La célébration du Mois du patrimoine dans la wilaya de Tipaza a été marquée par une importante manifestation au niveau de l’ex-Césarée, sous le thème « Stratégie de valorisation du patrimoine historique, quelle méthode d’approche ? » La rencontre a regroupé des chercheurs et universitaires de l’EPAU d’Alger et de l’université de Blida, des archéologues d’Alger et de Tipaza, des représentants du ministère de la Culture et très peu de représentants du mouvement associatif..
Mohamed Richa, chargé de cours à l’EPAU, est venu divulguer les résultats de la recherche-action Programmation intégrée des sites archéologiques (PISA) sur le site archéologique de Cherchell. En matière de protection et de conservation, il a été relevé des lenteurs dans les procédures de classement des biens ainsi que l’usage d’instrument de gestion et de réglementation urbaine inadapté par rapport à la situation patrimoniale de la ville ; la prolifération des constructions qui induisent un phénomène de destruction et de disparition rampante des sites archéologiques classés, l’insuffisance des ressources financières affectées à l’entretien et la restauration des sites classés, l’implantation de certaines activités économiques incompatibles avec la conservation des sites du point de vue de la vulnérabilité physio-chimique qu’ils occasionnent, la construction de barrières de délimitation des sites sans aucune recherche architecturale, entraînant par conséquent un préjudice au site auprès du public ; le manque d’intervention de la puissance publique face aux multiples agressions, qui démontre la faible sensibilité de l’administration locale et des décideurs dans leur vision sur la ressource patrimoniale en tant que facteur potentiel de développement. Si le site archéologique se trouve aujourd’hui dévalorisé et non intégré par rapport à la stratégie politico-économique actuelle, c’est parce que la valorisation du patrimoine archéologique ne paraissait pas faire partie des priorités des différents acteurs socio-économiques et politiques locaux. Les potentialités pour promouvoir et développer les sites existent. Parmi les actions intégrées énumérées, Mohamed Richa cite la réalisation des panneaux signalétiques et didactiques des sites les plus importants, la création de la maison du patrimoine, néanmoins la question relative à la destination des équipements offerts par la Communauté européenne et réceptionnés en Algérie demeure toujours sans réponse, la création d’un réseau de gîtes de Cherchell, la création d’un atelier de moulage et d’apprentissage pour la reproduction des objets souvenirs du site, la réalisation des travaux de restauration de la mosaïque et de la statuaire du musée du site. Youcef Chennaoui, chargé de cours à l’EPAU, avait mis en évidence la nécessité d’un plan permanent de sauvegarde et de mise en valeur (PPSMV) de l’ex-capitale de Juba II.
Constat peu reluisant
Le site de Aïn K’siba de Cherchell menace ruine, bien qu’il ait été classé patrimoine national en 1999. En dépit d’un constat des lieux très peu reluisant, le chercheur estime que ce qui reste des structures de ce site historique peut être intégré dans une dynamique de renouvellement urbain qui devra être globale et réticulée dans les différents schémas de réglementation urbaine. Il va falloir tenir compte des valeurs morphologiques du site, architecturales et constructives. Youcef Chennaoui à travers une analyse purement technique propose une intégration scientifique de certaines données sans mettre en péril les aspect historique, culturel et social du site, une approche qui implique l’ensemble des acteurs pour préserver et mieux conserver les sites de Aïn K’siba, quartier résidentiel durant l’époque ottomane. La responsable de la circonscription archéologique de Tipaza (CAT) insiste sur la connaissance du passé urbain qui ne tolère ni l’improvisation ni les demi-mesures. Toute opération d’archéologie urbaine, qui porte nécessairement sur plusieurs sites d’une même ville, exige selon Mlle Sabah Ferdi , une programmation à long terme des interventions sur le terrain d’abord, ensuite la constitution des archives archéologiques et l’exploitation de ces archives et enfin la publication des résultats. C’est une tâche lourde. Quand la menace de destruction du sous-sol pèse, l’impératif d’exécution rapide des programmes s’ajoute à l’énormité de cette tâche. La confusion omniprésente entre archéologie de sauvetage et archéologie urbaine conduit à un activisme de terrain, marqué par un accroissement des opérations toujours coûteuses, hélas aux résultats décevants.
Sensibiliser les populations
Pour le sauvetage de la ville de Cherchell, docteur Mahfoud Ferroukhi, chercheur algérien établi en France, avait dirigé des travaux de recherche avec une équipe d’archéologues franco-algérienne sur un site en optant pour les méthodes des nouvelles techniques de ce qu’on appelle archéologie préventive. Les conclusions de ses recherches avaient été remises aux autorités algériennes. A l’issue des travaux qui ont duré deux jours en ce Mois du patrimoine, les participants à cet intéressant colloque qui s’est tenu sous le haut patronage du wali de Tipaza ont émis des recommandations pour une stratégie de valorisation du patrimoine historique. Ils insistent en premier lieu sur la nécessité de sensibiliser les populations de la wilaya de Tipaza et les décideurs sur l’impératif de sauvegarde et de protection du patrimoine qui est avant tout leur bien, mais surtout une sensibilisation qui doit prendre naissance à partir des établissements scolaires, tout en mettant l’accent sur le rôle important des médias et le mouvement associatif dans ce volet. En matière d’urgence quant à l’établissement de la carte du risque archéologique, le document demeure un garde-fou contre l’urbanisation effrénée et non réfléchie qui menace le patrimoine enfoui et visible au niveau de Tipaza et Cherchell. Les participants à ce colloque demandent l’institutionnalisation des fouilles préventives et les prospections géophysiques de reconnaissance avant tout projet d’urbanisation et d’aménagement. Ils invitent les collectivités locales à doter leurs services techniques de personnels qualifiés pour la sauvegarde du patrimoine, les archéologues et les architectes des monuments historiques. Ils demandent également aux autorités locales de Cherchell de baptiser une rue de la ville du nom de l’empereur Macrin qui est natif de Caesarea, et de baptiser aussi le musée de Cherchell du nom de l’ancien guide Braham Behiri . Enfin, ils ont tenu à souligner que le patrimoine historique constitue une richesse pour la wilaya de Tipaza, engageant naturellement en premier lieu la responsabilité de l’Etat. Cette richesse devra s’inscrire dans la perspective du développement local durable. Après avoir pris connaissance de la situation en plus de l’inexistence du PPSMV de cette ancienne capitale du royaume de Maurétanie, il y a lieu de préciser que parmi les premiers objectifs initiés par l’actuel wali de Tipaza depuis son arrivée figure la réhabilitation des sites historiques de Cherchell. L’étude est en cours. Sa mise en œuvre sera déterminante pour l’avenir. Les contraintes sont nombreuses, d’où l’envie des autres pays occidentaux, amis de l’Algérie,de s’impliquer et de contribuer à cette mission ardue.
Il s’agit de constituer et de préserver les vestiges et monuments historiques d’abord et ensuite établir l’inventaire de cette richesse culturelle des civilisations qui ont vécu dans cette partie de l’Algérie et qu’il faut à tout prix transmettre aux futures générations, en vue de mieux connaître le passé de leur pays.
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Posté Le : 24/10/2014
Posté par : patrimoinealgerie
Source : Source Planetblog / Tipaza