Algérie

Cher futur Président, je te veux'



Jeune, «sourire Signal», musclé, avec un bagage intellectuel? ce sont les principaux critères qui viennent à l'esprit des Algériens concernant leur futur Président.«Je rêve qu'il soit beau?
«On l'imagine grand, brun, un beau sourire, petite moustache et un corps bien sportif et musclé. Question dress code, il serait mieux pour le Président d'avoir une garde-robe moderne, des costumes et uniformes tendance, loin des découpes carrées de la vieille époque.» Parmi les jeunes Algériens, beaucoup rêvent de l'image physique et du fashion style du futur Président.
Pour ce qui est de l'âge, c'est une évidence : on le veut jeune, la quarantaine, la cinquantaine au grand max. Pour le docteur en sociologie Ahcène Zerrouk, il est «dommage» pour nous de parler de ces deux critères, qui sont certainement des évidences dans les grandes démocraties du monde. «La nature et notamment la biologie ne laissent pas le choix d'une autre réponse que d'avoir un président dynamique avec toutes ses facultés physique et intellectuelles.
La moyenne du travail d'un Président est bien de 14 heures par jour dans les situations ordinaires. Il faut avoir entre 40 et 60 ans avec des conseillers plus âgés. Je pense que le peuple algérien est bien conscient de cela vu la dernière expérience, c'est une revendication spontanée en ce moment», explique l'expert.
? universitaire
On se sent tellement frustrés par rapport à cette question que le background intellectuel est une condition impérative pour le futur Président. En effet, malheureusement, depuis l'indépendance de l'Algérie, nous n'avons eu aucun président universitaire. Pour le sociologue Ahcène Zerrouk, c'est aujourd'hui qu'il faut arrêter et revoir les choses : «Le monde a beaucoup changé, les relations extérieures sont très complexes, les défis économiques sont grands, il faut avoir le maximum du savoir pour être au diapason de la vie politique.
L'idéal pour ce poste est d'être pluridisciplinaire notamment dans les domaines suivants : Politique, économique, diplomatique et social.» Il est rejoint sur cet avis par le politologue Mourad Goumiri.
Pour ce dernier, jouir d'une formation universitaire et d'une pratique et d'une expérience politique est une évidence aujourd'hui, pour mettre fin à ceux qui ont dirigé le pays avec pour seul diplôme la «légitimité révolutionnaire». «Le monde a changé et sa complexité augmente de jour en jour, en même temps que les défis qui nous attendent. Il est donc obligatoire que le futur Président ait un bagage intellectuel minimum pour pouvoir prétendre à ce poste», ajoute-il.
? Algérien de sang et d'âme
Si le président est jeune et né après l'indépendance, il doit cependant impérativement, d'après le politologue Mourad Goumiri, être nourri des idéaux nationalistes développés durant la Guerre de Libération nationale et du condensé écrit dans le texte de la déclaration de Novembre et du Congrès de la Soumam. «En d'autres termes, il doit être issu d'une famille de patriotes et de nationalistes, voire de moudjahidine», souligne-t-il.
Et d'ajouter une vie sociale stable, ancrée dans l'Algérie profonde, urbaine ou rurale, et ayant traversé toutes les étapes d'une formation normalisée, ouverte sur le monde des sciences et des technologies modernes, et en même temps nourri des us et coutumes et des diversités culturelles de notre pays. C'est une nécessité absolue. Par ailleurs, selon le sociologue Ahcène Zerrouk, bien que la vie politique et associative soit très polluée dans notre pays, le futur Président doit en être connaisseur sans y être directement impliqué et ne doit pas être partisan dans une formation politique déterminée.
? charismatique et homme de caractère
Pour le psychologue et écrivain Mourad Touak, le Président dont rêvent les Algériens doit incarner les valeurs nationalistes d'un vrai patriote qui porte un amour inconditionnel envers son pays et prêt à tous les sacrifices. Il doit aussi jouir d'une bonne santé physique et mentale, et d'un très bon équilibre psychologique qui lui donnera une forte personnalité pour faire face aux critiques, à l'opposition, aux changements, notamment dans les situations de crise, et accepter la liberté d'opinion et d'expression.
