Algérie

Chronique d'un échec annoncé



Trois jours après sa tenue, la conférence d'Aïn Benian est déjà enterrée. L'initiative est victime de ses propres initiateurs, de son rejet par une partie de la classe politique et par les manifestants qui viennent de réussir avec éclat le vingtième vendredi de mobilisation.Après avoir essuyé des critiques acerbes de la part de ses partenaires lors de la conférence du 6 juillet, Abdelaziz Rahabi a déjà rendu son tablier. Il affirme, dans une interview accordée au journal El Khabar, que désormais, ses déclarations n'engageront que lui. "Je ne parlerai qu'en mon nom personnel et ne représenterai personne", affirme l'ancien diplomate, qui précise que sa mission se limitait à "coordonner" les travaux de la Conférence de dialogue nationale. Cette sortie de M. Rahabi a été précédée par des attaques au vitriol venues de ses partenaires d'hier. L'adresse la plus virulente est venue de Lakhdar Benkhellaf, député du Front pour la justice et le développement (FJD), qui accuse Rahabi d'avoir "dépassé" ses prérogatives et d'avoir "dissimulé" la feuille de route "consensuelle". Pour ce député, le projet de plateforme devait être lu au début des travaux et non à la fin, comme ce fut le cas samedi à Aïn Benian. L'homme reproche à Abdelaziz Rahabi de s'être "désigné" comme "coordinateur" et d'avoir "contacté des participants", alors qu'il y avait "une commission chargée" de cela. Pis encore, il soupçonne l'ancien ministre de la Communication d'avoir "fait en sorte" que certains partis soient absents à la rencontre. Rahabi est également accusé d'avoir préparé une déclaration finale sur laquelle les participants ne s'étaient pas entendus. Le concerné s'en défend et rappelle que le fait de laisser la lecture de la résolution à la fin était justifié par le souci d'enrichir le document. Avant cette sortie du député du FDJ, des divergences de fond s'étaient déjà manifestées lors du déroulement des travaux de la conférence. Parmi les participants, beaucoup ont posé le problème des détenus d'opinion. D'autres ont clairement insisté sur l'exigence de voir les 2 "B" quitter leur poste avant d'entamer un quelconque dialogue. Mais ces deux points n'ont pas été mentionnés dans la "plateforme" adoptée à la fin de la rencontre.
Autre objet de litige entre Abdelaziz Rahabi et certains participants à la conférence : quelques heures avant la clôture des travaux, les journalistes ont reçu une "résolution" politique censée résumer le contenu des discussions de la journée. Mais, bizarrement, le document, qui semblait résumer une partie des interventions des responsables politiques, n'a pas été donné aux présents et n'a même pas été soumis à l'adoption des rares personnes qui restaient encore dans la salle. Personne parmi les organisateurs n'assume le document, ajoutant ainsi une couche à la confusion qui a régné tout au long de la conférence. Autre signe qui en dit long sur l'échec de la conférence : les chefs de parti ont déserté la salle de réunion aussitôt les interventions des politiques terminées. Dans l'après-midi, il ne restait autour de la table que les représentants de certains syndicats, d'associations et des personnalités. Ce qui, dès lors, n'avait pas manqué de susciter des interrogations.
En plus de ces couacs, la facilité avec laquelle les autorités ont donné une autorisation à cette conférence (alors que celle des partisans de l'Alternative démocratique a été refusée sans raison) et la surmédiatisation dont elle a bénéficié de la part des médias officiels ont ajouté au discrédit qui frappait d'emblée cette initiative. Malgré les démentis de certains participants et de M. Rahabi en personne, des acteurs politiques et médiatiques, au même titre que beaucoup d'activistes, continuent de croire que si elle n'est pas directement initiée par le pouvoir, elle en a reçu l'assentiment, sinon le soutien. Les autorités ont probablement misé sur cette rencontre pour s'en servir comme d'une bouée de sauvetage. Mais dans la forme et dans le fond, elle n'aura pas servi à grand-chose, sinon à répéter les doléances portées par les Algériens. Il s'agit notamment de l'exigence du départ des "symboles du système, encore en poste", et de l'exclusion des partis ayant soutenu Abdelaziz Bouteflika de toute discussion.
Le refus d'une bonne partie de la classe politique, réunie notamment au sein de l'Alternative démocratique, a fini par enlever le caractère "consensuel" à cette rencontre. Au moins sept formations politiques et la Laddh ont décidé de s'inscrire dans une autre perspective politique qui ne fait pas de l'élection présidentielle "une fin en soi". Abdelaziz Rahabi espère toujours "rapprocher" les points de vue, mais est-ce encore possible '

Ali Boukhlef


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