A l'entrée de la plaine de Staouéli, sur le territoire d'une ancienne tribu qui a disparu et dont il a pris le nom, se trouve le village de CHERAGAS.
Les premiers colons originaires, pour la plupart, du Var, notamment de Grasse, y ont importé la culture des plantes odoriférantes et de nombreuses distilleries y étaient implantées.
CHERAGAS était le village auquel revenait la priorité de l'industrie du crin végétal; plusieurs fabriques importantes y étaient installées; mais grâce à la marche du défrichement, elles devront, faute de matière première, émigrer vers le sud. L'élevage des bestiaux était favorisé par les nombreux coteaux boisés, où l'herbe croissait en abondance. Les excellentes qualités du lait pour la fabrication de fromages, sous le nom de "Brie de Chéragas ", étaient fort appréciés des gourmets.
Ce village très disséminé avait des maisons bien construites, entourées de jardins et des rues bordées de beaux arbres dont les racines baignaient dans l'eau courante. Au milieu de la grande place coulait une fontaine que surmontait le buste du Maréchal Pélissier, duc de Malakoff.
CHERAGAS, rendez-vous de l'aviation légère
Le SAMEDI 15 MARS 1958 est une date inscrite en capitales dans l'histoire de l'aviation légère en Algérie. Six appareils deux " Norecrin ", trois "Jodel" et un Fairchild (sur dix-sept que comptait l'Aéro-Club d'Algérie) quittèrent ce jour-là la piste de Maison-Blanche, mais ne revinrent pas à leur base habituelle.
Comme les oisillons d'une heureuse couvée, envolés de leur nid, ils vinrent se poser en leur nouveau domaine l'aérodrome de Chéragas.
Même les anciens, "tonton Chapelier (comme ses "poussins " l'appellent) et le président Saint-André, pour n'en citer que deux, ne s'attendrirent pas longtemps sur le passé.
Un changement de nid est presque toujours un acte de jeune et on est toujours jeune quand on ne renonce pas et qu'on construit avec l'avenir.
Déjà, les hangars qui, durant un tiers de siècle avaient abrité, près de l'aéroport de Maison-Blanche, les ailes du Club, démontés en 1954, puis stockés, se trouvaient remontés sur le nouveau terrain.
Celui-ci s'étend sur le plateau de Guyotville, à 3 km 500 de Chéragas, et se trouve desservi par une route s'ouvrant à droite de la nationale Alger El-Biar Sidi-Ferruch.
De longues recherches infructueuses avaient précédé cette réalisation tant souhaitée; une seule solution avait pu être envisagée l'installation de l'aérodrome sur un lotissement situé en bordure de mer et de l'Harrach. On y renonça, fort heureusement. L'air du plateau de Guyotville est certainement plus respirable que celui de l'Harrach...
Le terrain actuel comprend une seule piste orientée approximativement est-ouest (soit 08-26, en langue aéronautique), ce qui signifie que dans un sens cette piste est orientée à 80°et dans l'autre à 260°. Sa longueur réelle est de 930 mètres sur 30 de large; elle accuse 1 025 mètres de long avec ses dégagements.
S'il était nécessaire, elle pourrait être sensiblement allongée vers l'ouest, après la suppression d'une petite crête que redoutent particulièrement les élèves-pilotes lors des atterrissages.
La piste, actuellement en terre roulée, ainsi que les taxiways nord et sud et les parkings à avions seront goudronnés avant la fin de l'automne.
Indépendamment des deux hangars de l'Aéro-Club d'Algérie, dont nous avons tout d'abord parlé, situés au sud de la piste, un deuxième groupe de hangars, destinés aux autres clubs algérois l'Aéro-Club de l'A.I.A. (Atelier Industriel de l'Air de Maison-Blanche), et de l'Association aéronautique algérienne (L'A.A.A.), se trouve actuellement, et provisoirement occupé par l'aviation légère de l'armée de terre (l'A.L.A.T.).
Celle-ci en a pris possession en attendant de pouvoir se transporter au nord de la piste, dans d'importantes installations en cours de réalisaton, tandis que l'A.I.A. demeure encore à Maison-Blanche, et que l'Aéro-Club d'Algérie loge confraternellement dans ses hangars les appareils de l'A.A.A.
Il est probable que l'aviation légère militaire effectuera son transfert dès le début de l'année 1959. Dès lors, les aéro-clubs algérois seront chez eux.
