Algérie

Cherche société civile désespérément



Des pères de famille et des travailleurs se sont imposés le devoir de passer la nuit dans les établissements scolaires de leurs enfants ou dans les unités économiques qui les emploient pour àªtre le dernier rempart face aux pillards et aux pyromanes. Au bas d'un immeuble de quartier, dans l'enceinte d'une école ou d'une mairie, ils se sont vus contraints de se réunir, de s'unir pour coordonner leurs efforts. C'est ainsi que l'on a assisté, ces derniers jours, à  des tentatives de recréer un embryon de société civile. Dans l'urgence et par le biais d'associations, de corporations ou bien de comités de quartier ou de village, la société a tenté de refaire timidement surface.
A cet égard, ce qui s'est passé samedi à  Akbou est significatif. Des citoyens de la ville, représentants de cette fameuse société civile, se sont réunis autour de l'exécutif communal pour proposer des solutions à  la «crise» qui menaçait de mettre à  bas tous les édifices de la ville. Le principe d'une grève générale pour dénoncer la cherté de la vie a été retenu pour le lendemain. Mais dans l'immédiat, il fallait arrêter les affrontements entre jeunes manifestants et forces antiémeute et prévenir les actes de pillage qui se multipliaient. Une marche a donc été décidée séance tenante vers les lieux de l'affrontement pour appeler les uns et les autres au calme et à  la raison. Arrivés sur place, les marcheurs pacifiques, au nombre de 500, à  peu près, se sont retrouvés noyés dans une foule d'émeutiers cinq fois plus nombreuse. Le slogan du départ «Arrêtez la violence» est devenu complètement inaudible au milieu des cris des va-t-en-guerre. Au lieu d'un comité de sages, c'est une marée humaine d'apparence hostile que les policiers ont vu déferler sur eux. Bien entendu, ils ont pris peur et ont commencé à  lancer des grenades lacrymogènes au milieu d'une foule qui n'avait d'autre choix que de s'éparpiller. En quelques secondes l'initiative et la marche de la société civile ont été détournées et récupérées par les émeutiers.
L'initiative était, en soi, aussi louable que courageuse, mais elle a surtout servi à  illustrer ce divorce consommé entre une classe de citoyens, commerçants, fonctionnaires ou employés, qui possède un minimum d'acquis, et une jeunesse qui n'a absolument plus rien à  perdre. Dans un pays où les inégalités sociales deviennent de plus en plus indécentes, cette fracture-là ne cesse de s'élargir. 
Tout comme ne cesse de s'élargir cette autre fracture entre un pouvoir autiste, qui s'entoure de brigades de gendarmerie, de commissariats de police, de tribunaux et de prisons, et une société cadenassée de toutes parts.
Cette fois-ci encore, comme à  chaque crise majeure, le pouvoir s'est retrouvé sans interlocuteur valable et sans intermédiaire crédible pour servir de relais avec la société ou les insurgés. Sa clientèle traditionnelle de syndicats fantoches et d'associations fantômes ne lui a servi à  rien. Seuls ses relais médiatiques, télévisions et radios en tête, lui renvoient l'écho de ses propres discours. Le mépris va jusqu'à faire dire à  Abdelaziz Belkhadem à  l'adresse des jeunes : «Manifestez mais pacifiquement.» Quand on sait que toute manifestation est interdite depuis juin 2001, on mesure, en effet, la sincérité du propos.  La société civile renaîtra peut-être des cendres encore fumantes de cette énième jacquerie, mais quel rôle pourra-t-elle bien jouer face à  un pouvoir qui ne s'appuie que sur la corruption et la violence '   


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