Le séisme catastrophique d'El-Asnam du 10 octobre 1980 a mobilisé d'énormes ressources humaines et matérielles, nationales et internationales, pour secourir les victimes, réhabiliter et reconstruire la ville et les zones sinistrées. Cette catastrophe a mis en exergue la faiblesse des institutions concernées tant sur le plan des ressources humaines et matérielles que sur le plan scientifique, technique, juridique et réglementaire, faute d'une véritable politique de gestion des catastrophes. Elle a cependant permis la prise de conscience au plus haut niveau de l'Etat de la nécessité de renforcer la Protection civile et de définir une politique nationale de prise en charge des catastrophes. Â De multiples réunions, séminaires, ateliers, conférences regroupant scientifiques et techniciens, gestionnaires, spécialistes, experts, nationaux et internationaux, débouchèrent sur de nombreuses recommandations fort bénéfiques pour l'Algérie. Cela s'est traduit par la promulgation le 25 août 1985 de 2 décrets relatifs à: Â - l'organisation des interventions et secours en cas de catastrophe; Â - la prévention des risques de catastrophes. Â La Protection civile a ainsi été dotée d'instruments juridiques et de moyens techniques lui permettant d'assumer sa mission. Par ailleurs, le CRAAG, unique institution en sismologie, a vu son rôle mis en valeur, son équipement renouvelé et modernisé, son personnel scientifique et technique renforcé et ses locaux rénovés. Le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, parallèlement à la création d'Instituts des sciences de la terre, d'architecture et de construction dans les nouveaux centres universitaires, a introduit ou renforcé la post graduation dans les instituts existants à Alger, Oran, Constantine et Annaba, etc., particulièrement dans le domaine de l'aménagement du territoire. Le ministère de l'Habitat se dotera plus tard d'un centre en Génie parasismique (CGS). D'autres organismes et associations professionnelles (CTC, météo, architectes, psychiatres, vétérinaires...) verront leurs activités et compétences mises en valeur et leur expertise de plus en plus sollicitée. Â Tout portait à croire qu'il y avait une réelle dynamique dans la maîtrise de la gestion des catastrophes. Force est de constater, aujourd'hui, que le nombre et l'ampleur des catastrophes qui se sont succédé ces vingt dernières années: séismes, inondations, invasion acridienne, pollution, destruction de plages, érosion anthropique, incendies, catastrophes industrielles et technologiques... démontrent que les initiatives visant à protéger les vies humaines, les activités économiques et les équipements publics n'ont finalement pas été amorcées. La législation, la réglementation et les normes tout comme les recommandations de spécialistes et d'experts nationaux et internationaux ne sont que partiellement suivies d'effet pour ne pas dire qu'elles sont tout simplement reléguées aux oubliettes. Â La gestion des catastrophes demeure entièrement fondée sur le principe classique de la réponse et de l'intervention une fois la catastrophe survenue. La politique de prévention, même si elle est promulguée par des textes, demeure insignifiante. Sinon comment expliquer toutes ces pertes humaines et matérielles récurrentes particulièrement dans les régions et quartiers les plus démunis ? Â Ce ne sont pas les textes qui agissent, mais les hommes quand ils sont valorisés ! Â Le traitement de ces catastrophes a révélé la lourdeur du système et les lenteurs de prise de décisions par les différentes autorités publiques. Il a fait ressortir le laxisme, la carence et souvent l'inaptitude de responsables, particulièrement au niveau local. Cela est dû, entre-autres, à l'absence de politique de sensibilisation, d'information, de formation y compris de la population, de contrôle et d'évaluation, de plans de contingence et de gestion adaptés aux crises pour répondre efficacement aux risques naturels et technologiques. Â Que l'école, l'université, les associations, les mosquées soient sollicitées et mobilisées pour former et éduquer. L'Etat seul ne peut tout résoudre ! Â Les différentes catastrophes énumérées sont révélatrices du rapport que la société algérienne entretient avec son environnement et sa représentation des risques. Si une typologie des risques et des aléas, au nombre de 14 puis réduit à 10, a été définie, il est permis de se poser la question si les espaces dangereux pour les populations ont été répertoriés, cartographiés et régulièrement actualisés et, évidemment, mis à la disposition des décideurs et publiés. Il est utile de s'interroger sur l'existence et le degré de coopération, d'échange et de partage de données et d'information, de coordination entre institutions, associations professionnelles, organismes scientifiques, techniques, juridiques, publics et privés. Cela permettra de comprendre pourquoi les multiples recommandations sont demeurées sans suite et éviter que celles demandées par le chef de l'Etat relatives à la révision du plan ORSEC ne subissent le même sort. Â Cela aboutira, peut-être, à la création d'un centre national d'information et d'analyse de données et en gestion des risques de catastrophes. Â L'urbanisation massive, anarchique et rampante qui s'est accélérée depuis les années 80 dans et autour des grandes villes et tout le long du littoral, souvent au détriment de riches terres agricoles (tant pis pour la lutte contre la pauvreté et la désertification !), conséquence d'un développement et d'une forte émigration vers le Nord, a accéléré l'hyperdensification des constructions et des populations. Â Cela a abouti et aboutira forcément à une plus grande vulnérabilité aux différents aléas et une aggravation des dommages liés tant à la conception des bâtiments qu'au choix du substratum pour les fonder. Les dernières catastrophes en sont une parfaite illustration. *Hocine Bensaad Dr En Sciences Physico-Mathématiques, Expert/Consultant Wind Energy Disaster Management & Disaster Risk Reduction
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Posté Le : 26/04/2007
Posté par : sofiane
Ecrit par : Hocine Bensaad*
Source : www.lequotidien-oran.com