Le duel a bel et
bien commencé. Son enjeu ? Le leadership mondial, qu'il soit économique ou
politique. D'un côté, les Etats-Unis, cette «hyper-puissance» décrite par
Hubert Védrine, l'ancien ministre français des Affaires étrangères. De l'autre,
«l'empire égoïste» pour résumer la pensée du politologue Martin Jacques, auteur
d'un livre récent sur l'inéluctable ascension de la Chine, «futur maître du
monde.» Ce n'est plus de la politique-fiction telle que l'on pouvait la voir
dans les productions d'Hollywood au début des années 2000 (juste avant que les
attentats du 11 septembre ne remettent un autre «ennemi» au goût du jour).
L'affrontement entre la Chine et les Etats-Unis est désormais une réalité.
Certes, c'était attendu. Mais l'étonnant dans
l'affaire c'est que cela ne se déroule pas comme prévu. Durant des années, les
experts en géopolitique nous ont expliqué que la Chine n'avait pas d'ambitions
mondiales et que la priorité de ses dirigeants était l'essor économique doublé,
à l'intérieur, d'un renforcement sans cesse croissant du pouvoir du parti
communiste. Sur le plan international, la Chine était présentée comme un «géant
silencieux» désireux de ne s'impliquer dans aucune controverse et de maintenir
des relations «harmonieuses» avec l'Occident, son précieux client.
Mais depuis quelques mois, le ton et
l'attitude de Pékin changent. Il ne s'agit plus de simples postures auxquelles
la communauté internationale a été habituée comme par exemple le fait de
protester avec véhémence contre l'accueil fait, ici ou là, au Dalaï Lama ou
bien alors contre des ventes d'armes ou de technologie de pointe à Taïwan,
l'île félonne… En fait, la Chine n'hésite plus à affirmer sa puissance-avec
morgue et dédain, affirment nombre de diplomates occidentaux quelque peu
traumatisés.
Ce fut le cas par exemple lors des
négociations à la Conférence de Copenhague où non seulement la Chine est restée
intraitable (pas de limitation de ses émissions de gaz à effet de serre) mais
aussi abrupte voire menaçante à l'encontre de délégations, notamment
européennes, à qui il a été rappelé à quel point les entreprises de leurs pays
avaient besoin du marché chinois…
C'est évident, Pékin ne craint plus d'exhiber
ses muscles. Les entreprises occidentales installées sur son sol sont en train
d'en faire la pénible expérience. Il y a quelques semaines, dans une chronique
économique consacrée à ce sujet, je citais les déboires de Google en Chine mais
aussi ceux d'autres entreprises occidentales qui ont eu systématiquement eu le
dessous lors de litiges les opposants à des concurrents locaux (*). Cette
évolution est tout sauf anecdotique. Elle signifie que le gouvernement chinois
estime que son pays est suffisamment solide pour prendre le risque d'une
désaffection de la part des investisseurs occidentaux.
C'est aussi un signal adressé aux Etats-Unis.
S'il fallait résumer ce dernier de manière lapidaire, cela donnerait ceci
«C'est vous qui avez plus besoin de nous et non l'inverse.» L'Amérique a
effectivement besoin de la Chine pour trouver les 2 milliards de dollars
quotidiens qui lui servent à financer son train de vie (et son déficit
budgétaire…) tandis que Pékin continue à diversifier ses débouchés commerciaux
en pariant, plus que jamais, sur les marchés asiatiques. Dans tous les domaines
ou presque, la doctrine chinoise est simple et ne souffre d'aucune concession.
Il s'agit de «China First», la Chine avant tout.
Un mot d'ordre qui fleure bon le nationalisme
exacerbé et qui, l'ivresse de la puissance économique aidant, peut pousser les
dirigeants chinois à faire preuve de rudesse à l'égard de leurs interlocuteurs,
étasuniens compris.
Cela étant, il est évident que les Etats-Unis
ne resteront pas les bras croisés. Ce pays reste la première puissance
économique mondiale. C'est aussi la première puissance militaire, ce que la
Chine n'a pas intérêt à oublier. Il reste à savoir de quelle manière les
Américains vont tenter de garder leur leadership sachant que la crise
financière a largement entaché le prestige de leur pays.
Si l'hypothèse d'un conflit militaire direct
entre les deux parties est exclue, il est certain que cette rivalité va se
transporter ailleurs dans le globe. Et c'est l'Iran qui pourrait en faire les
frais. On sait en effet que la Chine, qui a besoin du pétrole et du gaz
iraniens, s'oppose à de lourdes sanctions internationales contre Téhéran et son
programme nucléaire.
Depuis peu, la main tendue d'Obama à l'Iran a
été retirée et Hillary Clinton a présenté ce pays comme évoluant vers une
dictature militaire. Un discours belliqueux qui fait écho à ceux qui avaient
précédé l'invasion de l'Irak en 2003. S'attaquer à l'Iran, le mettre sous
tutelle-un peu à l'image de ce qui se passe aujourd'hui en Irak-serait une
manière pour les Etats-Unis de renvoyer Pékin à son statut de puissance
émergente. D'autres terrains d'affrontements pourraient eux aussi rapidement
apparaître. C'est le cas de l'Afrique de l'Ouest, devenue zone stratégique pour
les intérêts pétroliers étasuniens.
Ce qui va se passer dans cette région dans
les prochaines années devra être analysé à l'aune de la rivalité
sino-américaine, y compris en ce qui concerne l'Algérie et cette volonté
insistante des Etats-Unis d'installer une base militaire dans le Sahara.
Reste enfin un point majeur. La Chine est-elle
aussi forte qu'elle ne le croit ? N'est-elle pas grisée par sa réussite
commerciale et ses 2.400 milliards de dollars de réserves ? N'a-t-elle pas eu
tort de sortir du bois aussi tôt ? L'avenir le dira certainement
(*) Quand Pékin
ravive le nationalisme économique, Le Quotidien d'Oran, mercredi 5 janvier
2010.
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Posté Le : 18/02/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Paris : Akram Belkaid
Source : www.lequotidien-oran.com