Algérie

Cinquante ans de tentatives de développement : un regard à travers les textes, les pratiques et les tropismes (3e partie)



Cinquante ans de tentatives de développement :                                    un regard à travers les textes, les pratiques et les tropismes (3e partie)
Cette troisième et dernière période (1979-2012) était censée libérer les initiatives et engager le pays dans un nouveau paradigme économique plus efficace et plus diversifié. Une génération après nous constatons que tel n'a pas été le cas. A l'instar des deux précédentes périodes elle a été confrontée aux mêmes problématiques : modèle et rythme d'ouverture incohérents, variation des capacités de financement et faiblesse persistante du secteur privé.
D'abord examinons le modèle de libéralisation que je situe pour ma part au début de la décennie 80. Cette dernière commence par la « restructuration organique et financière » qui a, en vérité, fragilisé des entreprises publiques. En effet les réformateurs de l'époque ont réduit la taille des sociétés nationales, ont séparé la fonction production de la fonction commercialisation et ont délocalisé les sièges sociaux de façon volontariste. Lorsque la crise financière de 1986 survient la plupart des entreprises publiques étaient déjà dans un état de déséquilibre financier récurrent. Seule la Sonatrach échappe au désastre, en dépit de l'assèchement de ses capacités d'investissement. Sa restructuration, autour de son « core business », a été accompagnée par une ouverture maîtrisée de l'amont hydrocarbure (loi 86-14 amendée en 1991). Rappelons que l'Algérie avait été classée en 1998 premier pays découvreur d'hydrocarbures dans le monde.
La deuxième séquence des réformes a démarré en 1988, au lendemain de la guerre des prix
du pétrole de 1986 qui a mis l'Algérie à genoux financièrement et politiquement. Dans un tel contexte, la loi 88-01 portant autonomie des entreprises publiques, qui voulait marquer la rupture avec l'économie administrée et le passage à l'économie de marché, ne pouvait que rater sa cible. Faire « basculer » dans l'autonomie des entreprises dont l'actif net et le fonds de roulement étaient négatifs n'assurait nullement à ces dernières leur viabilité. « Cela passe ou ça casse » disait-on et je crois que cela a cassé. Le coup de grâce a été donné par les remboursement de crédits d'investissements à des taux de change imprévus (dévaluation du dinar) auxquels s'est ajouté la concurrence extérieure du fait de l'ouverture brutale du commerce extérieur (loi n° 90-10 portant sur la monnaie et le crédit). Les entreprises algériennes publiques et privées ont disparu par centaines. L'ouverture du débat sur la privatisation des entreprises publiques économiques (EPE) dans la décennie 90 apparaissait comme complètement décalée tant l'offre était boiteuse et la demande interne ou externe inexistante. Le bilan de la privatisation est vite fait. Il ne porte que sur moins de 350 entreprises, hors 70 entreprises publiques locales (EPL) cédées aux salariés (source MIPI 2008). Pour le reste, et face également aux pressions d'un courant d'opinion qui mettait en exergue les coûts des « assainissements successifs » des EPE, les pouvoirs publics ont maintenu longtemps la politique du « ni, ni ». Ni privatisation parce qu'il n'y avait pas de repreneurs sauf à brader les actifs publics, ni recapitalisation par absence de ressources d'abord et absence de projet économique ensuite.
C'est dans ce contexte de désindustrialisation et de chômage massifs que pendant de la décennie 2000 et 2010 a été mise en 'uvre, finalement par défaut, une politique de développement basée sur la réalisation d'infrastructures, de programmes de logements et des programmes hydrauliques et énergétiques. Tout cela a permis de renouer avec une croissance financée par la dépense publique et tirée par trois moteurs : le BTPH, les services et à un degré moindre l'agriculture. La mollesse de cette croissance s'explique en partie par le recours excessif aux moyens de réalisation du reste du monde en l'absence d'une offre algérienne suffisante et de qualité. Malgré tout des résultats sont palpables dans l'offre des services publics dans les infrastructures, l'hydraulique, l'énergie et l'habitat.
Mais en même temps on voit bien se dessiner, en contre champ, les défis à relever pour l'avenir si l'on veut passer à une croissance robuste et diversifiée. Ils sont, de mon point de vue, de trois ordres : appui à l'émergence d'une offre nationale de biens et de services, liquidation progressive des niches de rente et du marché informel, ré industrialisation du pays.
Pour conclure, les trois périodes visitées de ce cinquantenaire sont marquées par des insuffisances et des occasions manquées. Néanmoins elles offrent des repères pour initier un nouveau processus de changement économique et social. Celui qui sera porté par les nouvelles générations.


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