Novembre 1956-novembre 2006, il y a cinquante ans tombait au champ d’honneur le Cheikh Ziane Achour, à Oued Khalfoun, non loin de Djebel Thameur ou trouveront la mort trois années plus tard Amirouche et Haoues.
Le cheikh Ziane Achour a marqué de son empreinte une grande partie des régions sud du pays , notamment la région centrale des Hauts Plateaux ,les régions du Djebel Ammour , les monts des Ouled Nail , le Ziban , l’oued Righ , la région de Ouargla etc….
Partout dans ces régions, les vielles personnes se rappellent aujourd’hui encore de cette légende vivante que fut cet homme que le petit peuple a adoubé et se plaisait à designer sous le titre de « Cheikh » et à comparer à Omar Ibn El Khattab, le calife de l’Islam tant il faisait preuve de vertus de moralité, de justice et d’équité, un homme devenu au yeux de ces populations frustes « une sorte de marabout » (1)
Toutefois, les historiens lui ont consacré très peu d’écrits Son nom est parfois évoqué dans des écrits sur l’histoire des premières années de la guerre de libération nationale mais de manière très marginale et très confuse. Il est tantôt « chef FLN », tantôt « chef de bande indépendant », souvent « chef messaliste ». On parle également d’un courant « Zianiste », de « dissidence zianiste ».Certains acteurs témoins l’évoquent avec respect, tel Mohamed Djeraba, officier de l’ALN, responsable politique au lendemain de l’Indépendance pour lequel « Si Ziane est un héros “ostracise” et très peu connu » (2) . « Ostracisé » peut-être parfois délibérément mais souvent par une ignorance comme on le verra plus loin.
Les autorités officielles du pays semblent vouloir l’ignorer.
Pourtant, il semble qu’elles aient été obligées sous la pression populaire d’accepter de donner le nom de Ziane Achour au centre universitaire de Djelfa et à l’hôpital de la ville de Ouled Djellal dans la wilaya de Biskra.
Les moudjahidines de la wilaya de Djelfa et ceux de la wilaya de Biskra lui rendent à chaque occasion hommage par des cérémonies de recueillement ou des publications commémoratives.
Mais qui est donc Ziane Achour ?
Qui est donc Ziane Achour ?
Ziane ACHOUR est ne en 1919 dans la petite localité d’El Bayadh, dans l’actuelle commune des Ouled Harkat de la wilaya de Biskra. Il est façonné dans les traditions conservatrices arabo-islamiques de cette région de l’Algérie profonde. Il poursuivit donc sa première éducation à la zaouïa de Ben Remila à El Goussiaat puis à Ain El Melh dans l’actuelle wilaya de M’sila ou il assimila, à quinze ans, le Coran et enfin à la célèbre zaouïa de Cheikh El Mokhtar à Ouled Djellal.
Des la fin de ses études et juste avant la deuxième guerre mondiale, il est appelé a effectuer son service militaire dans les rangs de l’armée française. Il resta mobilisé durant toute la deuxième guerre mondiale et ne sera démobilisé qu’en 1944.
En 1945, marqué par les événements de Setif, Guelma et Kherrata, il s’engage dans le combat politique dans les rangs du PPA, puis dans le MTLD au sein duquel, il assure les fonctions de responsable de la propagande et de l’information dans la région de Ouled Djellal.
Il est à maintes reprises arrêté par la police coloniale.
Une pièce d’archives conservée aux archives de la wilaya de Constantine, pièce datée du 23 avril 1945 atteste que « le secrétaire régional de Tébessa demande au SG de la section de Ain Beida d’envoyer un télégramme aux ministre de l’Intérieur, au GG et au commandants du territoire militaire de Touggourt dans les termes suivants : « Protestons contre violation local des Amis du Manifeste d’Ouled-Djellal, par autorité locale stop contre arrestation membres et dirigeants section Ouled-Djellal et Sidi Khaled stop contre intimidation population affamée par force armée… » (3)
Il ouvre alors une épicerie puis un café maure à Ouled Djellal, « le Café de la jeunesse », couverture pour ses activités politiques. « Le café de la jeunesse devint en réalité le siège du parti et un centre ou les jeunes nationalistes de la région de Ouled Djellal recevaient une formation politiques et étaient informés des directives du parti.
