Algérie

Cinéma / Révolution Zendj


Cinéma / Révolution Zendj
Avis ? Révolution Zendj, un long métrage signé Tariq Teguia, se met en rapport avec la réalité.Sur fond d'actualité, il raconte le périple d'Ibn Battuta, un journaliste algérien interpellé par le présent, ce qui va le conduire à appréhender le passé en quête de vérité?: le film rend compte des luttes nouvelles (dont celles qui secouent le monde arabe) et pose la question de leur articulation tant entre elles qu'avec celles du passé.En effet, Ibn Battutâ ? ce nom nous rappelle celui de l'explorateur arabe ? est journaliste, un banal reportage sur des affrontements communautaires dans le Sud algérien (Ghardaïa) le conduit imperceptiblement sur les traces de révoltes oubliées des esclaves noirs du 8e au 9e siècles sous le Califat abbaside en Irak. Pour les besoins de son investigation, il se rend à Beyrouth, puis en Irak.Le film raconte les pérégrinations mouvementées de ce journaliste qui, curieux et déterminé, va d'un lieu à l'autre, à la rencontre de l'Histoire afin de l'interroger. Il est en quête de réponses à ses questions qui, à chaque fois, restent en suspens, des questions qui, croyant percer un soupçon de réponse, en appellent d'autres, et qui, à peine esquissées, conduisent Ibn Battuta à approfondir davantage ses recherches, à aller encore plus loin dans ses investigations. L'accueil du film, aussi bien par le public que par la critique, est mitigé?: certains ont aimé, d'autres non. Ces derniers ont trouvé le film sibyllin, opaque, d'une abstraction déroutante. Ceux qui ont aimé le film ont sévèrement critiqué ceux qui ne l'ont pas apprécié.«Ceux qui n'ont pas aimé le film, ne l'ont pas compris», soutient-ils avec une arrogance désarmante.Le réalisateur, Tariq Teguia, est de cet avis. Il estime qu'il n'a pas à donner un explicatif au film. Pour lui, ce n'est pas une fiche Wikipédia,? le film parle de lui-même, tout est dit. Même l'acteur, Fethi Gares, celui qui campe le rôle d'Ibn Battuta, estime que tout est clair dans le film, il suffit juste d'être attentif à ce qui est montré et dit.En d'autres termes, c'est au public de comprendre le film ? dans ce cas, le spectateur n'en est plus un, il devient acteur, participant ainsi à la production du sens ?, et s'il ne l'a pas compris, c'est parce qu'il n'est pas en mesure de le faire ? donc dans la l'impossibilité de produire un sens à l'image, un contenu au film, se contentant seulement d'assimiler ce que le réalisateur devait lui livrer?: une vérité toute bien ficelée et un discours peaufiné, sur mesure.Autrement dit, ceux qui n'ont pas aimé ?Révolution Zendj sont incompétents, incapables d'assimiler le contenu du film.Révolution Zendj, de par la thématique abordée et surtout de par la façon dont celle-ci est traitée sur le plan scénaristique et selon le langage cinématographique, apparaît comme un film d'auteur, un film d'une portée intellectuelle, presque philosophique. Il est tel qu'il plonge le public dans une situation gênante, déconcertante tellement elle est dédaléenne, il l'immerge dans une ambiance pesante tellement elle est sombre et angoissante. En fait, le film est «cérébral», si intellectuel qu'il déstabilise le public, il le déconcentre jusqu'à le décourager, voire le déprimer. Dès les premières scènes, le public, troublé et frustré, éprouve, malgré lui, un certain malaise qui va le conduire à capituler?: dépassé par la force du mouvement qui rythme le film, ne pouvant suivre sa chronologie désarticulée, le public décroche aussitôt. Car l'histoire est bégayante, à peine racontée, et quand elle est dite, elle en fait appel à d'autres, d'autres histoires annexes, décalées les unes des autres, font surface, se tissent entre elles, le tout est raconté «à travers des bribes de dialogues, jamais aboutis, à travers les différentes langues (arabe, moazabite, anglais, grec, français) et les divers accents qui s'échangent et se répondent pour une communication indécise ou inexistante».Voir Révolution Zendj, c'est subir lourdement le film, et le voir du début jusqu'à la fin (il fait deux heures et 17 minutes) sans en perdre une scène, cela relève de l'endurance tant le film apparaît comme «une perversion» intellectuelle.Cela conduit d'emblée à parler d'incompétence intellectuelle, que le spectateur, d'un point de vue cinématographique, est dépaysé, incapable d'assimiler l'image que véhicule le long métrage.«Le public est habitué à certains types d'image. Avec Révolution Zendj, il n'est pas ?'éduqué'' à l'image que comporte le film», souligne Mohamed Bensalah, critique de cinéma, chercheur en anthropologie de l'image, qui va jusqu'à dire que «le public (ceux qui ne partagent pas le même avis que ceux qui ont aimé le film) est, d'un point de vue image, aliéné».A comprendre par là que le spectateur algérien n'est pas initié à ce genre de films, à savoir des films d'auteurs, il est dépassé, par la poétique et l'intellectualité qui composent ce genre d'?uvres cinématographiques, à l'instar de ?Révolution Zendj.Le spectateur algérien n'est pas aliéné d'un point de vue image. S'il a eu quelque difficulté à suivre le rythme du film qui est une aventure de sens, c'est parce que Révolution Zendj? impose son univers visuel propre, son un langage cinématographique qui est d'une force percutante. Cela déstabilise les catégories mentales du téléspectateur et dérange ses habitudes cinématographiques, donc son rapport à l'image. Sa sensibilité se trouve alors perturbée.


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