Algérie

Cités clôturées d’Oran


Le mur, une mentalité Depuis que j’ai remis les pieds à Oran, incessamment, je me pose la même question: «Que reste-t-il de cette ville, des souvenirs de nos parents, du Petit Paris de l’avant-indépendance?»   Il ne faudrait surtout pas croire que nous avons la nostalgie d’une période que nous n’avons pas connue. Nous voulons simplement, coûte que coûte, article après article, nous expliquer à quoi tient cet état de délabrement, de détérioration des différents patrimoines d’une ville particulièrement européenne dans le monde arabo-islamique, de cette ville plurielle qu’est Oran et qui continue, malgré tout, à susciter en nous autant de sentiments d’amour, autant de peine... Pour Camus, Oran ne doute pas de sa modernité. C’est une ville qui reste pleinement tournée vers l’avenir, donnant le dos aux platitudes étendues et rebondies des plaines de l’intérieur, et remplissant la mer dans le creux évasé de son impressionnante baie, comme si Oran ne pouvait respirer sans les flots de la Méditerranée.  Derrière cette image de la modernité du beau Front de mer colonial et son impressionnant skyline fait d’architectures au style international et surplombant la mer, tel une véritable composition de tours immeubles qui protégent les quartiers de l’intérieur des vents de mer, traîne une autre image, celle d’une liberté extorquée à travers le littoral dévasté par d’affreuses constructions et des murs continus sur des centaines et des centaines de mètres sur le chemin des Andalouses. Et si le mur, le mur tout court, était devenu une mentalité, du genre fatal, empêchant par son emprise expansive notre ville de se surpasser tel qu’elle le faisait jadis, de dire autre chose que ce que les politiques lui dictent de dire: Des murs hauts, des murs bas, des murs vagues à toutes les sauces, de toutes les couleurs, aux formes des plus médiocres, imposant à nos champs de vision par leur longitude infinie, des chemins rigoureusement cadrés, une manière de penser strictement aménagée. Durant ces quelques dernières années, en plus des statues et bateaux amorphes de Zoukh, implantés au centre d’immenses ronds-points, Oran a été affectée par l’apparition d’un syndrome politiquement maléfique, celui des clôtures qui ferment des cités numérotées, des clôtures avec des systèmes de grille, des clôtures aveugles, des clôtures qui ferment des quartiers qui perdent une partie de leur âme publique et qui affirment par ce fait leur existence en tant qu’aires socioculturelles différentes, voire même dangereuses et indésirables. Selon nous, ces murs trahissent la dégénérescence mentale de nos responsables du fait de ne plus être capables de refouler leur penchant pour la domination, la volonté d’homogénéiser les paysages, de dompter les populations en ne leur inculquant qu’une seule et unique vision des choses : Celle qui réprime et cadre la pensée et par ce fait celle qui dure par le langage de l’incohérence des politiques urbaines. En effet, nous ne pouvons que supposer que les interminables murs qui se multiplient dans notre ville sont incontestablement l’expression d’une mentalité, une culture qui s’est profondément enracinée dans nos têtes fatiguées d’avoir perdu l’habitude de regarder le beau et l’envie de vivre... libre. Benkoula Sidi Med El Habib Architecte, docteur en urbanisme
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