Algérie

Chez Ammi Rabah,on ne mange plus de poisson



La baraque qui, d'apparence, ne paie pas de mine est en réalité un trésor gastronomique. À midi, il faut arriver parmi les premiers pour espérer trouver une table libre. Les retardataires "mangent" leurs doigts. Mais voilà que ce coin de vie est vidé de son monde. Depuis que le coronavirus est apparu, les fours sont à l'arrêt.Qui n'a pas savouré le délicieux poisson frais de chez Ammi Rabah ' De l'ouvrier jusqu'au plus haut cadre, en passant par des hommes d'affaires, des personnalités politiques, des artistes... Ils sont tous passés par cette baraque de fortune érigée sur le trottoir longeant la route de l'arrière-port de Béjaïa. Implantée en face du terminal à conteneurs du port, la bicoque peinte en bleue marine jouit d'une popularité inégalée dans la cité des Hammadites. Et même au-delà. Une réputation bâtie sur le sens populaire du vieux Ammi Rabah, ancien poissonnier reconverti dans la restauration rapide. Quand il avait installé sa baraque en 1987, il ne savait pas qu'il était en train de faire d'un bout de trottoir un endroit incontournable pour bien manger.
Cet endroit périphérique est devenu central, prisé par la population locale. Un passage obligé pour les visiteurs pour avaler sans modération les savoureux plats du "chef". S'il n'est plus de ce monde, disparu en 2011, son resto de fortune a continué à conquérir les gourmands. La baraque qui, d'apparence, ne paie pas de mine est en réalité un trésor gastronomique.
À midi, il faut arriver parmi les premiers pour espérer trouver une table libre. Les retardataires "mangent" leurs doigts. Mais voilà que ce coin de vie est vidé de son monde. Depuis que le coronavirus est apparu, les fours sont à l'arrêt. L'odeur des grillades ne sort plus des vieilles marmites. Cela dure depuis plus d'un mois maintenant.
Les mesures préventives prises par les autorités visant à freiner la propagation de l'épidémie de coronavirus ont contraint les trois héritiers de Ammi Rabah Kadem, à suspendre leur activité commerciale. C'est le cas d'ailleurs pour les commerçants et artisans, ainsi que les professionnels libéraux, qui se sont retrouvés du jour au lendemain sur le carreau.
Si certains établissements privés continuent à assurer un service minimum, d'autres ont été contraints de baisser rideau et se résigner à "un chômage forcé". La crise sanitaire a sérieusement secoué ces petits métiers, se désole Farid, un des fils du défunt Ammi Rabah. "Quand un client met les pieds dans notre établissement, il finit toujours par revenir un jour. Nous faisons de notre mieux pour satisfaire notre clientèle. Notre devise : garantir le meilleur rapport qualité/prix", affirme-t-il non sans une pointe de satisfaction.
Entourés de ses deux frères, Boualem et Farouk, Farid, qui fut le bras droit de son regretté père, tient la boutique. Chez les frères Kadem, le métier est légué de père en fils. D'où la nécessité de veiller à préserver l'image de marque de leur établissement, dont la réputation n'est guère entamée au fil des ans. En témoigne l'importance du nombre de clients qui prennent d'assaut chaque jour cette baraque bleue.
Pour mieux servir sa clientèle et satisfaire les habitués des lieux qui demeurent d'ailleurs nombreux, les trois frères Kadem se font épauler par leurs cinq employés, lesquels se sont initiés à cet art culinaire qui consiste à maîtriser parfaitement les techniques appliquées à la cuisson des poissons. Autant dire que cette baraque de fortune qui fait office de restaurant a réussi à faire vivre huit familles.
Néanmoins, la période exceptionnelle que traverse le pays, voire toute la planète, à cause de la pandémie de Covid-19, leur a joué des tours. Cela fait un mois qu'ils se tournent les pouces. "La décision de fermeture des lieux de regroupement de personnes, prise par les autorités publiques, en vue de limiter la propagation de la pandémie de coronavirus, est tombée comme un couperet sur nos têtes ! Du jour au lendemain, on s'est retrouvé au chômage.
On ne sait plus comment faire pour subsister en ces temps d'incertitude. Nous craignons le pire. Et si cette crise sanitaire mondiale va encore perdurer '", se lamente Boualem Kadem, visiblement stressé, voire envahi par la panique après un mois de confinement sanitaire. Notre interlocuteur s'inquiète pour l'avenir de son commerce qui reste le seul gagne-pain de sa famille, mais aussi de celles de ses employés. "C'est cette baraque qui permet à une dizaine de familles de subsister.
En plus de mes deux frères et mes cinq employés, j'ai deux s?urs à nourrir, car elles sont dans le besoin. Mais, si ça continue comme ça, on risque de se retrouver à sec. Cette pandémie de coronavirus nous a coupé les vivres", s'est-il alarmé. Revenant sur les contraintes du métier, le jeune restaurateur évoque les périodes de vaches maigres qui l'obligent parfois à "fermer boutique" des journées durant.
"En dehors de cette crise sanitaire, il nous arrive parfois de cesser momentanément notre activité, notamment lorsque la prise de poissons s'avère insuffisante ou de mauvaise qualité. Il y a aussi le prix des produits de la mer qui sont parfois inaccessibles. À cela s'ajoutent les conditions climatiques qui empêchent de temps à autre les pêcheurs de prendre le large. C'est dire combien notre métier est difficile, car il demeure tributaire de bon nombre de paramètres que je viens de vous citer", a-t-il déploré.

K. O.


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