Algérie

Cheïkha Rimitti, l’inventeuse du raï



Cheïkha Rimitti, l’inventeuse du raï A l’occasion de la tenue des assises du treizième festival du Raï, il est normal, même naturel que l’une des grandes figures du Raï soit évoquée. Et qui peut contester le choix de la diva Cheïkha Rimitti. Son art «est joyeux comme le Funk et profond comme le Blues... Creuset de tous les espoirs et de toutes les mélancolies, la musique Raï tient beaucoup de l’âme de Cheïkha Rimitti...» Rimitti naît au début des années 20 dans la région oranaise en Algérie. Orpheline très tôt, elle mène une vie difficile et bientôt dissolue, traînant de quartiers en quartiers, dormant dans les hammams et frôlant parfois l’illégalité. A l’âge de 20 ans, elle se lie à une troupe de musiciens Hamdachis, avec qui elle partagera une vie de troubadours, chantant de cabaret en cabaret et dansant souvent jusqu’à l’épuisement. A cette époque, de terribles épidémies s’abattent sur le pays (Albert Camus l’a relaté dans son roman «La peste» ayant pour cadre Oran), et viennent accentuer le sordide déjà pesant du quotidien. Rimitti s’inspirera de ce spectacle de désolation pour improviser ses premiers vers et son répertoire sera en grande partie une évocation de ce vécu. «C’est le malheur qui m’a instruit, les chansons me trottent dans la tête et je les retiens de mémoire, pas besoin de papier ni de stylo». De cette époque, elle préfèrera néanmoins conserver les souvenirs de fêtes «...je participais aux fêtes en l’honneur des Saints, entre Relizane, Oran et Alger... Les festivités duraient une semaine et les gens venaient de toute l’Algérie. On invitait les plus grandes chanteuses, comme Oum Keltoum ou Cheïkha Fadéla la Grande... Moi en plus de chanter, je montais à cheval lors de la fantasia, avec un fusil dans chaque main et je tirais...» Son premier enregistrement date de 1952 quand Pathé Marconi sort un 78 tours comportant le fameux «Er-Raï Er-Raï», mais c’est en 1954 que Rimitti s’impose comme la référence absolue avec son titre «Charrak Gattà», où ses contemporains y voient une attaque en règle contre le tabou de la virginité («Il me broie, me bleuit/ il m’attise... / Il m’abreuve, je dis je pars et je passe la nuit/ malheur à moi qui ai pris de mauvaises habitudes...). Il faut rappeler que Rimitti a chanté dès les années 40, la difficulté d’être une femme et a introduit la notion de plaisir charnel. Mais son champ thématique ne s’arrête pas là. Elle a exploré toutes les formes de l’amour, célébré l’amitié, tenté d’expliquer les noyades dans l’alcool, déploré l’obligation d’émigrer et tancé les moralistes. Elle qui avait osé chanter une ode à l’Emir Abdelkader dans les cafés juifs, en pleine guerre de libération. Au lendemain de l’Indépendance, elle va subir les foudres de la censure de la pensée unique. Sa poésie lui vaut dans les années 60 l’excommunication... Elle a depuis composé plus de 200 chansons, constituant un véritable «répertoire réservoir» dans lequel se serviront allégrement ses successeurs (comme «La Camel», reprise et popularisée par Cheb Khaled...) Pour tous les musiciens de Raï, elle incarne une reine, «LA» grande dame vénérée par tous les chanteurs de la jeune génération qui voient en elle «la Mère du genre» (Rachid Taha lui dédie une chanson, «Rimitti»). Une véritable légende s’est ainsi tissée autour de cette femme qui hante l’imaginaire collectif du Maghreb depuis plus d’un demi-siècle, indique la voix à suivre et impose une nouvelle fois Rimitti, comme la diva du Raï.   R.C.


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