJAÏA



Fin d’une édition au féminin
Le rideau est tombé lundi soir sur cette manifestation riche en films, en débats et en partage humain... Alors que le parvis de la Maison de la culture Taos-Amrouche se drapait de ses plus beaux atours grâce au comité des fêtes de la ville de Béjaïa, en organisant plusieurs manifestations à destination des enfants (sensibilisation, conseils, jeux et manège...), cette même institution culturelle se préparait activement lundi dernier à baisser le rideau sur la 6e édition des «rencontres» de Béjaïa. Un événement qui a drainé, comme chaque année, un certain nombre d’invités spécialistes en la matière, et a été riche en films et en ateliers d’apprentissage, notamment d’initiation à la réalisation et à la réécriture de scénarii. Cette nouvelle édition a été consacrée à la «femme dans le cinéma» et au «cinéma de femmes». Une édition qui s’est écrite et conjuguée au féminin, afin d’explorer le regard que posent les femmes cinéastes sur leurs sociétés. Il s’agissait aussi d’aller dans l’autre sens, en explorant le regard porté sur la femme dans le cinéma du Maghreb.Ainsi, cette énième édition des «rencontres» a été encore une fois, une occasion offerte aux jeunes de venir se frotter aux professionnels du métier, autour des ateliers de formation. Un thème bien passionnant qui a été marqué par la projection en soirée de clôture de deux films algériens. Le premier de Yanis Koussim est intitulé Khti. Le réalisateur superpose la destinée de deux femmes, que tout semble séparer mais qui, pourtant, s’avèrent être très proches. Lamia et Salima, deux jeunes femmes de 28 ans, auraient pu ne jamais se rencontrer. en effet, tellement leurs vies sont différentes, et pourtant...Lorsque Lamia, résidente en psychiatrie, se voit confier le suivi de Salima, que les services de police viennent de ramener à l’hôpital psychiatrique, elle ne sait pas encore que la bulle dans laquelle elle vit va définitivement éclater. Les conditions sociales de chacune de ces filles, déterminant leur statut dans la société, se trouvent, d’un coup, ébranlées dès lors que ces deux femmes se rencontrent et confrontent ainsi leur destinée. Un court métrage tendre et émouvant qui remet en cause la notion de normalité, a fortiori envers les femmes, dont l’existence est plus guidée par la main de la tradition que du libre-arbitre.Ce film a été réalisé l’an dernier avec le concours de la manifestation «Alger, capitale de la culture arabe.» «Le film a trait à la situation de la femme en Algérie. Comme quoi, il suffit juste de vouloir» souligne le réalisateur en faisant référence aux changements de ces codes dépassés régissant l’attitude observée envers les femmes.Le second film est un long métrage datant de 1988, de Mohamed Chouikh. Il s’agit de la Citadelle, initialement appelé L’Aube du crépuscule. La Citadelle, (El-kalaâ) comme le nom de ce village perché en plein montagne dans l’Ouest algérien et qui illustre le grand isolement dont souffrent les gens de ce village. Rien ne vient les sortir de leur monotonie étouffante, si ce n’est les fêtes de mariage répétées et les incessantes naissances. Sidi ne sait plus où donner de la tête avec Kaddour, son fils adoptif. Berger prétendument simplet, ce dernier se cache trop souvent derrière les rochers pour sourire à la femme du cordonnier dont il est éperdument amoureux. Lorsqu’il se met à clamer son amour dans tout le village, les hommes décident de lui donner une leçon. Ce même jour, Sidi, qui possède déjà trois épouses, toutes occupées à lui faire des enfants et à tisser tapis et couvertures, ramène chez lui un quatrième métier à tisser, signe annonciateur de nouvelles noces. C’en est plus que ne peut supporter sa plus jeune épouse. Un face à face entre un cinéaste talentueux et des traditions ancestrales, avec comme acteur principal, le célèbre chanteur des années 1980, Khaled Barkat. Cette farce tragique est donc une plongée dans la vie entre quatre murs de ces femmes, nées pour servir leurs hommes et enfanter. Et c’est étrangement de cet homme simplet, qui s’avère être en avance sur les mentalités des autres, que viendra incontestablement le respect de l’autre, de ce «candide» mais ô combien éclairé et humain qui fera les frais de la bêtise et la cruauté de ses voisins.Sa mort fera réagir cette petite fille, alias Yasmine Chouikh, -dans un rôle tout aussi attendrissant- qui, seule, pourra comprendre l’injustice de cet acte et la portée de ce drame. Un film audacieux qui traite d’un sujet toujours d’actualité, hélas avec force, humour et beaucoup de tendresse. Dans la distribution des rôles, on retrouve également feu Ouardia, Mohamed et Fattouma Bouamari, Fatma Belhadj etc. Le film La Citadelle résolument courageux, reflète l’ouverture d’esprit, la témérité et la fraicheur du cinéma des années 1980, qui tranche avec le système cinématographique d’aujourd’hui, contaminé par l’auto-censure.Pour rappel, l’ouverture des «rencontres cinématographiques» de Béjaïa a été marquée par la projection d’un court métrage signé Yasmine Ckouikh, El-Bab, qui décrit lui aussi les conditions de vie dans lesquelles sont confinées la plupart des filles en Algérie, les empêchant de s’affirmer, en tant que personnes à part entière et jouir de leurs droits et libertés...Vivantes est le dernier long métrage de Saïd Ould Khelifa, présenté en présence de son actrice principale Rym Takoucht. L’histoire terrible d’un groupe de femmes violentées dans le Sud algérien et qui débattent jusqu’à présent avec la justice pour retrouver leur dignité bafouée. Réalisé dans le cadre d’«Alger capitale de la culture arabe», Vivantes a suscité un très fort débat avec le public lors des projections en plein air, dans les résidences universitaires, qui se sont retrouvées animées chaque soir grâce au minibus du Cnca. Ainsi, du 28 au 2 juin, la ville de Béjaïa aura retrouvé durant une semaine, le chemin des salles obscures, l’espace d’un événement non dénué de «défaillance technique» comme reconnu par Abdenour Houchine, président de l’Association Project’Heures, qui interpellera ceux qui font en sorte d’assurer le bon fonctionnement technique des spectacles. Sans rejeter la balle sur les autres, Abdenour fera remarquer que ces problèmes techniques ne dépendent pas de lui tout en promettant une meilleure édition, l’an prochain, des rencontres cinématographiques de Béjaïa.


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