Ziane Achour est alors plusieurs fois arrêté, notamment suite aux élections Naegelen du 4 avril 1948. Son café fut fermé et il lui fut interdit toute activité politique mais également toute activité commerciale.
Il fut donc contraint d’émigrer en France pour travailler. Il s’installa alors dans la ville de Lyon ou il continua de militer de militer parmi l’importante colonie d’Algériens de cette ville. (4)
En 1952, et sur instruction du parti MTLD, il participa à une manifestation nationaliste dans laquelle il fut choisi pour être le porte-drapeau. Des témoins attestent qu’en dépit des tentatives de la police française, le militant Ziane Achour guida la manifestation jusqu’au siège de la préfecture de Lyon. (5)
De retour au pays en 1952, il est aussitôt arrêté par la police française. Est-ce suite à l’affaire de l’OS ? En tous les cas, il ne put participer au congrès du MTLD d’avril 1953, congres où vont apparaître les divergences encore sourdes entre messalistes et centralistes.
Il fut de ceux qui répondirent les premiers à l’appel du 1er novembre. « Ziane ne prit pas le maquis en 1954. Il resta en ville pour pourvoir son adjoint Amor Driss en hommes et en moyens. Ayant été arrêté maintes fois par la police coloniale, ses antécédents politiques lui valurent une nouvelle arrestation au début de novembre 1854 ». Il est alors emprisonné à la prison d’El Koudia à Constantine. C’est là que Ben Boulaid le retrouvera lorsqu’il est arrêté, lui aussi, en février 1955. Se sont-ils rencontré à la prison d’El Koudia ? Très probablement. Toutefois Ziane Achour, « relaxé après quelques mois de détention, Ziane rejoignit ses hommes en octobre 1955 » (CHAID Hammoud : sans haine ni passion)
Le « Sahara » dans le découpage FLN à la veille du 1er Novembre :
Pour les activistes du FLN, à la veille du 1er novembre, le « Sahara » ou le « Sud » était une entité géographique encore mal définie indistincte, et ils restèrent indécis à son érection en tant que zone et au chef auquel on devait la confier. Les choses deviendront plus claires lors des congres de la Soummam, apres les découvertes de pétrole. Pour l’heure en 1954 ,l’Algérie est divisée en six zones : l’Algérois avec Bitat, l’Oranie avec Ben Mhidi, la Kabylie avec Krim Belkacem, le Nord Constantinois avec Didouche Mourad, les Aurès avec Ben Boulaid.. Quand au « Sahara », il posait problème. Selon Harbi il « devait être plus tard érigé en zone et confié à l’adjudant Slimane, fils du cadi de Colomb-Béchar ». (6)
Pour Henri Alleg avec les 5 zones, « une zone 6 est prévue. Elle n’est pas encore organisée bien que Didouche, qui dans un premier temps, avait la charge de l’Algérois, avant sa permutation avec Bitat, ait délégué l’un des chefs de groupe d’Alger, Kaci Mokhtar, pour assurer la direction d’un stage de formation à Bechar ». (7).
« Cependant » atteste le commandant Omar Sakhri, « la Direction de la wilaya 1(Aurès) et particulièrement Ben Boulaid avait manifesté un grand intérêt pour cette région. Il y a eut des groupes qui ont commencé à prospecter la zone à travers trois axes principaux : l’Atlas, le Sud-Atlas et El-Oued ». Ben Boulaid « avait chargé au début de l’année 1956 si Ziane Achour de la responsabilité de la zone du sud qui se situait en dehors de la wilaya I et notamment la région ou se trouvaient les troupes qui étaient dirigées par Amor Driss , lui-même parti des Aurès » (8). Ce que confirme Hadj Mohamed Semmache, ancien officier de la wilaya 5 (9)
Ziane Achour dans la guerre de libération
En raison de sa vaste culture arabo-musulmane, de sa sagesse et de son activisme dans le mouvement national dans les régions sud, Ziane Achour bénéficiait d’un grand prestige auprès des populations des régions sahariennes allant de Biskra jusque dans les monts des Ksours et de Ouargla au sud jusque dans les régions au nord de Djelfa.
