Algérie

Chronique d'un tournage vaudevillesque



Chronique d'un tournage vaudevillesque
Il y a quelque temps de cela, une cons?ur dressait l'état des lieux du cinéma algérien et comparait sa santé, du temps de la gloire du 7e art national, à l'aune du dernier Fespaco, le rendez-vous africain de la production cinématographique et télévisuelle.Et même si notre cons?ur impute, signe des temps à l'égoïsme des organisateurs, un quasi échec de la production nationale au dernier festival, il n'en demeure pas moins que les réalisations de ces dernières années ne brillent pas par la qualité de l'écriture et encore moins par le jeu des interprètes et par conséquent d'une direction artistique qui se respecte, d'autant plus que les pouvoirs publics, via le ministère de la Culture et les organes exécutifs qu'il a sous sa coupe, ne sont pas franchement regardants à ce qui se fait, soit par indifférence, soit par incompétence, mais également, et surtout, en l'absence d'un réel contrôle de l'usage des deniers publics. Autrement dit de l'argent des contribuables. Par les temps qui courent, les préoccupations allant surtout vers l'entretien très nostalgique d'un prestige désormais éculé depuis le retrait de deux ou trois grands noms du cinéma national.Du mois de juin à la mi-septembre, les wilayas de Constantine, Mila et Tarf ont accueilli le tournage d'un long métrage inspiré de la Guerre de libération dont la particularité était la vision du conflit à travers les yeux des enfants. Le film en question financé à hauteur de près de 140 millions de dinars avait été sélectionné dans le cadre de la commémoration du Cinquantième anniversaire de l'indépendance. Le long métrage devait être, logiquement, livré avant la commémoration de la fête de la victoire. Or, les repérages n'ont commencé qu'en septembre 2013, et dans des conditions burlesques. Le premier tour de manivelle n'a eu lieu qu'au cours de la troisième semaine de juin 2014.Rarement production n'a été autant bricolée et scénario autant malmené. Un casting au petit bonheur la chance et une réalisation, il est vrai, desservie par le peu de conviction du réalisateur de faire honneur au métier. Mais, vul'importance du thème, le film a bénéficié de la formidable aide des pouvoirs publics à travers les ministères de la Culture, et de la Défense nationale, qui a assuré partiellement la logistique en fournissant à la productiontenues, véhicules...La reconstitution d'un village en l'occurrence celui de Besbès d'où est originaire le réalisateur, lequel est-il important de le souligner, s'est inspiré de l'histoire de sa propre enfance, aura connu durant des semaines les plus grands bricolages, avec une localisation in situ par recours à quelques procédés cosmétiques qui auraient aidé à faire illusion, mais qui, très vite, s'étaient avérés vains pour moultes raisons dont la difficulté d'attendre des habitants qu'ils dérogent à leurs habitudes comme celle de ne pas faire de bruit au moment du tournage, de ne pas gêner les man?uvres des techniciens... L'ensemble de l'équipe du film apportant de fait la preuve de toute absence de maîtrise du b.a.-ba en la matière.La délocalisation du lieu de tournage sur la ville de Constantine allait s'avérer encore plus vaudevillesque avec la reconstitution en bois et majoritairement de contreplaqué d'une des artères du village de Besbès. Un vent assez violent emportera le tout lors d'une nuit du mois d'août. Sur le film, il y aura, à tour de rôle, trois équipes de décorateurs, dont le chef de chacune d'elle estime détenir la science infuse et surtout disposer des meilleurs éléments sur la place. Finalement, on optera pour une reconstitution enquasi dur (béton, parpaing et bois) pour qu'enfin la suite desopérations connaisse un semblant de cohérence.Une cohérence qui ne le sera pas toutefois dans le scénario du film avec le départ impromptu du premier assistant, celui-là même qui a porté le tournage et toutes ses turpitudes à lui seul.Le premier assistant s'emportant contre la décision du réalisateur d'amputer le scénario, excusez du peu, de 36 séquences et surtout de se passer et sans le remplacer d'un acteur (un important second rôle) sans lequel l'histoire serait bancale. En fait, ledit acteur est le frère du réalisateur, lequel réalisateur était à l'origine du retard dans le démarrage du projet pour la simple raison qu'il voulait que ce même frère, qui réside comme lui aux Pays-Bas et qui, entre-temps, avaient d'autres obligations professionnelles, campe un personnage... qui sera dégommé du scénario en deux claquements de doigts. Le directeur de production se fera à son tour la malle et est remplacé au pied levé par un autre, au même titre que le premier assistant. Le nouveau directeur de production abandonnera au bout de quarante-huit heures, disparait dans la nature et revient deux semaines plus tard. Durant son absence les attributions de directeur de production seront assurées par le premier venu dont le producteur exécutif.En fait, la sarabande au sein de l'équipe, sur le plateau et dans les coulisses était telle qu'à un moment le premier directeur de production faisait également fonction de régisseur général parce que le titulaire du poste a claqué la porte. Tout aussi, le directeur administratif partira, reviendra et repartira en l'espace de trois mois sur un tournage qui ne devait durer que deux mois, qui s'arrêtera à la rentrée des classes pour reprendre une semaine plus tard en ce sens que le héros du film, écolier dans le civil, devait rejoindre les bancs de l'établissement et obtenir ensuite une autorisation d'absence d'une semaine pour que le tournage soit vite terminé. Quitte pour cela à ce qu'il le soit dans la plus grande improvisation. Ce qui sera le cas.Pour l'anecdote, la famille du jeune écolier décidera au beau milieu du tournage de le retirer au motif que la dame qui le chaperonnait n'avait pas été payée. La dame en question était sa tante.En lui-même, le film devenait un film. En réalité, ce qui s'est passé durant les trois mois de réalisation mériterait d'être rapporté sous forme encyclopédique tant les aventures et les mésaventures existaient à foison. Pourtant, un jour, il sera évidement prêt et pourrait, comble de l'ironie, bénéficier des plus grands hommages en sus de la reconnaissance des pouvoirs publics. En attendant, les 140 millions de dinars de budget, nul ne s'en souciera jamais. N'est-il pas alors normal, voire logique que le cinéma algérien ne soit plus présent dans les festivals internationaux 'A. L.




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