En outre, Mourad Touak ajoute qu'il doit être charismatique, honnête, optimiste, crédible, doté d'un sens des responsabilités et d'un esprit d'équipe. «Il faut bien sûr qu'il soit modeste dans son comportement mais grand et pragmatique dans l'exercice de sa fonction», conclut-il.
? élu du peuple
Après la révolution que tiennent les Algériens depuis plusieurs semaines pour le changement et l'Etat de droit, l'accession du nouveau Président ne peut se réaliser que par la voie des urnes, en rupture avec la culture de la cooptation passée. Aussi, l'alternance au pouvoir (pas plus de deux mandats de cinq ans) doit être «inscrite définitivement dans la Constitution», affirme le docteur Goumiri.
De même, la construction des contre-pouvoirs doit être une préoccupation permanente de la classe politique, toutes tendances confondues. «La construction d'institutions nationales fortes (justice, Conseil constitutionnel, Parlement, Cour des comptes, Conseil national économique et social?) ainsi que la séparation des pouvoirs législatif, exécutif, judiciaire et monétaire doivent être les leviers permanent sur lesquels s'appuie l'Etat, en dehors de la fonction présidentielle qui doit être strictement circonscrite dans la cadre constitutionnel, sans possibilité d'amendements, sauf par voie référendaire», poursuit le politologue.
Pour sa part, le docteur en sociologie Ahcène Zerrouk explique que la vérité sur cette question qui se pose aujourd'hui est le fait que «nous avons une mauvaise expérience avec la démocratie. En 1991, où la maturité politique était très jeune, nous avons refusé la dictature mais nous avons mal assumé la démocratie et nous sommes tombés dans un choix politico-religieux».
L'expert assure toutefois que cette expérience ne nous empêche pas de réessayer pour donner une légitimité électorale au futur Président : «La jeunesse d'aujourd'hui est différente de celle des années 1990. La manière est là, mais son application me paraît très difficile dans les circonstances actuelles, les dernières 20 années ont détruit les mécanismes électorales, nous avons vécu une médiocrité politique sur tous les plans.»
? avec un programme
Vu le besoin de liberté, l'envie de changement et la situation économique et sociale actuelle du pays, le programme qu'apportera le prochain Président est important pour les Algériens, plus que toutes promesses antérieures. De l'avis du politologue Mourad Goumiri, ce programme doit être l'élément fondamental sur lequel le Président est élu, et il ne faut en aucun cas inverser l'ordre des choses.
Pour lui, la mise en ?uvre de ce programme peut faire l'objet de controverses, ce qui est l'attribut de l'opposition qui nous jouir de tous les moyens administratifs, humains, matériels et financiers, pour assurer et assumer son rôle légal. «Même si le Président est celui de tous les Algériens et qu'il est garant des libertés fondamentales inscrites dans le texte constitutionnel, il est clair qu'il est investi par une majorité et non par une unanimité, ce qui l'oblige à écouter les revendications populaires et à agir en conséquence, sinon la sanction politique s'appliquera sur lui aux prochaines élections», explique l'expert.
Le sociologue Ahcène Zerrouk n'est cependant pas de cet avis. Vu les circonstances actuelles, ce dernier ne sait pas si le futur Président a besoin d'un sérieux programme avant les élections : «Je suis persuadé que les algériens vont choisir la personne non pas son programme. Il doit être développé après les élections.» Et de poursuivre que la tâche du futur Président ne sera pas facile.
Le peuple ne va pas attendre longtemps, les caisses publiques sont en souffrance, les disparités régionales sont profondes, il faut un homme qui puisse faire l'équilibre entre ce que la jeunesse espère et les moyens de l'Etat, notamment les rêves des Algériens qui ne sont pas les mêmes sur tout le territoire national. «Pour ce qui est des libertés, la situation est très vulnérable en ce moment, la société algérienne a évolué mais il n'a pas changé, il faut savoir permettre aux gens de pratiquer leurs libertés», propose le sociologue.
Par ailleurs, pour le docteur Mourad Goumiri les changements les plus importants à mettre en oeuvre sans délais, sont les changements à opérer dans les habitudes et les pratiques héritées, durant les cinquante dernières années, en tout premier lieu. Mais ce ne sera pas facile selon lui, car on peut aisément changer les textes les plus ardus, redéployer les personnels même les plus sensibles, allouer des moyens matériels et financiers dans tous les domaines mais faire évoluer les mentalités s'avère être une entreprise très délicate et à haut risque mais surtout très lente, qui doit débuter à l'école primaire.
