Algérie

Chemin de vie. Colonisation, libération nationale et luttes pour la démocratie de Madjid Benchikh Pour ne rien oublier



Publié le 15.07.2024 dans le Quotidien le soir d’Algérie
MERIEM GUEMACHE

Juriste de renommée internationale, Madjid Benchikh (87 ans) nous livre ses mémoires sous le titre Chemin de vie.
Ancien doyen de la Faculté de droit d’Alger, professeur associé de plusieurs universités d’Alger, fondateur et premier président de la section algérienne d’Amnesty International, il est l’auteur de plusieurs ouvrages et articles dans des revues scientifiques en Algérie et à l’étranger.
Madjid Benchikh a vu le jour le 17 octobre 1937 dans le village d’Ath Adella, au pied du Djurdjura, à 5 km de Aïn-El- Hammam (ex-Michelet). Dans la première partie de ses mémoires, il décrit le rude quotidien des villageois dans les années 1940. «A Michelet, le pain était rationné. Mon père m’envoyait souvent en chercher chez un commerçant avec une carte de rationnement (...) En guise de souliers, on chaussait des morceaux de peau de vache assouplie, dont les trous étaient rattachés avec des cordelettes.»
De 1945 à 1950, Madjid Benchikh est scolarisé à Michelet où il milite au sein des Scouts musulmans d’Algérie. «En secret, on nous apprenait surtout des chants nationalistes et quelques rudiments de l’histoire de notre pays.»
Madjid poursuit ses études secondaires au lycée de Boufarik jusqu’à la grève décidée par le FLN en mai 1956. Un an auparavant, il avait participé à des actes de sabotage sous la direction d’un groupe de l’ALN «... sabotage de la route nationale et des poteaux électriques. L’objectif était de retarder le passage des convois militaires et de perturber les communications.»
Après la grève, il reprend ses études au lycée de Maison-Carré, en novembre 1957. Madjid décroche son bac et enchaîne avec des études de droit à Constantine. Pour gagner sa vie, l’étudiant travaille comme maître d’internat, dans le lycée franco-musulman Laveran : «Je suis arrivé à Constantine en septembre 1959, au moment où les habitants ont déjà payé un lourd tribut à la guerre.»
En 1960, l’étudiant quitte la cité des Ponts suspendus pour poursuivre ses études de droit à l’université d’Alger. Par le fruit du hasard, il se trouve dans le quartier de Belcourt lors de la manifestation et de la fusillade du 11 décembre 1960 : «La fusillade de ce 11 décembre 1960 a été meurtrière. Les mitrailleuses étaient placées en surplomb de Laâqiba. Des cris de douleur et de détresse succèdent aux chants nationalistes et aux vivats en faveur de l’indépendance. Plusieurs personnes sont fauchées.»
Madjid Benchikh s’envole pour la France où il s’inscrit à la Faculté de Grenoble le 1er novembre 1961. Pour subvenir à ses besoins, il travaille comme maître d’internat au lycée technique de Viziville, à 15 km de Grenoble. Il active également comme responsable d’un groupe dans la section universitaire du FLN. «Mon arrivée à Grenoble a, de surcroît, coïncidé avec l’intensification des négociations entre le gouvernement français et le gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA). Nous étions nombreux au cours de nos réunions à souligner la nécessité de rester mobilisés dans la clandestinité...» L’étudiant est élu président des étudiants algériens à Grenoble au lendemain de l’indépendance. Il lance avec ses camarades une opération d’aide à la reconstruction de la Bibliothèque universitaire d’Alger incendiée par l’OAS.
Une action couronnée de succès puisque des cartons d’ouvrages sont acheminés vers la Fac centrale. «Deux ans plus tard, en rencontrant son directeur à Alger, ou je me suis installé depuis le 1er novembre 1964, j’ai eu la désagréable surprise d’apprendre, puis de constater par moi-même, que les livres étaient toujours dans leurs cartons», écrit-il.
De retour à Alger, en novembre 1964, après trois ans à Grenoble, Madjid Bencheikh occupe successivement les fonctions d’assistant à l’Ecole nationale d’administration, de conseiller juridique au ministère de l’Industrie et de l’Energie. Il raconte que sa relation avec Belaïd Abdesselam, alors ministre de l’Industrie et de l’Energie, était très tendue. «Il considérait Sonatrach comme ‘‘sa’’ création, ‘‘son enfant’’. Il était difficile dans ces conditions d’organiser une réflexion sur la construction de l’Etat, notamment de tutelle et l’administration financière et fiscale.» Madjid Benchikh évoque le caractère colérique du ministre et le mépris affiché envers ses collaborateurs. Il raconte comment, suite à une des humiliations dont il a fait les frais lors d’une réunion, il a remis sa démission. «J’étais outré, blessé. Je trouvais son comportement insupportable et, pour tout dire, indigne d’un ministre de la République.»
Madjid travaille ensuite comme assistant, maître de conférence et professeur à la Faculté de droit d’Alger, dont il a été président de la section de droit public, rédacteur en chef de la Revue algérienne de droit, doyen (1973-1976) et président du conseil scientifique (1981). Il a également été membre du Conseil national de la recherche scientifique et du Conseil national économique et social. Le riche parcours de l’éminent juriste ne s’arrête pas là : c’est lui qui a coordonné la création d’Amnesty International en Algérie et en a assuré la présidence en 1990. Professeur de droit en France, à partir de 1996, le juriste a coordonné la création du Comité international pour la paix et la démocratie en Algérie (Cipa). En décembre 1990, Madjid Benchikh a été élu, au premier tour, député de Aïn El Hammam.
Dans ses mémoires, le juriste raconte ses rencontres et ses échanges avec Hocine Aït Ahmed. Il livre également à ses lecteurs de nombreuses anecdotes croustillantes, comme celle du débarquement à l’improviste de Chérif Messaâdia à la Faculté de droit de Ben Aknoun, lors d’une grève d’étudiants...
Un chemin de vie et des souvenirs à découvrir absolument.
Meriem Guemache
Chemin de vie. Colonisation, libération nationale et luttes pour la démocratie. Mémoires. Madjid Benchikh. éditions Koukou. 2024. 334 p. 2 000 da




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