Kaddour Benachour (1850-1938) est, par sa réputation d’apôtre du soufisme, entré dans la légende. Son tombeau à Nédroma sa ville natale est devenu un lieu de recueillement pour les habitants et les fidèles qui ont adopté la voie (tariqa) qu’il a tracée par son enseignement dans la recherche de la Vérité de Dieu, où se tiennent des "madjmaa" ou séances d’audition spirituelle.
Ce soufi maghrébin du vingtième siècle a eu une vie très riche parfois même déroutante et mystérieuse. En dehors de sa très forte production poétique se rapportant à l’amour divin ce mystique était également connu par l’intensité de sa vie ascétique enfin, ses mérites (manakib). La publication, il y a trois années, par M. Mohmed Bénamar Zerhouni de l’oeuvre poétique inédite de ce saint-savant mystique a été d’une contribution à l’étude des doctrines mystiques musulmanes et de leur évolution historique dans le Maghreb sans parler de l’intérêt que présentent les textes d’arabe populaire maghrébin pour les linguistes. Un recensement établit à près de 500 le nombre de "qacida" du recueil (diwan) de poèmes mystiques de ce savant-saint contemporain. Il est à noter que le Maghreb a connu de son passé un grand mouvement de pensée soufie avec Sidi Abou Madyan Choaib, Mahieddine Ibn Arabi au Moyen-Age arabe et plus proche de nous encore l’Emir Abdelkader qui ont légué un trésor de littérature d’essence spirituelle.
Ce Charif Hassani Zerhouni, Idrissi de descendance était, dit-on, illettré avant de recevoir "l’illumination". Dans son autobiographie il fait remarquer que les poèmes de sa production sont le fruit d’une inspiration du moment. A l’exemple d’autres soufis notamment Cheïkh Mohamed Ben M’saib (18e siècle), Sidi Kaddour Benachour était lui aussi musicien. Il dirigeait un orchestre et chantait les poèmes de son inspiration. La poésie de cet autodidacte inspiré, remplit ses fonctions dans les deux thèmes qui sont : l’amour divin et la satire dirigée contre les mauvaises moeurs ou actions pour une purification intérieure de l’initié dans la voie (tariqa). Le répertoire des chansons de ce savant mystique a fait le bonheur et la réputation des grands interprètes-musiciens comme le défunt Cheïkh Salah Benchaabane, Driss Rahal, Ghenim Mohamed dit Nekkache, Cheïkh Ramdani, Ahmed Hassouna, Cheïkh Mohamed Ghaffour aujourd’hui fidèle adepte de la zaouia derquaouia-achouriya et d’autres encore comme Hadj M’hamed El Anka.
Parmi les chansons les plus connues du répertoire de ce poète mystique nous citerons : Ya ahla Allah (ghoutia), Ya layam, rabiia (printanière-), Saâdi rit el barah, Ya oualfi Mériem, Man lam dra aachki... Dans ces chansons, le sens mystique est souvent dissimulé sous l’apparence du langage amoureux ou bacchique. Dans ces poèmes, ce soufi contemporain s’exprime d’une manière lyrique dans un style imagé plein de métaphores et de symboles qui leur confère un caractère ésotérique. Cheïkh Kaddour Benachour qui a longtemps séjourné à Tlemcen a laissé pour disciple continuateur de la voie achouriya, Cheïkh Benaouda Mamcha (1888-1983), cousin et époux de la soeur de Messali Hadj. A Tlemcen, comme à Nédroma, la zaouia achouriya compte de nombreux adeptes avec des réunions quotidiennes consacrées aux prières et à la méditation. A Tlemcen, cette zaouia participe avec beaucoup de solennité à la célébration des fêtes religieuses. Il en est de même pour les autres tariqa existantes dans la vieille cité zianide, à savoir les zaouias de l’ordre des derqawiya de Cheïkh Hadj Mohamed Benyellès, hibriya de Cheïkh Belkaïd et alaouïa du Cheïkh Mohamed Benalioua. Ces foyers religieux ont joué un rôle très important dans l’apprentissage du livre sacré, le Coran mais aussi dans la transmission des vieilles traditions d’éducation religieuse. Ces zaouias ont chacune également leur "medjmaa" ou séances hebdomadaires, généralement le vendredi, réservées aux femmes. Dans ces séances, le temps est souvent partagé entre les sermons éducatifs où il est question de la vie du Prophète (Sira) et le chant religieux (samaa ou samii). Jusqu’en 1947 se rappellent encore certains vieux adeptes de ces rencontres qui regroupaient de centaines d’adeptes de Zaouia provenant de différentes villes du Maghreb à El Eubbad où est enterré Abou Madyan Choaïb (13e siècle) dont la plupart des zaouias de l’Occident musulman remontent leurs chaînes initiatiques. C’est l’occasion de veillées interminables avec au menu la lecture du Saint Livre, le Coran et le chant mystique dit "samaa". Les meilleures voix rivalisaient la nuit durant dans ce chant qui a pour but de sensibiliser le mouride (l’aspirant) à la vie soufie basée, comme on le sait, sur la piété et les valeurs de repentir, d’humilité, de crainte, d’espérance. La zaouia achouriya de Nédroma a connu ces dernières années un regain de vie avec Cheïkh Kheddam et aussi Cheïkh Mohamed Ghaffour qui a préféré "se détacher de ce monde pour se consacrer à Dieu" après une carrière musicale plutôt riche. Il est à rappeler que la célébration du 56e anniversaire de la mort de Cheïkh Kaddour Benachour a été vécue comme un grand moment culturel par la ville de Nédroma.
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Posté Le : 28/01/2008
Posté par : hichem
Ecrit par : El-Hassar Benali
Source : Elmoudjahid