Dans cette région, Ziane Achour recruta des combattants, organisa les population en cellules politico-militaires, en collecta des armes, etc.
Libéré en août 1955, il renoue aussitôt les contacts avec certains responsables de la revolution au nord , notammant avec Ben Boulaid et Ouamrane .
Rencontre Ziane Achour -Ouamrane
Dès 1955, Abdelkader Delaoui, intégrait l'Organisation politique et administrative (OPA) de Palestro (Lakhdaria). Avec Mohamed Badredine pendu plus tard à Dar Echioukh en 1958 et Amrane, il recrutait pour le maquis naissant du Bouzegza. Il appelait de tous ses voeux, l'ouverture d'un front au Sud. Il assistait au marché hebdomadaire de Bou-Saada, au premier contact entre Ouamrane et Ziane. Ce dernier de taille démesurée, donnait cette caractéristique, comme signe d'identification. Ces hommes de l'ombre ne se connaissaient pas encore.
En décembre 1955, il apprenait que le premier maquis est né à Lougsiat. Le groupe commandé par Achour Ziane comprenait 22 éléments. Il constituait le premier noyau de la future Wilaya VI. Ziane premier chef zonal, le chargeait de la jonction des Houamed pour le ralliement à la nouvelle cause. La première réunion se tenait à Aïn Melh, un jour de marché. Cette stratégie de jour de marché, trompait la vigilance de la gendarmerie.
En fait Ziane Achour reanimait les cellules qu’il avait mises sur pied dans le djebel Boukahil et pour Alleg , « des octobre de la même année, (1955) il est à la tête d’un groupe de près de 1000 hommes »(14)…
A la méme epoque , Ben Boulaid lui adjoint un des plus prestigieux heros decla revolution Amor Driss.
Il devient alors pour l’ensemble de ses compagnons « Cheikh Ziane » ». . Il tissa alors sur toute la bande de l’atlas saharien de la région d’Ouled Djellal et jusqu’au mont des ksours aux portes de la frontière marocaine une véritable toile d’araignée de cellules armées. Le commandant Sakhri assure que « l’organisation mise en place par Ziane atteignit la wilaya V (Mont des Amour et Aflou) » Son charisme et sa grande culture lui attireront les allégeances d’hommes prestigieux de cette région tels que le légendaire Bouchrit, les frères belhadi et d’autres encore considérés comme « indépendants » du FLN comme du MNA. C’est les débris de cette infrastructure que ranimera plus tard, le colonel Haoues devenu chef de la wilaya 6 après le désastre du commandement de Si Cherif.
Des temoignages attestent qu’il y eut des 1955 des contacts entre Ouamrane et Ziane Achour au marché de Bou-Saada
Mais entre temps, et en l’absence de Ben Boulaid incarcéré à Constantine, la zone des Aures connaît une crise des plus grave.
La crise de la Wilaya 1 en 1955-1956
Dans le massif des Aures, la personnalité charismatique, la sagesse et l’autorité de Ben Boulaid avait largement contribué à unifier la lutte et à apaiser les tensions traditionnelles entre les tribus auresiennes isolées du monde. Aussi son arrestation en février 1955 en Tunisie, son incarcération à Constantine d’où il s’évadera février 1956 entraîna une grave crise dans la wilaya 1 durant laquelle les rivalités entre les différents chefs s’exacerbèrent.
Le commandant auquel il avait confie l’intérim de la direction de la wilaya ,Chihani Bechir, fut exécuté en octobre 55 alors que Ben Boulaid était en prison.
