Algérie

Cinéma africain



Qui se souvient du Mogpafis ? A Mogadiscio, théâtre de dérives meurtrières impossibles et sans fin, il existait pourtant un Festival panafricain de cinéma (Mogpafis) dans les années 1980, avec films, colloques, symposiums, comme à Ouaga et Carthage. La Somalie existait alors. C?était l?époque de Siyad Barre. Au Mogpafis, on croisait Lionel Ngakane, Tahar Chériaâ, Johnson Traoré, Souleimane Cissé, Brahim Babaï, Ola Balogun et plusieurs autres personnalités du 7e art africain, d?autres aussi de la diaspora américaine, brésilienne. Pour aller en Somalie, certains parmi nous étaient forcés d?aller à l?aéroport de Rome et d?attendre des heures sinon des jours le vol de la Somalia Airlines, car personne ne pouvait dire quand arrivait et repartait l?unique avion de la compagnie A Mogadiscio, on logeait à l?hôtel Uruba, au bord de l?océan. Là se déroulaient les projections et les rencontres. La Somalie était passée peu de temps avant de l?ère soviétique à l?ère américaine. Washington avait récupéré la base de Berbéra et inaugurée au c?ur même de Mogadiscio un Centre culturel avec terrain de basket et affiches de propagande collées sur les murs extérieurs. A l?hôtel Uruba, on éteignait les néons de la salle du premier étage, on tirait les rideaux et on passait les films, sur un écran de poche, qui venaient du Burkina, du Mali, de Tunisie, du Kenya ou du Nigeria... Pas de film somalien dont je me souvienne. Les organisateurs du Mogpafis témoignaient d?une attitude anticonformiste par rapport au pouvoir, c?étaient des artistes somalis qui voulaient célébrer le cinéma africain. Un jour, suivis des photographes officiels, les invités étaient introduits dans le bureau même de Siyad Barre, après une fouille insistante et gênante pour les femmes présentes. Le Président ne savait quoi faire, quoi dire devant nous. Au bout de cinq minutes, il est parti faire sa prière ou peut être téléphoner à sa banque en Suisse... Le Mogpafis, comme tant d?autres organisations panafricaines, militait pour une coopération Sud-Sud, ou plutôt pour des échanges Nord-Sud, Est-Ouest et réciproquement dans tous les sens au sein du grand continent. Il y avait à Mogadiscio des délégués de l?Afrique du Nord, australe, Est et Ouest. Chacun faisait part de ses réflexions et de ses espoirs. Chacun avait l?ambition de faire du cinéma africain un art majeur. Le dernier jour, il y avait toujours un volumineux rapport de synthèse lu par le regretté Lionel Ngakane. Anglophones, francophones, italophones, arabophones (Egyptiens et Soudanais présents aussi) se faisaient mille promesses. On pouvait rêver. Au moment du départ, les femmes invitées recevaient toutes des caisses de bananes ! Pour une Algérienne ou une Tunisienne, c?était un cadeau précieux, les bananes étaient rares chez nous à l?époque... Puis on partait à l?aéroport et on voyait devant nous un oiseau irréel : l?unique avion de la Somalia Airlines...




Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)