Algérie

Cinéma. 64e Mostra de Venise


Chahine présent avec Haya Fawda Après l?exotique et coloré Festival de Bangkok et la nouvelle vague du cinéma d?Asie, du pôle atlantique plus artistique que commercial du Festival de Montréal la semaine passée, en passant par Locarno dans le miroir du très beau lac Majeur, voici aujourd?hui, la Mostra de Venise cernée par la lagune et les vagues de la mer Adriatique et qui fête cette année ses 75 ans. Venise. De notre envoyé spécial Tout se passe sur l?île ultrachic du Lido devenue pendant la Mostra un carnaval médiatique impressionnant. Record de stars et de caméras TV. Panique des paparazzis avec leur mic-mac pour ne rater aucune figure connue du cinéma mondial. Dirigée pour la quatrième année consécutive par Marco Muller, la Mostra de Venise marque encore sa spécificité, son originalité par rapport aux autres manifestations où ne figure aucun cinéaste arabe. L?an dernier déjà, le jeune cinéaste Tariq Téguia était célébré ici, en montrant les nouvelles tendances du cinéma algérien. Cette année, pour le Lion d?or, le grand retour du virevoltant et intempestif Youcef Chahine est annoncé. De quoi faire sauter au plafond les critiques arabes présents à la Mostra, qui apprennent du même coup qu?un second cinéaste arabe est aussi en compétition. Pour Chahine, il s?agit de son nouveau film (réalisé avec Khaled Youssef) : Haya Fawda (c?est le chaos), une histoire sur la société égyptienne actuelle soumise au pouvoir suprême d?un clan, d?un président pur produit de la dictature. Le deuxième cinéaste arabe, c?est Abdellatif Kéchiche, brillant réalisateur de L?esquive, qui présente à la Mostra La graine et le mulet, long métrage de fiction de presque trois heures. A Sète dans le sud de la France, un vieil émigré maghrébin se frotte les mains, en croyant réaliser son rêve en ouvrant un restaurant. Mais la réalité est très fluctuante, l?amertume se mêle à l?espoir dans cette aventure. Il serait impossible de faire l?inventaire du très riche programme de cette 64e Mostra de Venise qui s?achèvera le 8 septembre quand le jury, présidé par le Chinois Zhang Yimou, remettra le Lion d?or. Quelques voix s?élèvent en Amérique contre la guerre en Irak. Brian de Palma démontre dans Redacted que cette guerre, comme celle du Vietnam, n?a aucun sens, sauf d?être une tragédie, sans aucun sens non plus. L?Amérique n?a rien appris de la leçon au Vietnam et de son humiliante défaite. Brian de Palma a lu les blogs des soldats américains qui sont devenus des monstres. Paul Haggi raconte aussi des faits réels dans In the valley of Elah, histoire de soldats de retour d?Irak, pas guéris des horreurs qu?ils ont commises là-bas et qui se sont transformés en criminels, en drogués qui tuent sans raison un de leurs camarades. Pour changer totalement de registre, il y a le beau film d?Eric Rohmer. La Romance d?Atréa et Céladon, adapté du roman d?Honoré d?Urfé, un auteur du XVIe siècle. L?hitchcokien Rohmer s?empare d?un très vieux texte et en fait une comédie avec plein de suspense sur l?amour, la trahison et la fidélité où le spectateur rit constamment ! Quel flash de gaieté à la Sala Perla, à la séance de presse... Le cinéma de Rohmer est marqué du sceau d?un aboutissement esthétique très remarquable. Un contrepoids au cinéma américain marqué par la violence et les tourments de la guerre. Rohmer chante une saga amoureuse plein d?émotion et de grâce. Cela convient mieux avec le sens de la fête non-stop qui se passe au Lido de Venise.