Algérie

Clochardisation



Clochardisation
«L'imagination est la meilleure compagnie de transport au monde.» Roger Fournier«Je me souviens des premières mesures démagogiques que prit le gouvernement issu du coup de force contre le Gpra: je passerai rapidement sur le ramassage des cireurs et leur placement dans des centres d'apprentissage, comme de l'expulsion des mendiants qui s'exposaient sur les grandes artères de la capitale et leur abandon à la périphérie de la grande ville. Ce dont je me souviens le mieux est cette image relayée, aussi bien par la télévision, que par les Actualités algérianisées, d'un feu mis au chaume d'un bidonville sis, si mes souvenirs sont bons, au fameux boulevard des Martyrs. Ceux du Ravin de la Femme sauvage et du Clos-Salembier avaient encore quelques années devant eux. Tout le monde avait cru qu'une nouvelle ère de prospérité allait s'ouvrir pour ce peuple qui avait connu des siècles durant invasions, occupations, protectorat et colonisation. Après une décennie d'espoir dans le secteur des transports, les yeux des pauvres citoyens commencèrent à se désiller: la nationalisation de ce secteur n'avait pas résolu le problème de l'offre. Les travailleurs qui habitaient la Kabylie (pourtant aux portes d'Alger) avaient tout le mal du monde à regagner à l'heure le lieu de leur travail, après un repos hebdomadaire bien mérité, vite passé au sein de leur famille. Devant la rareté des services de transport, certains privés ayant mis la clé sous le paillasson, des voix s'élevèrent: certains travailleurs, exaspérés, essayèrent de s'organiser et tentèrent de sensibiliser, dans une atmosphère étouffante de parti unique et de caporalisation de toutes les institutions, l'administration qui était censée être la plus proche des préoccupations du petit peuple. C'est ainsi qu'un modeste travailleur, qui était revenu de France pour travailler dans ce qu'il croyait être son pays, pénétré des initiatives des syndicats d'outre-mer se mit en tête de collecter des signatures des gens de son village qui vivaient les mêmes problèmes et alla, plein d'optimisme, soumettre une requête, somme toute légitime, au premier administrateur de l'Assemblée communale, lequel jouissait alors d'un respect considérable de la part de ses administrés pour sa courtoisie et son comportement militant durant la guerre de Libération. Le maire le reçut chaleureusement d'abord, puis le climat se refroidit vite entre les deux hommes qui étaient, non seulement des proches voisins qui ont toujours entretenu des rapports cordiaux, mais aussi qui étaient de la même génération: à la lecture de la pétition, le regard du maire s'assombrit et exprima brièvement son incapacité à satisfaire une telle demande. Mieux, il menaça son ancien camarade d'enfance de porter l'affaire en «haut lieu» parce que la liste des pétitionnaires constituait une menace pour l'ordre public car elle pouvait être interprétée comme une constitution illégale d'une association politique. Le pauvre prolétaire n'en crut pas ses oreilles. Il quitta le siège de l'Assemblée dite populaire et jura de retourner en France à la première occasion venue. Je raconte cela pour illus-trer la distance qui séparait les préoccupations de la base avec celles des niveaux dits supérieurs.Plus tard, avec des années de retard, les décideurs créèrent les fameuses gares routières qui devaient faciliter et améliorer la vie des citoyens appelés à voyager par la route car le réseau ferroviaire, au lieu de se développer après l'indépendance avait singulièrement rétréci. Ces gares offraient maints services aux citoyens et étaient d'abord gérées assez correctement. Puis, au fur et à mesure que des problèmes s'accumulaient: comportement des transporteurs, sécurité insuffisante, absence d'abris ou d'un minimum de confort pour ceux qui sont condamnés à attendre un bus incertain, des gares furent abandonnées et devinrent le refuge de SDF et de délinquants. La gare routière, l'Agence, comme l'appellent les habitants de Zéralda, ce joli village qui avait jadis une prétention touristique en est un exemple navrant. Quant à la nouvelle gare de Bouhinon, près de Tizi-Ouzou, c'est simplement une atteinte à la dignité des usagers.




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