Des qu’il rejoint les Aures après son évasion, Ben Boulaid tente de remettre de l’ordre dans sa wilaya. Des témoignages attestent qu’en Mars 56, Ben Boulaid convia pour une réunion au djebel Lazreg , à Tafrent, Cheikh Ziane et El Haoues (15). C’est probablement à cette occasion que Ben Boulaid confia la responsabilité de la zone 6 à Ziane Achour (16). Mais quelques temps après , le 27 Mars 1956 , Ben Boulaid trouve la mort, victime d' un colis piège parachute sur son maquis par le Deuxième Bureau français, selon de nombreux auteurs français et algériens.
« La wilaya reste donc aux mains des chefs de guerre sans coordination entre eux » (17) et Ziane Achour dans le Boukahil et El Haoues dans la région de Ouled Djellal livrés à eux même. Le cheikh Ziane ordonna toutefois une grande offensive contre les forces coloniales et les intérêts économiques de la France dans le djebel Amour, les monts des Ouled Nail et le Ziban.
Offensive générale et menaces sur les intérêts pétroliers
De Biskra à Laghouat et jusque dans la région d’El Bayadh, des groupes de moudjahiddines fidèles à Cheikh Ziane menèrent de grandes offensives contre les forces coloniales. En Avril 1956, Cheikh Ziane Achour dirigea une attaque contre des unités militaires françaises à Gaigaa. La bataille dura deux jours et les Français employèrent toute la panoplie de leurs armes. En mai 1956 , une attaque du camps militaire de Ain Rich permit aux moudjahiddines de récupérer une cinquantaine d’armes de guerre, le même mois on enregistra la bataille de Djebel Boukahil au cours de laquelle des avions furent abattus , l’ attaque du camps de Amoura etc.…
Dans la région de Sidi Khaled, Hassi Messaoud et Hassi el Hamra les attaques des maquisards de El Haoues entravent l’avancement des forages de la SN Repal (18)
L’explosion enregistrée en juillet 1956 au puit d'Hassi Messaoud n’est pas probablement pas le fait d’une bulle de gaz mais bien un sabotage.
L’armée française renforce et réorganise ses unités .Le Commandant Pouget un officier à la réputation établie est affecté à la tête du 228° BI, à Bordj de l'Agha au sud de Bou-Saada. Ce bataillon de rappelés, repris en main et remanié devient une unité opérationnelle efficace. Le film, « R.A.S. » s'inspirera des actions des faits guerriers de ce bataillon. (19)
L’action des unités zianistes ne s’arrête pas pour autant. Le 9 novembre 1956, à Laghouat, la centrale électrique est sabotée causant 9 morts et 500 millions de dégâts.
« La situation est jugée assez grave pour que l’état-major d’Alger crée à Laghouat un groupement particulier, le « Commandement Opérationnel du Sud Algérois (20)
Mise en place du COSA
Inquiets de la recrudescence des actions armées des moujahidines dans ces régions du sud, les autorités françaises mettent sur pied un « Commandement Opérationnel du Sud Algérois », le (COSA) chargé d’éradiquer ces maquis sahariens. Le Colonel Joseph Katz est, en août 1956, nommé à Bou Saada, adjoint au colonel commandant le COSA avant de devenir en octobre 1956, le patron du COSA. Son commandement s’étend sur toute la région embrasée par les unités zianistes et principalement le « secteur autonome de Laghouat-Ghardaïa, entre les zones Est- et Ouest-Sahara. ». Doté de moyens matériels considérables, il tente d’organiser l’élimination des unités de cheikh Ziane .en Vain. La tache est considérable et difficile. Il gagnera toutefois dans ces faits de guerre trois citations et la cravate de commandeur de la Légion d’Honneur. . (21)
L’intrusion de Bellounis
