Algérie

Cherchell - Sauvés par des gardes-côtes algériens: L’incroyable mésaventure de naufragés africains



Cherchell - Sauvés par des gardes-côtes algériens:  L’incroyable mésaventure de naufragés africains




Incroyable histoire que viennent de vivre quatre naufragés africains, à savoir deux Guinéens, un Nigérian et un Sierra-Léonais.

Le 17 octobre 2012 vers 16h, le commandant d’un navire de commerce libérien, un porte-containers, lance un appel pour annoncer la présence de naufragés africains vivants, agrippés à des fûts au large de la ville de Cherchell, à une distance de 16 miles nautiques (26 km, environ).

Immédiatement, la vedette de sauvetage du Groupement territorial des garde-côtes (GTGC) de Cherchell se dirigea vers le lieu indiqué par le commandant de bord du navire libérien, le Lana, pour l’opération de sauvetage. Les marins du Lana avaient remis des combinaisons aux naufragés épuisés, à la limite de la mort.

«Ils n’ont cessé de lever leurs bras vers le ciel et pleurer», nous dira l’un des sauveteurs.

Arrivés au niveau du siège du GTGC de Cherchell, les marins algériens se sont affairés à leur donner de la nourriture d’abord, avant de les évacuer pour subir une consultation auprès du service des urgences à l’EPSP de Cherchell.

Leur histoire dramatique a débuté à partir du port togolais de Lomé, le 10 septembre dernier, où ils travaillaient comme dockers. Ce jour-là, un marin philippin informe Mamadou Naciro Bari, Guinéen âgé de 26 ans, père d’un garçon de deux ans, du départ imminent vers l’Europe du navire sud-coréen Hyundaï Treasure Ship.

Le docker guinéen candidat pour l’émigration vers l’Europe informe ses trois autres camarades, âgés entre 25 et 27 ans. Ils trompent la vigilance des éléments chargés de la surveillance des navires qui se trouvent dans les quais du port de Lomé et arrivent à monter dans «le trou» du navire sud-coréen, en escaladant les chaînes en acier qui retiennent le navire au quai, pour atteindre le propulseur de l’étrave. Ils trouvent un petit espace sous la cale. Ce lieu n’est pas souvent visité par les marins qui travaillent à bord.

Le navire sud-coréen chargé de plusieurs blocs de goudron fait alors une escale au port de Dakar (Sénégal) du 17 au 26 septembre 2012. Les quatre camarades patientent dans la souffrance dans cet espace obscur, qui dégage des odeurs dangereuses pour la santé, en plus d’une chaleur insupportable. Le navire sud-coréen appareille ensuite à Casablanca (Maroc).

Balancés à la houle

Les clandestins, crevant de faim, tentent discrètement de quitter le fond de la cale afin de regagner le compartiment supérieur à la recherche d’un bout de pain ou autres aliments et de l’eau. Mais ils sont repérés par les marins du Hyundaï Treasure Ship. Ils sont malmenés.

Arrivés au port de Casablanca, le 11 octobre 2012, le commandant du navire informe les autorités portuaires marocaines de la présence illégale à bord de son navire de deux Guinéens, un Nigérian et un Sierra-Léonais. Les policiers marocains exigent alors du responsable du navire les frais de rapatriement des clandestins, sinon c’est à lui de les rendre au port de Lomé.

Les négociations entre les autorités marocaines et le commandant de bord n’ont servi à rien. Le 13 octobre 2012, le navire Hyundaï Treasure Ship quitte le port de Casablanca afin de rejoindre l’Europe par la Méditerranée. Et les menaces commencent: les clandestins craignent le pire.

«Le commandant du navire nous avait dit que le Real Madrid c’est tout près d’ici, vous pouvez partir à la nage !», explique Mamadou Naciro.

Les grosses vagues faisaient tanguer le navire violemment. Les clandestins africains refusent de quitter le navire. Ils voient la mort qui se profile à l’horizon. Personne ne parviendra à leur venir en aide. Le commandant du navire fait fabriquer un radeau en soudant six fûts. Il fait nuit. La houle au large de la Méditerranée agitait le navire sud-coréen. Les pleurs, les cris ne font pas fléchir la volonté du commandant et de son équipage. Le radeau est balancé dans l’eau et ce 15 octobre, sous les projecteurs du navire, vers 2h du matin, les clandestins sont jetés à la mer. Ils s’accrochent à leur radeau de fortune qui ne résiste pas aux chocs des vagues.

«Criminels»

Les fûts se détachent. Les naufragés doivent s’accrocher chacun à un fût. Le navire sud-coréen s’est sauvé depuis des heures.

Inquiétude, pleurs, prières, au milieu de la mer et de la nuit. Epuisés, ils n’ont plus la force de crier. Seuls quelques gestes d’une seule main sont effectués à l’adresse des grands navires, qui créent des grosses vagues à leur passage.

Hélas, ils sont «invisibles» et les navires transitant et ne répondent pas à leurs gestes désespérés. Le Nigérian, un universitaire, a failli mourir noyé. Il a été sauvé de justesse par ses copains en difficulté. Ils lui avaient ramené le fût qu’il perdit pour continuer à «s’accrocher à la vie».

«On ne voyait même pas l’horizon», nous avoue l’un d’eux.

Le 17 octobre, le navire Lana s’approche des naufragés. Le cauchemar est terminé. Très bien traités et parfaitement pris en charge, les naufragés déclarent: «Le commandant du navire sud-coréen et son équipage sont des criminels, mais nous voulons rejoindre nos familles en Afrique maintenant. Nous ne savons pas comment remercier l’Algérie pour nous avoir sauvé la vie.»

Les quatre naufragés ont des métiers et c’est la crise économique qui foudroie leurs pays respectifs qui les a poussés à prendre autant de risques pour rejoindre l’Europe.

Le Sierra-Léonais est un homme d’affaires et les deux Guinéens sont des menuisiers en bâtiment.

Les responsables du GTGC de Cherchell préparent déjà le dîner aux quatre naufragés. Il est presque 20h30. Ils ont besoin de manger encore, avant de se coucher.

C’est une deuxième vie qui commence pour eux.


M'hamed Houaoura



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