Algérie

Chronique sociale vs drame intime



Le long-métrage franco-belge Nos batailles de Guillaume Senez a été projeté lundi soir à l'Institut français d'Alger dans le cadre de la semaine de la francophonie. Chronique sociale d'un monde où l'exploitation de l'homme par l'homme atteint son paroxysme, le film arbore clairement son parti-pris.Deuxième long-métrage du réalisateur belge Guillaume Senez après Keeper (2015), Nos batailles (2018) met en vedette l'acteur français Romain Duris qui signe là son cinquantième rôle au cinéma. Il campe le rôle d'Olivier, un père de famille, chef d'équipe au sein d'une entreprise où il combat tous les jours l'exploitation et les injustices envers les ouvriers. Lorsque son épouse, Laura (Lucie Debay), fragile et surmenée, quitte le domicile conjugal le laissant seul avec ses deux enfants, il croulera sous une charge mentale symptomatique d'une époque où l'être humain devient une machine au service d'un système impitoyable. Engagé aux côtés de ses collègues dans leur lutte pour de meilleures conditions de travail et contre la surexploitation et les injustices, Olivier doit également s'occuper de ses deux enfants et découvre ainsi ce qu'endurait sa femme en silence avant de se heurter à son statut d'étranger à sa propre progéniture. Entre l'usine et le foyer, ce sont les souffrances, les colères et les luttes de cet ouvrier devenu syndicaliste qui sont mises en avant, parfois de manière démonstrative et verbeuse. Eparpillé entre le volet, poignant et percutant du reste, d'un capitalisme inhumain et déshumanisant et le drame familial d'un père livré à lui-même, Senez ne parvient pas à maintenir la densité du récit tout au long de ces 98 minutes.
S'il apparaît clairement que le cinéaste a fait le choix efficace d'une mise en scène dépouillée à hauteur d'homme, il n'aura pas réussi à éviter la surenchère dans son écriture dramaturgique. En effet, à force de surligner à coups de dialogues répétitifs et assez pauvres le drame intime d'Olivier, celui-ci perd de sa teneur et s'évide de sa consistance politique et sociale. L'homme blessé et abandonné par une épouse, pourtant victime elle aussi, prend ainsi le dessus sur l'homme exploité, mis à genoux par un système féroce contre lequel il tente de lutter. En basculant vers la banalité d'un drame familial et en abandonnant le ton contestataire du début, le film devient prévisible, tiède et sans réel tempérament.
Nos batailles n'en demeure pas moins un film sensible et engagé en faveur des catégories les plus fragilisées par un monde bâti sur le profit, la domination et le mépris.
S. H.


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