C’est durant l’année 1956 que Bellounis fit son intrusion dans a région Sur les relations entre cheikh Ziane Achour et Bellounis jusqu’à la mort du premier en Octobre 1956, le témoignage le plus cohérent et le plus crédible est probablement celui du commandement Sakhri Omar , un des officiers supérieurs de la wilaya 6: « Pourchassé (de la Kabylie, bellounis finit par s’établir enfin dans la région de Sidi Aissa (…) Il entre en contact avec Ziane Achour (dont ) il sollicite un soutien en armes et nourritures. Sur avis de Si Haoues, Ziane lui accorda un approvisionnement en produit alimentaire et lui fixa un territoire. Mais le comportement de ses hommes envers les habitants de la région et après de nombreuses plaintes, Si Ziane confia à Amor Driss la mission de pourchasser Bello unis et ses hommes au-delà des limites de la région. Et c’est à partir de là que débuta l’aventure de Bellounis le traître… » (22)
Il faut noter que pratiquement jusqu’au printemps 56, les relations entre Messali et certains activistes n‘ont jamais été coupés. « Le MNA cherche à s’intégrer le FLN. Si les dirigeants du FLN au Caire sont très clairs dans leur refus de suivre Messali, ceux d’Alger louvoient pour gagner du temps, tout en renforçant leurs positions. Le MNA prend contact avec Krim, lui remet une forte somme d‘argent et l’invite à mener la lutte sous la bannière de Messali. ». (23)
Mais des Avril 56, le FLN entreprend de chasser de la Kabylie ou il avait crée un maquis MNA, entre Palestro et Bouira, les unités de Bellounis. C’est pour cette raison que les congressistes de la Soummam décidèrent de l’envoi d’une commission d’enquête dans l’Aures et dans les régions sahariennes voisines. La commission devait probablement « tenté de récupérer » les maquis deux prestigieux chefs de maquis « jugés indépendants » et les empêcher de tomber dans l’escarcelle du messalisme.
Le congrès de la Soummam et Ziane Achour.
Le Congres de la Soummam se réunit en août 1956.Probablement inquiets de la situation confuse dans le commandement de la zone des Aures mais également de la contamination des maquis du sud par le MNA, les congressistes de la Soummam prennent deux grandes décisions en ce qui concerne la zone 1 des Aures et la zone 6 des régions sahariennes voisines.
1. « Le congres prit l’initiative de replacer Achour Ziane par Ali Mellah à la tête de la région sud »
2. l’envoi d’une commission d’enquête dans la région des Aures, commission devant « apporter une solution à la question du sud des Aures. Car dans la partie saharienne de la wilaya 1, Si Haoues fait alors cavalier seul, tandis que dans la région de Djelfa, Messaad, Ain Rich, l’organisation de Achour Ziane est indépendante du Front et que le MNA cherche à y établir son influence » (24). La mission d’enquête était composée de Ouamrane, Si Cherif et Amirouche.
La mission de contrôle dépêchée par le congres de la Soummam se scinda apparemment en deux : une mission dirigée par Amirouche se rendit dans les Aures et une autre colonne sous les ordres de Si Cherif, nommé chef de la nouvelle wilaya 6 chargé de mettre en place les structures politico-militaires de cette wilaya.
Contact Ziane Achour – Colonel Ali Mellah
Selon le témoignage de CHAID Hammoud , « N’ayant pas pris part
Au congrès de la Soummam, Ziane contesta certaines des décisions qui y furent prises. Son prétexte était de n’avoir pas été consulté au préalable. Depuis lors, il fit cause à part. La contestation de Ziane visait essentiellement la nomination du colonel Si Cherif à la tête de la wilaya 6, car cette dernière englobait organiquement toute la partie Sud. »
En fait, Cheikh Ziane considérait à juste titre « que les problèmes du Sud étant différents de ceux du nord, cette région était la mieux placée pour dégager des éléments compétents, rompus à la vie dans la région et capables de mener la lutte armée, sans avoir aux gens du Nord pour les diriger. »L’évolution que connut par la suite la wilaya 6, lui donneront malheureusement raison.
« En gardant toutefois un élan révolutionnaire » ( ) Cheikh Ziane Achour tenta de renouer le contact avec les nouveaux responsables dépecés par le congrès de la Soumam.
