Algérie

Chronique De Maschino



Chronique De Maschino
L'attitude de la France à l'égard des réfugiés en étonne beaucoup : pourquoi, se demande-t-on, va-t-elle en accueillir si peu -24 000 en deux ans-, quand l'Allemagne en accueille 800 000 cette année ' Cette parcimonie peut surprendre, si l'on s'imagine que la France est «le pays des droits de l'homme», mais elle n'étonne pas, quand on observe, sur plus d'un siècle, comment elle s'est conduite envers les étrangers, quel accueil elle leur a réservé et continue de leur manifester. Suspicion et méfiance caractérisent depuis des siècles son attitude.Etranger : le mot lui-même est chargé de suspicion, d'antipathie et tient à distance celui qu'il qualifie. «Ils m'ont encore une fois rappelé que je suis une étrangère», soupirait ma grand-mère russe, quand elle revenait de la préfecture avec un titre de séjour renouvelé. Même s'il est manifestement intégré et parle sans accent, l'étranger reste un étranger. «Alors, il est bon, le pain français ' Vous l'aimez, hein '», demandait régulièrement la boulangère à ma grand-mère. Laquelle excédée, lui objecta un jour : «Mais je le paie, votre pain !» «Ben il manqu'rait plus qu' ça, que vous le voliez !»A l'époque, dans les années 1940, l'agressivité n'était le plus souvent que verbale, mais elle sévissait dans tous les milieux et dès l'école, où ceux qui étaient d'origine étrangère subissaient sarcasmes et moqueries. Souvent ils étaient obligés de payer quelques francs à un «protecteur» pour ne plus être malmenés. Un siècle plus tôt, les agressions physiques étaient la règle et l'étranger risquait constamment d'en être victime.«En 1845, à Coudoux, le tocsin appelle tous les villageois à se mobiliser pour chasser 200 carriers italiens», en 1848, dans le Nord, «2000 mineurs se mobilisent pour faire fuir 300 à 400 Italiens», des syndicalistes prennent à partie des patrons qui embauchent des étrangers, des groupes d'ouvriers défilent à Lille en vociférant contre les Belges, Le Messager du Nord approuve, à la une, leur mot d'ordre «A bas les Belges !», à Paris, à la même époque, des milliers de manifestants défilent en criant «Mort aux Anglais»(1).Anglais, Italiens, Belges passent désormais inaperçus, ou presque - certains se moquent encore des Belges, qu'ils jugent «lourds», des Italiens, qu'ils traitent de «macaronis» - mais la haine française s'est trouvée d'autres victimes : toujours fixée sur les juifs, dont on saccage souvent les cimetières, elle s'acharne sur «les Arabes» qui, quelle que soit la diversité de leur condition, restent «des Arabes». Curieux pays, qui a constamment besoin de haïr un autre peuple et de se méfier de tous.Telles les huîtres, il se referme au seul nom d'étranger et s'estime toujours menacé. Susceptible d'être «envahi» ou agressé. Comme le souligne le livre remarquable de trois historiens français, Nicolas Bancel, Pascal Blanchard et Ahmed Boubeker, Le grand repli(2), la France, apeurée et frileuse, s'est recroquevillée sur elle-même et vit dans la peur constante de l'étranger. Lois et circulaires se multiplient pour mieux encadrer et surveiller les individus d'origine arabe, les immigrés font peur, les titres de séjour se délivrent de plus en plus difficilement, l'intolérance croît et les citoyens à la peau brune ou basanée sont a priori suspects. «Le moulin idéologique des fabriques de la haine s'est emballé.»




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