Algérie - Revue de Presse

CITE AKID LOTFI, HAÏ EL-YASMINE... Logement, histoire d'un échec



«Nous souhaitonsla bienvenue à Bouteflika dans notre cité !». Les informations sur l'imminenced'une visite du président de la République à Oran alimentent les discussionsdans les cités. Beaucoup de gens souhaitent voir le chef de l'Etat déambulerdans leur quartier. « Oui, j'aimeraisle voir ici, revenir dans cette cité qu'il a lui même inaugurée il y a quelquesannées. Je souhaite le revoir pour qu'il puisse constater dans quellesconditions vivent les habitants», affirme Kamel, habitant de l'un des nombreuxlogements de Haï Akid Lotfi. Cette cité de plus de 4.000 logements sociauxparticipatifs (LSP), inaugurée par le Président il y a tout juste quatre ans,fait partie des nouveaux projets lancés au début 2000, dans le cadre de lapolitique de relance économique initiée par le chef de l'Etat. Cependant, aulieu de redresser la situation urbanistique à l'est de la ville, cette cité n'apas échappé au bricolage et au laisser-aller. A l'intérieur de la cité, l'herbesauvage prospère, les rats, les moustiques prolifèrent, les eaux usées sedéversent dans la nature, les bouches d'égouts sont sans couvercles, lapoussière en été et la boue en hiver... Et l'insécurité, l'absence d'éclairagepublic. Les infrastructures d'accompagnement, vitales pour le bonfonctionnement d'une cité, ne sont pas encore sorties de terre. Excepté un CEMet un lycée en chantier depuis des années, ainsi qu'un stade, forcément petitpour une cité de plus de 4.000 habitants. La voirie est inexistante, ce quiréduit la durée de vie des véhicules et complique la vie des habitants, obligésde se «barricader» contre la poussière qui constitue une véritable menace pourles bébés et les enfants. La situation est aggravée par le comportementinexplicable et égoïste de certains promoteurs immobiliers qui se sontempressés de livrer leurs logements, de prendre l'argent des acquéreurs et departir, en laissant sur place des tonnes de déchets et de détritus. Qui doitobliger ces promoteurs immobiliers à respecter leurs engagements ? Fatigués par desannées d'attente d'un logement, les acquéreurs semblent incapables d'agir et serésignent à constater les dégâts et le manque de sérieux des promoteurs. «Audépart, dans leurs maquettes, tout était beau, clean, avec des arbres autourdes bâtiments. Au final, il n'y a que les carcasses de logements, puisqu'on arefait pratiquement tous les travaux secondaires», regrette Kamel. Le LSP àOran n'a pas réussi. C'est l'échec cuisant. La formule qui allie l'apport del'acquéreur et l'aide de l'Etat n'a pas marché, victime de la crise dulogement, de l'urbanisation à marche forcée et de l'absence d'une politiqued'urbanisme. Pourtant, la cité n'a pas besoin d'un miracle à l'ère du pétrole à70 dollars le baril. L'argent ne fait pas défaut. Les enveloppes nécessairespour réaliser et bitumer les boulevards et les voiries, l'éclairage public, lesécoles et les autres infrastructures existent, si on en croit les responsableslocaux. «Oran a bénéficiéde 144 milliards de dinars pour son développement, mais le cadre de vie nes'est pas amélioré», s'est demandé récemment le ministre de la Participation etde la Promotion de l'investissement, Hamid Temmar, lors d'une rencontre localesur l'investissement. Les habitants s'interrogent sur les promesses non tenuesdes responsables qui, parfois, daignent visiter les lieux avec des voitures hautde gamme, témoins de la richesse retrouvée de l'Etat après des années de criseet de disette. Depuis quelques jours, la cité semble revenir dans les prioritésdes responsables locaux. Des responsables s'y rendent souvent. Une probablevisite du Président pour inaugurer un CEM en chantier depuis longtemps met lesresponsables locaux en ébullition. Mais les priorités ne sont pas les mêmes.Les parents d'élèves veulent bien que les autorités se dépêchent aussi pourconstruire l'école primaire projetée dans la cité. «Nos enfants font deskilomètres pour se rendre aux écoles avoisinantes et qui sont déjà complètes»,se plaint Houari. Les habitants attendent aussi le gaz naturel, les espacesverts pour les enfants et les retraités et des ralentisseurs sur les boulevardsà grande vitesse, devenus de véritables circuits de course pour les bolides quipassent et repassent à vitesse grand V. La cité Akid Lotfi est atypique. Lesautres «concentrés» de bâtiments aussi. Autre exemple, lanouvelle cite de Haï El-Yasmine (Les Jasmins). Quel joli nom pour une futurebelle