Des témoignages attestent qu’en novembre 1956, Cheikh Ziane s’apprêtait, à une rencontre avec Amirouche et El Haoues à Oued Khalfoun, non loin de Djebel Thameur ou trouveront la mort trois années plus tard les deux colonels légendaires. (25)
Chaid Hammoud confirme que des contacts furent également établis entre Le colonel Ali Mellah et Ziane Achour « par l’intermédiaire de quelques commerçants et notables des deux villes de Ksar El Boukhari et Laghouat. La Correspondance entre les deux hommes fut assuré ensuite par des agents de liaison militaires via le maquis ». Deux de ces agents de liaison serait toujours en vie : Mohamed Zeroual dit Lemtarouech, entrepreneur à Ain Oussera et Ali Bachir dit Saddek, retraité vivant à Had Essahari. »
La mort de Cheikh Ziane Achour, le 7 novembre 1956
Mais le 7 novembre 1956, Cheikh Ziane trouve la mort dans un volent accrochage avec les militaires français à Oued Khalfoun, non loin de Djebel Thameur.
L’organisation politico-militaire qu’il avait tissée dans la vaste région de l’Atlas saharien et dans le grand Sud, s’effilocha. Elle était faite de « nombreuses petites armées , chacune avec son propre caractère et son propre chef ne pouvant être contrôlées que par un véritable meneur d’homme , ce qui fut le cas de Ziane ( …) la région connut une crise d’autorité. Les différents chefs de file militaires faillirent se disperser et faire chacun cause à part.
Heureusement « Amor Driss( …) réussit à reprendre en main une situation des plus précaires » et fidèle à la mémoire de Cheikh Ziane, il continua un échange de correspondance ave le colonel Mellah mais préféra rallier , avec ses hommes, la wilaya 5 . Il rencontra le futur colonel Lotfi avec lequel, il se rend auprès de Boussouf. A Oujda, au PC de la wilaya 5, avec « sa sincérité, son franc-parler et son courage légendaire qui n’a d’égal que sa fidélité à ses amis », Amor Driss a « tenu tête aux colonels Lotfi et Boussouf » défendant « bec et ongles cheïkh Ziane, injustement accusé d’intelligence avec Bellounis ? »
Les missions Amirouche et Colonel Mellah
Amirouche ne put donc rencontrer que Si ElHaoues qu’il avait déjà connu lors de son séjour en France. Très politique, le baroudeur de la wilaya 3 eut la sagesse de cautionner, le futur colonel de la wilaya 6, lui évitant peut-être d’être éliminé. « Devant des unités des Wilayas I, III et VI, Amirouche présente son ami El Houès comme un authentique responsable du FLN et de l’ALN et qui demandait aux présents de ne plus l’appeler El Quaïd El Haouès, mais le colonel Haouès, chef de la Wilaya VI ; c’était vers décembre 1956-janvier 1957. » (26). Est-ce à dire que le colonel désignait El Haoues chef de Wilaya ?et dans ce cas ne s’agirait-il pas de la wilaya 6 ?
Quand au colonel parachuté » (27) Ali Mellah dit Si Cherif , fin décembre 1956, il « réunit le gros de son effectif et l'envoya au Sud pour y installer les structures ALN et réduire le domaine MNA. Cette expédition, qui eut lieu, se fit avec trois compagnies composées au total de 375 hommes. L'état-major qui commandait ce bataillon était composé du commandant Abderrahmane Djouadi, du capitaine dit "Rouget", du lieutenant Chérif Bensaïdi ». (28). Ce bataillon ne put aller plus loin que Sour El-Ghozlane (zone I), et Ksar El-Boukhari (zone Il)..
