Algérie

Claude Moisy (Journaliste) : « Les télévisions privilégient l'émotion à la réflexion »



Claude Moisy, ancien président-directeur général de l'Agence France Presse (AFP), est convaincu que les chaînes d'information continue n'ont pas l'influence qu'on leur accorde. Dimanche, 28 septembre au soir, face à un auditoire modeste au Centre culturel français (CCF) à Alger, ce journaliste a tenté de défendre la thèse que ces chaînes n'ont pas de grand impact sur l'opinion publique. Il a cité l'exemple de l'américaine CNN et de la britannique BBC dont l'audience ne dépasse pas les 0,5% en France. « Ces chaînes revendiquent une audience de 200 à 250 millions de foyers. En réalité, il ne s'agit pas de foyers qui regardent ces chaînes mais qui ont la possibilité de les recevoir », a-t-il soutenu. Selon lui, il existe 80 chaînes d'information continue dans le monde. « Certaines télévisions, comme celle lancées par la Russie et la Chine, ont adopté une ligne officielle qui ne leur assurent pas une grande audience », a ajouté cet ancien administrateur de Reporters sans frontières (RSF).En Chine, CCTV4, qui diffuse en anglais, est la principale chaîne de télévision orientée vers l'extérieur. Russia Today, lancée il y a deux ans, diffuse en anglais et en arabe. Claude Moisy n'a pas expliqué pourquoi CNN (qui a un programme en turc et en hindi) et BBC refusent d'avoir un programme en français. Au début de cette année, la chaîne britannique a lancé BBC arabic. Il en a été de même pour la télévision européenne Euronews, qui après une longue hésitation, a adopté un programme en arabe. Attitude similaire pour France24 et la Deutsche Welle en Allemagne. Interrogé sur cet engouement pour la langue arabe, l'ancien patron de l'AFP a estimé qu'en Occident il y a une prise de conscience quant à un certain déséquilibre dans le traitement de l'information. Dans son analyse, Claude Moisy semble avoir ignoré l'audience d'Al Jazeera, et à un degré moindre d'Al Arabiya, dans le monde arabe. Il s'est contenté de baser son argumentaire sur ce qui se passe en Europe et en Amérique du Nord. Or, dans la plupart des pays arabes, il n'existe pas encore de télévisions libres qui offrent des tribunes aux mouvements sociaux, à la société civile et à l'opposition. Chose que fait Al Jazeera chaque jour.Claude Moisy a concédé que la chaîne qatarie a « une certaine liberté et un certain professionnalisme » dans le traitement de l'information. Le conférencier a soigneusement évité d'aborder la situation de l'audiovisuel en Algérie où la télévision d'Etat est entièrement fermée à l'expression libre et où il est encore interdit d'ouvrir des télévisions indépendantes. Selon le journaliste, les télévisions sont plus regardées pour le divertissement que pour l'information. « Aujourd'hui, les télévisions privilégient l'émotion à la réflexion. Ce qui est différent pour la presse écrite », a-t-il noté. D'après lui, la guerre en Afghanistan (occupation du pays par des forces de l'OTAN depuis 2001) n'est devenue visible dans les médias français qu'après l'assassinat de dix soldats français par les talibans en août 2008. « Auparavant, personne n'entendait parler de cette guerre », a-t-il appuyé.Sans donner une définition précise de l'opinion publique, il a estimé que les médias subissent la pression de cette opinion dans le traitement de l'information. Il a cité l'exemple des journaux américains The New York Times et The Washington Post qui ont refusé de publier des informations sur les mensonges autour de la guerre engagée en Irak par la Pentagone de peur d'être traités « d'anti-patriotes ». « A l'époque, la vente des journaux était en chute libre. En plus des considérations politiques, ces publications avaient pris en compte les aspects commerciaux dans leur décision de censurer les informations qu'ils avaient reçues », a-t-il expliqué. Selon lui, les patrons de presse, les hommes politiques, les milieux d'affaires, les pouvoirs religieux et le monde du spectacle sont toujours pris par la tentation de manipuler les journalistes. Même si « la manipulation » de la presse demeure, sur le plan sémantique, un concept indéfini. Spécialiste des Etats-Unis, Claude Moisy a publié plusieurs ouvrages dont Nixon et le Watergate, la chute d'un président.


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