«Tu as beau laver
la rouille, elle ne deviendra pas blanche.» «Un bâton a toujours deux bouts.»
(Proverbes soufis)
Dans cette façon
rétrograde d'attribuer à une confrérie religieuse un rôle paradoxalement
avant-gardiste, il y a quelques interrogations qui méritent un sérieux débat,
où la psychanalyse autant que l'anthropologie sociale doivent être mises à contribution.
Un débat qui doit reprendre et surtout recentrer le rôle de l'Etat, dans un
processus de reconstruction d'une nation sortie d'une guerre de libération avec
ses conflits, ses clans, ses attributs, ses forces et ses faiblesses, ainsi que
ses zaouïas. Et ce n'est certainement pas une zaouïa aussi soutenue soit-elle,
aussi mobilisatrice de fonds et généreuse avec ceux qui la soutiennent d'une
manière ou d'une autre, qui va ouvrir ce débat. Faute de quoi peut s'installer
la confusion des rôles. Faute de quoi on peut être amené à manger dans les
toilettes et faire ses besoins dans la cuisine selon une formule chère à un
défunt ami qui savait de quoi il parlait, lui.
Il est vrai que l'Islam pose problème à
l'échelle planétaire particulièrement depuis que les courants djihadistes sont
passés à l'action violente, puisant de plus en plus de troupes dans les milieux
pauvres et dans l'exclusion sociale, la misère. Mais la solution est-elle dans
les grandes rencontres internationales, en se vantant de pouvoir rassembler des
milliers de personnes dans une ville sinistrée du point de vue des capacités
d'accueil et autres infrastructures. Il est vrai que l'on peut se placer
au-dessus des gueux et se positionner en donneur de leçon à leur triste
mendicité, mais comme disait un célèbre mort pour l'Algérie «si vous êtes
propres c'est grâce à nous, si nous sommes sales c'est à cause de vous». Aussi,
défendre une idée, une appartenance tribale ou même idéologique, loin du «
collage » à la question et en gardant la distance nécessaire qui permet de
faire les différences, est à l'honneur du défenseur, tant qu'elle ne met pas en
péril la chose défendue.
Mais dès que les échecs, nombreux d'ailleurs
et liés principalement à une mégalomanie naturelle et exaspérante commencent à
rejeter la faute sur cet Autre plutôt que sur son Soi, cela dénote d'un manque
d'honnêteté. Tout simplement. Même si l'on est en désaccord avec le HCI pour
différentes raisons, et elles sont nombreuses, il faut reconnaître que sa
position quant à l'ouvrage « scotché » du cheikh actuelle de la zaouïa
El-Alâwiyya qui a réussi son coup médiatique avec la représentation du Prophète
de l'Islam, est fondée du point de vue de l'interprétation sunnite. Et nous
sommes dans un pays à variante sunnite de l'Islam. Ou alors il faut ouvrir un
débat dans le débat. Sereinement et sans pression, ni tricherie. Quant à
attribuer à Bouteflika le savon passé au cheikh Bouamrane et qui reste à
vérifier, loin de l'approuver, il y a lieu de s'en offusquer. C'est comme on dit
un « cliché » de journaux. Et cheikh Bouamrane n'est pas n'importe qui. Par
ailleurs, en dehors de l'amitié dont peuvent se prétendre beaucoup de
nombreuses personnes concernant le Recteur de Mostaganem et en dehors des «
clichés » de journaux justement, qui a eu la curiosité d'aller chercher
quelques explications sur ce qui s'est passé ? Et d'abord que s'est-il passé au
point où le cheikh de cette zaouïa dite internationale aille raconter à qui
veut bien l'entendre que le Recteur n'a pas assisté à son colloque, ce qui est
complètement faux. Toute la direction de l'Université Ben Badis était présente
à l'ouverture du colloque et les doyens ont été placés au fond de la salle,
pendant que pour le Recteur on a tant bien que mal trouvé une place au premier
rang. Dans sa propre Université. Quel est le Recteur qui accepterait une telle
situation d'autant que dans le discours inaugural aucun mot de remerciement n'a
été prononcé à l'encontre de l'Université qui a abrité le colloque.
Le soufisme en VIP dont on veut parler
aujourd'hui se traduit par des actes de sagesse et de sérénité et non pas par
des attaques contres les enfants de ce pays qui assument leurs charges de la
manière la plus correcte et la plus honnête possible. Se tromper d'ennemi ou
d'ami peut parfois être cruel, pire, irréversible. On peut perdre une guerre,
une image, une notoriété, le sens des choses, du seul fait de cette erreur. On
peut se perdre par aveuglement ou par petits calculs qui voilent le chemin
restant à parcourir. Se tromper d'analyse au profit d'une implication à une
cause ou par simple intérêt invisible à la nudité de l'oeil peut se retourner
contre cette cause et les bénéfices attendus se traduisent inévitablement par
une perte. La perte de l'âme d'abord. Celle qu'aucun prix ne peut en donner la
valeur. Aussi faut-il rechercher la vérité dans une démarche pragmatique qui
consiste à « déconstruire », une masse d'informations, un phénomène pour en
étudier les fragments qui le composent un à un. Puis, une fois assuré qu'il ne
manque aucune pièce au puzzle et prenant appui sur sa seule conscience et son
honnêteté, on peut commencer le travail de recomposition. Honnêtement.
L'important c'est de revenir vers le rôle de l'institution et son importance
pour les grands équilibres sociaux. C'est de dire que même si les zaouïas font
partie de notre patrimoine culturel et spirituel, nous avons le devoir de les
associés à la compréhension de notre société mais n'oublions pas que c'est à
l'Université que revient la charge d'éclairer les zones d'ombre pour peu
qu'elles soient considérées comme des éclaireurs. L'argent et l'influence
peuvent s'évaporer, seul le travail de fond reste.
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Posté Le : 13/08/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ahmed Saifi Benziane
Source : www.lequotidien-oran.com