cité, au bord du quatrième périphérique ! Une belle vitrine pour Oran.Peut-être, mais il ne faut pas rêver. La nouvelle cité en constructionn'échappe pas à la règle. La preuve, plutôt les preuves sont nombreuses. Acommencer par un constat amer: des logements achevés depuis plusieurs moisrestent étrangement vides. Leurs acquéreurs continuent d'attendre, de passer etde repasser devant pour les contempler. C'est quoi leproblème ? Dans cette cité, les promoteurs ont encore une fois réalisé leslogements avant les VRD ! Donc, ce n'est pas nouveau. Ça s'est fait déjàailleurs. Pourquoi changer une formule qui a fonctionné sans gros dégâts ?Seulement, Haï El-Yasmine devait constituer une expérience pilote dans laconstruction des cités à Oran. L'objectif initial: construire des citésconfortables, avec toutes les commodités. C'est ce qu'on appelle des cités clésen main. L'acquéreur paie et prend possession d'un logement avec toutes lescommodités: électricité, eau, gaz de ville, téléphone, aires de jeux, espacesverts, clôtures et parkings... Enfin, tout ce qui fait une cité habitable dansun cadre de vie agréable ! «Au départ, ilétait entendu de réaliser les logements et les VRD en même temps, de sorte àlivrer le tout en même temps et dans les délais», raconte un promoteurimmobilier. Confiés à deux aménageurs, l'Agence foncière d'Oran et Amenal(privé), les travaux de viabilisation traînent et tardent à être lancés. Ontrouve, par exemple, des travaux de pose de canalisation pour les eaux usées àl'ombre d'un bâtiment complètement achevé ! Le dispositif censé êtrerévolutionnaire n'a pas fonctionné. La machine s'est grippée et l'expériencetourne au cauchemar pour les acquéreurs et les promoteurs aussi ! Il étaitquestion de tourner une page sombre dans la politique de l'urbanisme. Echec. Lapage ne s'est pas tournée. Du moins comme prévu et calculé. Elle le sera sansdoute, mais avec d'importants dégâts collatéraux sur les acquéreurs. Il suffit d'imaginerl'attente interminable des familles qui ont mis leurs économies dans cesappartements. Pas loin de cettefuture cité, Haï Sabah donne l'image d'un bidonville moderne. Des baraques entôle constituent le marché où tout se vend: légumes, poissons, fruits. Lesvoitures circulent dans le sens inverse sur une route à double voie. Leshabitants des bâtiments avoisinants, inaugurés il y a quelques années par leprésident de la République, sont obligés de se barricader contre les voleurs etles regards des marchands et acheteurs qui fréquentent ce marché précaire etanarchique. Et pourtant, Haï Sabah n'est qu'à quelques minutes du centred'Oran. La cité est située près du nouvel hôpital et du futur palais descongrès de la ville. «Comment peut-on organiser des congrès, inviter desétrangers devant une cité aussi hideuse que Haï Sabah ? Un palais des congrèsn'a pas sa place devant une cité comme ça», estime un habitant. Les fameuxprojets structurants d'Oran n'arrivent pas à tenir leur rang. Et ce n'est pasterminé. Aux alentours du futur palais des congrès, les cités AADL offrentaussi l'image de l'urbanisation forcée et d'une politique de logement quiprivilégie la quantité sur la qualité ! Les habitants des nouvelles citéslocation-vente se plaignent souvent des ascenseurs qui tombent en panne, del'absence d'espaces verts, des aires de jeux...Pendant que lecadre de vie se dégrade dans ces cités inaugurées par le Président, lesemployés communaux s'affairent à nettoyer et embellir les principaux boulevardset routes. Comme avec une baguette magique, les travaux d'embellissement de laville ont repris d'une façon massive et spectaculaire. A Es-Sénia, on plantedes arbustes devant l'université et on refait la peinture des bordures detrottoirs. En rouge et blanc. Les nids-de-poule, très nombreux sur leschaussées de la ville, sont rebouchés et les réparations s'accélèrent, au grandbonheur des riverains. Les herbes sauvages sont rasées. On balaie même surcertaines artères de la ville pour ramasser les détritus. Les employéscommunaux ramassent aussi dans de grand sacs noirs les sachets en plastique etles déchets ménagers qui s'amoncellent un peu partout, à cause d'un service decollecte des ordures toujours en peine. Cette effervescence renforce l'idée répandueque les travaux d'embellissement de la ville dépendent des visites de trèshauts responsables. Il reste que dans les anciennes cités populaires, excluesdes visites officielles, le cadre de vie ne cesse de se dégrader.
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