La population de ces régions rurales au nationalisme primaire, empreint de valeurs traditionnelles et au niveau de conscience politique modeste fait bon accueil au colonel Ali Mellah et à ses compagnons. Mais « Ali Mellah laissa le capitaine Amor dit « Rouget » (le Rouquin) et la plupart des ses subordonnes… se conduire dans le Sud-Algerois comme des soudards en terrain conquis… Ils rançonnaient les habitants, ils exécutaient les gens rétifs à leur autorité, ils éliminaient les lettrés traditionnels locaux, pratiquaient le droit de cuissage, procédaient à des mariages abusifs dotés sur les finances de la wilaya. » (29) Ces faits sont confirmés par un acteur témoin, le lieutenant Hamoud Chaid qui atteste que beaucoup de cadres et de djounoud affectés à la nouvelle wilaya 6 se comportèrent comme en terre conquise à l’égard d'une « population fortement attachée aux principes de l'Islam, à cheval sur les traditions et la morale. Deux ou trois responsables eurent un comportement féodal et s’embourbèrent dans des problèmes de moeurs, d’exécutions et de punitions arbitraires, créant ainsi une sorte de malaise. Le colonel Si Cherif fit preuve de manque de fermeté ». (30) « Le résultat fut une levée de boucliers de la population et des junud du cru » (31).
Le lieutenant Cherif Bensaidi qui craignait d’être sanctionné pour désobéissance (32) prit prétexte de ces dépassements graves et se mit à la tête d’un mouvement de dissidence .Il assassina, le 31 mars 1957, le colonel Ali Mellah dans la région de Derrag, ex-Letourneau au sud de Médéa dans la wilaya IV !
La « dissidence Zianiste »
Est-il donc juste de parler de « dissidence zianiste » comme le fait Meynier ? « Dans le Sud », écrit-il, « le FLN eut affaire à la dissidence zianiste et à la rébellion contre les contingents dépêchés de la 3 pour remettre de l’ordre dans la 6 » (35). Si « dissidence » signifie bien : « état d’une personne ou d’un groupe qui refuse de se soumettre à une autorité établie » apparemment Cheikh Ziane Achour n’a jamais, comme on vient de le voir, de 1954 à sa mort en novembre 1956, refusé l’autorité du FLN. Au contraire. Quand à la rébellion contre les contingents de la 3 , nous avons vu qu’elle fut le fait de Cherif Bensaidi, le propre lieutenant du colonel Ali Mellah et cette rebellions s’est produite en grande partie en wilaya 4 !
La rigueur historique comme les respect du aux combattants comme Cheikh Ziane, Amor Driss, El Haoues ou Amirouche imposent de dénoncer cet amalgame dans les faits et dans les mots.
D’autant plus que d’autres, historiens, emboîtant le pas à Meynier vont plus loin encore dans une confusion involontairement attentatoire à la mémoire du chahid Ziane Achour: « Si Ziane (de son vrai nom Achour) était également un chef révolutionnaire influent auprès des tribus et de ce fait, il ne semblait pas disposé à renoncer au leadership. C’est dans ce contexte que Ali Mellah (Si Chérif) et son adjoint Amar (Rouget) auraient été abattus par des zianistes commandés par un certain Si Chérif (homonyme du premier) en 1957 »(36)
D’autres encore méconnaissant probablement totalement le personnage de Ziane Achour ,font de lui deux personnes distinctes Ziane et Achour !(37) a moins qu’il ne s’agisse d’une coquille dans le texte !
En guise de conclusion ;
Dans son édition du , le quotidien El Watan rapporte que « A El Bayadh, village natal de cheikh Ziane, chef incontesté de la zone sud qui deviendra par la suite la Wilaya VI historique, la population estimée à 3000 âmes a refusé d’inscrire les 80 collégiens de la bourgade au CEM de la commune « voisine » de Besbès, distante de... 90 km de piste et disposant pourtant d’un internat, comme elle a refusé aussi de les envoyer étudier dans le CEM de Aïn Alleugue dans la daïra de Aïn El Melh située dans la wilaya de... M’sila, et distante seulement d’une quinzaine de kilomètres de piste également. La population confinée dans ce coin perdu de l’Algérie profonde en a ras-le -bol des pistes… (38)
Ces enfants auxquels l’indépendance n’a pas encore apporté l’école n’écriront pas l’histoire de Cheikh Ziane…
Posté Le : 12/05/2009
Posté par : hichem
Ecrit par : HANI Abdelkader, Université de Sidi Bel Abbés
Source : www.ouleddjellal.com