Avant même l'installation définitive de l'aérodrome, l'activité y est devenue intense ces derniers mois 50 % d'activité civile et 50 % d'activité militaire. Le nombre de décollages et d'atterrissages est déjà équivalent à celui qui s'opérait à Maison-Blanche.
L'Aéro-Club d'Algérie, par exemple, accomplit en moyenne 350 heures de vol par mois. Durant les mois d'avril à juillet, les appareils de son école de pilotage ont accompli 800 heures de vol et 5 000 atterrissages.
Gracieux et légers, ces appareils sont particulièrement bien connus des habitués des plages de la côte algéroise, qui suivent leurs évolutions et qui, par opposition naturelle, envient certainement la place du pilote et de ses passagers.
D'ailleurs, l'aérodrome de Chéragas est devenu un but de promenade et, le dimanche après-midi, nombreuses sont les voitures stationnées dans les parkings et sur la route conduisant au terrain, dont l'entrée est confiée à une garde militaire.
Le terrain est propriété de l'Algérie. Les travaux ont été, ou seront par la suite, réalisés par la Direction de l'Infrastructure aéronautique de l'Algérie.
Une tour de contrôle provisoire a été installée. Le service de la navigation aérienne et de la direction de l'aéronautique civile y ont trouvé refuge et contrôlent tous les vols, tant aux départs qu'aux arrivées.
Les installations actuelles seront plus tard complétées par de nouveaux bâtiments, en particulier par la présence d'un Club-House commun aux trois aéro-clubs.
Lorsque le calme sera totalement revenu en Algérie, l'aéroport de Chéragas trouvera alors sa véritable destination, qui est de mettre l'aviation légère au service du tourisme aérien.
Déjà, en dépit de la situation, une grande manifestation aérienne, tout d'abord prévue pour le 20 mai dernier, mais reportée au lundi 15 septembre, an raison des événements historiques du 13 mai, a pu s'effectuer sur l'aérodrome de Chéragas.
Cette journée du 15 septembre est une autre date qui compte. En effet, 36 " Jodel ", pilotés par des équipages français et étrangers, vinrent en f in d'après-midi se ranger docilement devant les hangars de l'Aéro-Club d'Algérie et devant la foule qui les avait impatiemment attendus.
Partis de Bernay (dans l'Eure), leur aéroport natal, ils se rendirent d'abord à Ajaccio, puis d'un coup d'aile, le lendemain matin, ils franchirent la Méditerranée et se posèrent sur l'aérodrome de Bône, qu'ils quittèrent pour le rendez-vous de Chéragas.
Parmi les équipages se trouvaient une femme pilote, un constructeur d'avions, un champion du monde et un as de guerre de l'aviation allemande.
A leur arrivée, sous la direction du colonel Chapelier, directeur de l'école de pilotage, les élèves de pilotage, les élèves-pilotes guidèrent les visiteurs jusqu'à leur emplacement respectif.
M. Queré, constructeur des " Jodel " et principal organisateur de cette magnifique croisière, pilotait le dernier-né de ses usines, le " D-140 ", un quadrimoteur disposant d'une autonomie de six heures de vol à la vitcsse moyenne do 240 km/heure. Cet appareil peut, au surplus, âtre transformé, cn quelques minutes, en avion sanitaire.
Le pot" de l'amitié fut pris dans les hangars transformés en salle de fête; puis les équipages se retrouvèrent le soir, tout d'abord à une réception organisée en leur honneur à l'hôtel de ville par la Délégation spéciale de la ville d'Alger, et ensuite au "diner d'escadrille " servi au foyer des municipaux.
Le lendemain, après avoir visité la ville et sa banlieue au cours de la matinée, les équipages rejoignirent dans l'après-midi leurs " Jodel " à Chéragas, et les conduisirent à Oran, d'où ils poursuivirent leur croisière méditerranésnne par Oujda, Fès, Agadir, Casablanca, Tanger. Après avoir traversé l'Espagne et s'être posés à Biarritz, ils regagnèrent tout simplement leurs hangars f amiliers à Bernay.
L'aviation légère venait d'accomplir un mémorable exploit.
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Posté Le : 17/05/2008
Posté par : y-boudghene
Ecrit par : extrait de " aux échos d'Alger, n°23, sept 88 et n°24,déc 88 "
Source : http://www.alger-roi.net/sommaire/sommaire.htm