« Voyez-vous dans
la vie, il n'y a pas de solutions. Il y a des forces en marche : il faut les
créer, et les solutions les suivent ».1
Nous, Algériens,
croyons fermement au miracle, en entier et en vrac ! La preuve, notre parler
quotidien appartient à un domaine phraséologique sans limite qui nargue
l'impossible, «koulou chey moumkin» expression qui fait partie intégrante de
nos conquêtes. Nous croyons à l'impossible, mieux, nous le défions et nous
pouvons même le dépasser dans notre imaginaire. Commençons par cultiver
certaines expressions incontournables qui reviennent quasiment dans toutes les
tractations : «Sahla ou sahel el hal», «sans problème»…. ! Celle qui fait
figure de clé de résolution et qui marche fort aujourd'hui dans les situations
les plus délicates est sans conteste «chouf ki dir». Cette expression-sésame
brave les normes et les schémas les plus controversés, allant de la négociation
la plus ordinaire à la décision la plus complexe. Au marché, elle peut clore
une transaction financière qui s'avérait indiscutable au départ. Chez le
pharmacien, le médicament- équivalent peut être préconisé au dépend de la santé
du malade. Chez le garagiste ou vendeur de pièces détachées, les solutions de
rechange sont rapidement trouvées. Les données d'un examen ou concours peuvent
changer en un tour de passe-passe à l'évocation de notre pilule-miracle. Une
liste d'attributions de logement ou de promotion ne résiste pas aux sirènes du
«choufkidirisme» Des containers qui pètent les pétards ou des marchandises
prohibées arrimeront à bon port, grâce à notre formule magique. On peut aussi
éviter le mitard en frappant à la bonne porte de l'illusionniste-phare quel que
soit le délit incriminé, il suffit d'y prononcer la phrase magique «chouf ki
dir». L'ardoise des crédits s'effacera sans soucis pour les adeptes du «chouf
ki dir». Même les morts peuvent ressusciter pour «cause suprême» de la cité.
Ce machiavélique «chouf ki dir» a causé tant
de dégâts que cette société commence vraiment à tanguer vers la dérive.
L'actualité ne prend pas une ride, à croire qu'elle est accroc au Botox et
suspendue dans le vide. Ce sentimentalisme vicieux qui consiste à faire appel
aux êtres malicieux pour réparer l'impensable par des détours malhonnêtes, a
gangrené les normes relationnelles, les lois et l'éthique de tous les secteurs
vitaux et opérationnels.
A quoi est due cette facilité déconcertante
dans ses comportements et ses prises de décision aussi graves ? La réponse ne
se fait pas attendre, elle est reprise en chÅ“ur :les mentalités bien que
«douter de tout ou tout croire sont deux solutions également commodes, qui
l'une et l'autre nous dispensent de réfléchir»2 Devant ce raisonnement ressassé
depuis des décennies, on ne s'est jamais donné l'effort pour expliquer le
comment et les détails de ce qu'on avance dans une société comme la nôtre.
Parler de nos mentalités semble plus complexe car on doit parler de liens très
résistants tels que nos croyances, nos habitudes et notre foi. En dépit de
cette dernière qui déploie une impressionnante logistique législative pour
prévenir et guérir les maux et les vices de l'être humain «Dis-leur : Agissez !
Dieu appréciera vos Å“uvres, ainsi que le Prophète et les croyants. Et quand
vous serez ramenés vers Celui qui connaît l'invisible et l'apparent, Il vous
renseignera sur ce que vous aurez fait» 3
Nous nous comportons comme de mauvais
apprenants. On n'adhère pas aux traitements dictés par la loi on la contourne
autant de fois, par toutes les voies et quelles qu'elles soient. On brouille
les registres, sans oser dépoussiérer nos pupitres, les dénotations sont
sujettes à connotations. Les vérités sont obnubilées ou maquillées. Ces
comportements sont devenus légion - en brandissant hypocritement l'étendard de
la religion - à voir notre magnétique persistance dans cette gymnastique de
l'antinomie de complaisance.
Le piratage est devenu notre labeur, la
contrefaçon notre primeur, la corruption notre sueur, la médiocrité notre
saveur, le clientélisme notre faveur, le moindre effort - avec tous ses torts -
notre sport, le népotisme notre honneur et la violence sous toutes ses formes,
notre couleur. Comme quoi changer les mentalités et l'inamovible crédulité
d'une société encensée de mirages prometteurs relèvent d'un vrai miracle ou
d'un Mehdi délivreur. Il est vrai aussi que balancer cette expression de
changement à tous les coups est devenu une justification favorite pour
s'accommoder de ce qui est condamnable. Au fait il s'agit de nous réimplanter
en urgence le canevas d'une seule et unique «mentalométrie» bien claire : celle
du respect des lois, de la transparence, de l'intégrité, de l'honnêteté, de
bannir surtout l'impunité, de bénir l'excellence et d'encourager en synergie
toutes les énergies. Appliquer fermement la théorie du concierge qui consiste à
balayer le bâtiment en commençant toujours par le haut. Et puis ne dit-on pas
que le cœur donne la direction, le cerveau la solution et le corps la
concrétisation.
* Universitaire
Saida
1- Antoine de
Saint-Exupéry
2- Henri
Poincaré, extrait de «La Science et l'Hypothèse» Edition Champs Flammarion,
Paris, 2009
3- Saint Coran,
IX, 105
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Posté Le : 10/06/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Remmas Baghdad *
Source : www.lequotidien-oran.com