Algérie

chronique d'un basculement DVD cinéma . «La Baie d'Alger» de Merzak Allouache



chronique d'un basculement                                    DVD cinéma . «La Baie d'Alger» de Merzak Allouache
A Surcouf, la guerre de libération est au bout de la plage.
Merzak Allouache : encore lui ! Jamais deux sans trois. On est à peine sorti de ses deux films, Normal et Le Repenti qu'il nous sort La Baie d'Alger, adaptation mise en scène avec brio du roman autobiographique de Louis Gardel dont l'histoire se passe à Alger en 1955, une année après le déclenchement de la guerre de libération. Diffusé le 13 juin dernier sur France 2, sa version DVD a été mise sur le marché.
Tourné à Sète, dans la région du Languedoc-Roussilon, où certains endroits ressemblent à Alger, produit par France Télévision, c'est une des rares 'uvres de télévision du réalisateur. Mais La Baie d'Alger échappe heureusement aux pièges des téléfilms. Faisant de furtives apparitions dans le récit, Biyouna et Fettouma y ont pourtant une présence souveraine, ni banale, ni conventionnelle. Elles échappent aussi aux rôles désuets et larmoyants que l'on donne souvent aux actrices algériennes, ici et ailleurs.
Le film La Baie d'Alger n'a aucun défaut. Le roman de Louis Gardel non plus. L'écrivain a écrit au moins dix autres romans. Aux éditions du Seuil, il était l'éditeur de Tahar Djaout. Il a écrit aussi des scénarios pour Régis Warnier, Indochine et Est-Ouest et pour d'Alain Corneau, Nocturne Indien. En regardant le beau travail de mise en scène, on a la sensation de faire un voyage à Alger à l'époque où se déroule l'histoire. L'essentiel de la ville est là, quand la situation est prête à basculer. En 1955, la révolution algérienne est en marche. Rien ne peut l'arrêter. La première phrase du roman de Gardel est d'ailleurs celle-ci : «C'est fini... Chose certaine jusqu'alors impensable et soudain évidente».
A 15 ans, Louis vit chez sa grand-mère Zoé, vieille dame libérale, indépendante d'esprit, douée d'une forte personnalité. Louis est élève au Lycée Bugeaud (auj. Emir Abdelkader). L'adolescent perçoit que les choses autour de lui se dérèglent. Il sent bien que le monde dans lequel il a vécu heureux auprès de sa grand-mère disparaît. Au lycée de Bab El Oued, son professeur de littérature, dégoûté par la politique coloniale de la France, démissionne. Son remplaçant, libéral venu de «métropole», ami de Sartre et de Simone de Beauvoir, meurt dans un accident de la route. Un accident bien mystérieux. Les ultras sont sans doute derrière tout ça. A Surcouf, les flirts tournent court, sans lendemain, sans perspective. La guerre de libération est au bout de la plage.
Louis fréquente parfois la célèbre librairie Charlot de la rue Charras. Là, il a serré un jour la main d'Albert Camus. Cette chronique algéroise nous montre aussi un ami de Louis, Omar, futur moudjahid et mari de Zoulikha (Fettouma Bouamari), grande amie de la grand-mère Zoé, comme l'est Bibi (Biyouna), sacrée originale, fantasque, au franc-parler sidérant. Le film esquisse aussi le portrait de Bouarab, un pêcheur, ami de la famille, qui milite au FLN et périra lors d'un accrochage avec la police coloniale. Sa mort cause une peine énorme à Louis. Il faut saluer la performance de la grande actrice Irène Jacob (Zoé) et aussi de Solal Forte dans le rôle de Louis.
Aimant obstinément sa ville natale, Louis Gardel a écrit : «Ceux que l'histoire a déracinés donnent naissance à des enfants ouverts au monde». Et Merzak Allouache, lui-même natif d'Alger, a filmé librement, sans pesant message politique, cette chronique de la fin d'une époque, un moment où l'histoire bascule.


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