Algérie

Cherif Belmihoub : "Des calculs d'épicier"


L'augmentation importante des droits de timbre sur la carte d'identité, la carte grise, le passeport et le permis de conduire prévue dans le projet de loi finances complémentaire (LFC ) suscite d'ores et déjà le mécontentement de nombre de citoyens.Contacté par Liberté pour se prononcer sur la pertinence de cette disposition fiscale, le professeur Mohamed Cherif Belmihoub, spécialiste des politiques publiques, constate également qu'elle n'a pas de sens. "Cette augmentation des droits de timbre, sa finalité, c'est pour gagner un peu d'argent. Elle ne rapportera pas beaucoup au Trésor public. Je ne cerne pas l'efficacité d'une telle mesure. Ce sont des calculs d'épicier. Elle n'a pas véritablement de sens économique", analyse le spécialiste.
Mohamed Cherif Belmihoub a ajouté que la hausse des droits de timbre a été programmée parce que c'est facile à recouvrer, elle ne risque pas, contrairement à d'autres augmentations d'impôts, de générer la contestation, de faire sortir les contribuables dans la rue. Le professeur rappelle que la mesure a été instituée pour dégager des ressources pour le fonctionnement de services qui confectionnent ces documents administratifs, afin de couvrir les coûts supplémentaires induits par l'utilisation de nouvelles technologies supportés par le Trésor public. Or, le budget de l'Etat est un budget global. Ce n'est pas un budget par activité. Le gouvernement aurait pu en somme faire l'économie de cette mesure impopulaire qui ne procure pas un gain substantiel pour les caisses de l'Etat.
Pour le spécialiste, le budget de l'Etat s'assimile à un exercice purement comptable. Alors que la loi de finances devrait être l'instrument d'exécution d'une politique économique et de politiques publiques qui courent sur le moyen terme.
"La loi de finances, soutient-il, n'est qu'un outil d'exécution d'une politique économique, d'une doctrine économique. Comme en Algérie, il n'existe pas véritablement de politique économique, de véritables politiques publiques, on fait jouer à la loi de finances un rôle qui n'est pas le sien, celui de politique économique, avec des mesures qui devraient relever beaucoup plus de lois, de textes réglementaires édictés par le gouvernement ou des départements ministériels. C'est pourquoi la loi de finances revêt beaucoup d'importance en Algérie." "Elle est devenue une star", a-t-il lancé sur un ton ironique.
Quant à la pertinence d'une loi de finances complémentaire, il explique qu'elle devient nécessaire à la survenance au cours de l'année d'un événement majeur dont les effets affectent significativement soit les ressources, soit les recettes budgétaires. Pour la cas présent de l'Algérie, il s'agit de l'augmentation des prix du pétrole ? un baril à près de 80 dollars ? qui engendre des ressources fiscales supplémentaires pour le Trésor, d'où la programmation de nouvelles dépenses pour financer des projets ou des besoins de fonctionnement qui n'étaient pas budgétisés, en un mot pas prévus par la loi de finances 2018.
Quant à l'institution de droits additionnels à l'importation (de fortes taxes) prévus par la loi de finances complémentaire 2018, le spécialiste estime que cette mesure permet au gouvernement de remédier au cafouillage qui a régné ces dernières années en matière de gestion du commerce extérieur. Mais pour Mohamed Cherif Belmihoub, il n'existe pour l'heure pas de véritable politique en matière de commerce extérieur ni de loi sur le commerce extérieur. Le professeur estime, dans ce sens, que la politique qui consiste à réduire les importations s'avère guère judicieuse parce ce sont pour l'essentiel des intrants ou des biens de consommation indispensables nécessaires au fonctionnement de l'économie ou du marché.
Il aurait mieux fallu prendre plutôt des mesures pour augmenter les exportations. Le gouvernement est dans une logique comptable et non dans la perspective moyen terme d'engager des réformes structurelles en vue d'une plus grande solidité de l'économie nationale, a-t-il laissé entendre.
À rappeler que le droit de timbre pour la carte d'identité nationale est fixé dans cette LFC à 2 500 DA, à 10 000 DA pour le passeport et 15 000 DA pour le permis de conduire léger.
K. Remouche
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