Algérie

Chronique d'une transaction controversée


La cession du parc d'attractions du quartier Bouazza El Gherbi (ex-Bremer) à Sidi Bel Abbès, d'une superficie totale de 8 hectares, au profit d'une personne physique, est depuis quelques semaines au c?ur d'une sérieuse controverse.L'information relative à la cession du «manège», ébruitée au lendemain de l'installation de la nouvelle assemblée communale de Sidi Bel Abbès, s'est avérée exacte, suscitant moult interrogations sur une affaire qui, en réalité, remonte au mois de mars 2005.
El Watan a enquêté sur cette affaire jugée par le Conseil d'Etat, juridiction suprême de l'ordre administratif, et s'est procuré des documents authentiques qui permettent de restituer les faits dans leur contexte afin de mieux apprécier le cheminement d'une cession très controversée. Le 6 mars 2005, une session extraordinaire de l'assemblée communale approuve à l'unanimité la concession de deux assiettes foncières, l'une de 6 hectares et l'autre de 2 hectares, au profit de M. Bouchair Djamel qui projette, à l'époque, de réaliser un complexe touristique.
La concession est accordée par délibération signée le 6 avril 2005, et ce après deux avis d'adjudication infructueux publiés les 28 novembre 2004 et le 20 décembre 2004. L'investissement proposé par le concessionnaire prévoit la réalisation d'un hôtel de 80 chambres, une cafétéria, un restaurant, deux piscines, une salle des fêtes, un parking et une salle de jeux.
Selon l'acte établi le 10-04-2006 par Me Driss Mohamed, en présence de l'ex-maire M. Mim Miloud et M. Djamel Bouchair, la durée de la concession, avec effet renouvelable, s'étale sur 20 ans. L'article 6 de cet acte notarié stipule que le bénéficiaire de la concession peut faire valoir son droit à l'acquisition (cession) du manège après achèvement des travaux dans un délai de 36 mois et l'établissement d'un certificat de conformité desdits travaux.
Sur la base de cet acte, une convention est signée le 9 mars 2005 entre les deux parties prévoyant notamment une redevance annuelle à titre de location de 60 millions de centimes pour le terrain (6 hectares) abritant le parc d'attractions et 20 millions de centimes pour un terrain nu de 2 hectares.
La convention, selon les documents en notre possession, a été approuvée par un arrêté préfectoral (n°107) signé le 12 juillet 2005 par l'ex-wali Mokhtar Bentabet. Aussi, un avenant de ladite convention (article 1), établi le 1 juillet 2005, stipule qu'il ne peut y avoir résiliation que dans le cas de «raisons objectives liés au financement du projet» et que toute résiliation ne peut intervenir que par voie de justice, tout en accordant un délai de 5 ans pour achever son investissement.
L'affaire de la concession fait alors grand bruit et les détails de cette transaction sont révélés par plusieurs organes de presse nationaux. Il a été révélé notamment, à cette époque, que les travaux de construction ne pouvaient être avalisés du fait de l'existence d'un cours d'eau (oued El Malah), affluent de l'Oued Mekerra, au beau milieu du terrain concédé. En avril 2008, le ministère de l'Aménagement du territoire donne pourtant son accord de principe au bénéficiaire de la concession pour l'amorce de son investissement et l'encourage «tacitement» à engager une procédure de financement bancaire.
Deux ans après, une bataille procédurale est engagée pour s'enquérir de la conformité des travaux réalisés sur la base de deux permis de construire distincts.
Et ce sont deux commissions qui sont dépêchées sur le terrain, l'une ayant formulé des réserves par rapport aux permis de construire initiaux, l'autre s'est employée à lever lesdites réserves. Pour le concessionnaire, les travaux sont conformes au permis de construire (n° 355/2010) délivré le 27 novembre 2010, d'où la nécessité, selon lui, de régulariser sa situation. Cinq ans après, les instances communales, après s'être amplement concertées sur la question et sur insistance de la tutelle, décident d'annuler la convention (décision n° 136) du 23 mars 2015.
Pour le concessionnaire, cette décision est non-conforme à la loi. Il intente alors, en janvier 2015, une action auprès du tribunal administratif de Sidi Bel Abbès, lequel, en date du 23 juin 2015, enjoint à l'APC de «régulariser la situation du concessionnaire» en lui accordant un certificat de conformité sur la base du permis de construire n°355. Réagissant au verdict du tribunal, l'APC interjette appel auprès du Conseil d'Etat le 20 juillet 2015. Au bout de presque deux ans, l'APC est déboutée par arrêté du Conseil d'Etat (n°118636) du 22 juin 2017.
Et c'est à partir de ce moment que l'affaire du manège va connaitre un nouveau rebondissement. Sur la base de cet arrêté, un certificat de conformité est établi par l'APC le 25 octobre 2017, puis un acte de vente par devant notaire le 26 décembre 2017. Selon l'acte de vente de Me El Abdi Ahmed, domicilié à Sedrata (Souk Ahras), en présence de l'ex-maire M. Boumlik et M. Bouchair, le montant estimé du prix de vente du manège est de 4 milliards de centimes, après déduction des droits de location, soit à raison de 500 dinars le mètre carré.
L'acte de vente ainsi établi va permettre au nouveau propriétaire du manège de récupérer son livret foncier auprès du cadastre en l'espace de quelques semaines. Les nouveaux élus de l'APC sont informés, début 2018, de la nouvelle tournure que vient de prendre cette affaire du manège. Pour l'un des proches de M. Bouchair, la cession du terrain s'est effectuée en «conformité avec la loi» après une longue bataille judicaire.
Des élus de l'APC ne sont pas du même avis. «C'est une aberration de céder un terrain communal à 500 dinars le mètre carré. Nous exigeons une enquête sur cette affaire», indique Dr Reguig, élu sur la liste FLN. Il précise que le parquet de Sidi Bel Abbès a été officiellement saisi pour faire la lumière sur cette transaction. Pour le maire de Sidi Bel Abbès, M. Tewfik Adda Boudjellal, cette affaire est «assez complexe» et nécessite d'être traitée en «toute transparence».
Après l'ébruitement de cette affaire, il a lieu de faire remarquer qu'aucun responsable de l'appareil exécutif ne s'est exprimé au moment où l'opinion publique s'interroge sur les tenants et aboutissants d'une cession qui risque de faire encore couler beaucoup d'encre.
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