? on rêve d'une première dame
Les Algériens n'ont pas eu de Première Dame présente sur la scène depuis l'époque de Chadli. L'absence de la grande inconnue Amal Triki durant les vingt ans du règne Boutfelika a créé une sorte de frustration chez les Algériens.
Pour marquer le fond du changement, la présence d'une Première Dame est fortement souhaitée. Pour Mourad Goumiri, un Président marié et père de famille semble une condition sine qua non, pour qu'il puisse s'identifier au reste de la population. Cependant, le statut de son épouse, de sa famille, de sa belle-famille et de ses amis doit être strictement codifié, de manière à éviter les dérapages que nous avons vécu avec les anciens Présidents et pour éviter, autant que possible, les pouvoirs extraconstitutionnels tant décriés.
Ahcène Zerrouk, quant à lui, affirme que le statut de marié du Président est obligatoire certes, mais la dimension politique de ce mariage n'est pas vraiment importante dans notre société. Pour lui, «la société algérienne n'est pas encore prête à ce genre de situation, la vie politique sera forcément affecté par une première dame, dans une société n'a pas encore réglé ses problèmes avec les femmes».
qu'il sache gérer?
Pour le docteur en sociologie Ahcène Zerrouk, le Président doit être le coordinateur des institutions de l'Etat, avec un pouvoir d'intervention sans pression des hommes d'affaires et des militaires. Il développe : «Nous avons toujours eu un président avec un peuple, je crois qu'il est temps de passer à la logique d'un peuple avec un président. Un régime purement président n'est pas souhaité, revoir la constitution et donner au président moins de prérogatives, pour permettre l'apparition d'institutions non pas de personnes».
Il est rejoint sur cet avis le docteur Goumiri, qui explique que la gestion des affaires du pays, dans tous ses compartiments, ne peut être que collégiale, encore faut-il que le choix des équipes soit construit sur la compétence, les qualifications et l'expérience, c'est la tendance universelle dans tous les pays. «Maintenant, on parle d'équipe managériale et non pas de premier responsable, ce qui suppose une culture politique qui intègre la critique non pas comme un instrument de destruction, mais comme un moyen d'amélioration de la décision prise».
Et de poursuivre que la séparation de l'argent et de la politique est au c?ur du débat et doit être cernée par des textes clairs, de manière à introduire la totale transparence dans la gestion des deniers publics, mais également dans les transactions commerciales en Algérie et avec le reste du monde.
? et avancer avec l'économie»
En plus de la santé et l'éducation, l'économie et son avenir sont sans doute le secteur qui importent le plus les Algériens. Leurs espérances dans le nouveau gouverneur se concentrent en grande partie sur le développement et l'ajustement du secteur économique du pays. Selon l'expert économiste Souhil Meddah, le Président aura à sa charge la mise en route d'un plan de basculement à partir d'un modèle économique temporaire qui arrive à son terme pour avancer vers un autre beaucoup plus créateur et bâtisseur de nouvelles ressources et d'emplois très diversifiés.
La voie de cette démarche stratégique passera impérativement et en premier par la redéfinition de la politique budgétaire qui sera appelée à diminuer de ses capacités et de son rôle. Par ailleurs, le spécialiste souligne que la politique monétaire aussi sera appelée à faire des ajustements périodiques en asséchant graduellement l'espace public des quelques valeurs monétaires considérées comme toxiques et par périodes intermittentes.
Entretemps, le poids de la politique sociale de distribution et de redistribution des richesses doit être réajustée en fur et a mesure que les deux plans précédant avancent. Il est utile aussi de rappeler que le passage amorcé depuis deux décennies, pour aller vers le marché libre, doit se concrétiser par sa qualité de modèle libéral, effaçant avec lui le concept social démesuré qui existe à ce jour. «Le prochain président de la République doit aussi s'éloigner des décisions populistes hasardeuses au détriment d'une réalité économique concrète. Il aura à sa charge la gestion les affaires du pays et non pas sa popularité appuyée sur du populisme», conclut Souhil Meddah.


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