Algérie

Cheïkh Ben Ahmed Al Hachem, l'enfant prodige de Sebdah



Cheïkh Ben Ahmed Al Hachem, l'enfant prodige de Sebdah
Photo : Cheïkh Ben Ahmed Al-Hachem avec René Guenon


Tlemcen :

Cheikh Ben Ahmed Al-Hachem (1881-1961), premier libraire de Tlemcen, auteur du “Commentaire de l'échiquier des gnostiques d'Ibn Arabi”(*)


Cheikh Sidi Mohammed Ben Ahmed Al-Hachem Abou Abderrahame Tilimsâni naquit un 17 septembre 1881 à Subda(un nom toponymique qu'il mentionna dans sa biographie et qui signifie perce-neige) correspondant à la dénomination coloniale actuelle de Sebdou, où son père exerçait les fonctions de juge (qâdi) à côté de ses occupations agricoles(Si Mohamed Baghli, chercheur en legs universel milite inlassablement, faut-il le souligner, pour la réhabilitation du nom authentique).A 15 ans, il gagna Tlemcen avec sa famille, où il exerça comme ouvrier agricole et artisan tailleur avant d'ouvrir à El Medress au bout de la rue Kaldoun une boutique d'épicier droguiste qui va devenir surtout une librairie de livres neufs et d'occasion. Il s'est adonné depuis son plus jeune âge à l'étude de la théologie et il est devenu en soufisme le disciple d'un maître affilié à l'ordre des Shâdhiliyya Darqâwâ. Il suivit les cours de grands maîtres de l'époque, notamment à la mosquée du Palmier (an-Nakhla) de la Souiqa auprès du Cheikh Abdelkader Doukkali. C'est à Tlemcen qu'il reçut, à l'âge de 18 ans, le pacte (Ahd) d'initiation à la Tariqa Darqawiya (Chadouliya) des mains de Cheikh Mohammed Ben Yelles Tilimsâni, auquel il restera fidèle jusqu'à la mort à Damas de son Cheikh, trente ans plus tard. Un jeudi 14 septembre 1911(20 ramadhan 1329), c'est la Hidjra avec sa famille vers le pays du Cham, c'est-à-dire la Syrie (via Oran-Tanger-Marseille) en compagnie de son maître Cheïkh Mohammed Ben Yelles Tilimsâni et de son fils Ahmed. Un exil en réaction à l'injustice de la colonisation qui instaurait la conscription aux jeunes algériens et qui s'opposait à l'enseignement des Ulémas qui fut autorisé par une fetwa de Hadj Djelloul Chalabi (1844-1916), grand Mufti de Tlemcen. Ils s'installèrent à la mosquée Izz al-Din à al-Suwayqa, puis au domicile de cheikh Mahmud Abu Shamat, pour enfin s'établir à al-Shaghour à Samdiyya où ils fondèrent une zaouïa. Suite à un ordre de dispersion émanant du gouverneur de Turquie, il dut séjourner à Adana avant de s'établir définitivement à Damas en 1914 où il devint par la suite le khalifa de Cheïkh Ahmed Ben Aliwa. Il est devenu, après la mort de Cheikh Mohammed Ben Yelles Tilimsâni, le guide spirituel d'un ordre qui s'est beaucoup étendu dans les pays du Proche-Orient, où il compte aujourd'hui des milliers de disciples. Cheikh Sidi Mohammed Ben Ahmed Al-Hachem Abou Abderrahame Tilimsâni eut pour maîtres les Cheïkhs Amine Souayd, Djaâfar El Kettani, Nadjib Ki'wan, Tewfiq El Bouni, Mahmoud El Attar, Mohamed Ben Youcef dit El Kafi... Bien qualifié pour exposer les prémisses de la quête spirituelle, son nom est cité comme référence dans les œuvres de la tariqa chadouliya, entre autres « Charh nidham ahl sounna »(Explication de la gnostique des gens de la Sunna), « El adjouiba el a'chra »(Les dix réponses), « Ed'dourra el bahia »(L'atome radieux), « Bi sabil es'saâda fi ma'nâ kalimat echahada »(La voie du bonheur dans le sens de la profession de foi)... Parmi ses oeuvres écrites, on peut citer « Sharh Shatranj al Arifin » (Commentaire de l'Echiquier des gnostiques ou l'itinéraire du soufi d'Ibn Mahieddine Arabi) traduit par Jean Louis Michon (Ali Abd Al Khalaq), docteur en Études islamiques de l'Université de Paris , par ailleurs (le) représentant de la Tariqa el Hachimiya à Lyon. « C'est une figure très attachante du soufisme contemporain », dira ce dernier à propos du Cheïkh qu'il a personnellement connu(outre les témoignages de plusieurs disciples interviewés après la mort de leur maître spiritual).
Publié pour la première fois en 1938, l'ouvrage du Cheïkh se présente comme le commentaire de “Shatranj al Arifin”attribué(mansûb) à Cheïkh el Akbar. Ce shatranj, forme régulière d'un mot que les locuteurs arabes, obeisant à une tendance souvent observe à la dissimilation vocalique, prononcent habituellement “shitranj”, n'est en fait qu'un diagramme constitué de cent cases(et non de soixante quatre comme l'échiquier classique), dont chacune représente une étape, bénéfique ou périllleuse, du sulûk(itinéraire initiatique du soufi,n.d.lr) où le cherchant(ou voulant) apprend à souffrir et à s'élever, tout en essayant d'éviter les régressions et les chutes en vertu d'un enseignement gnostique et soufi.Il s'agit donc d'un bréviaire intemporel du voyageur sur le sentier de Dieu, un témoignage de la vitalité de l'enseignement mystique dans l'islam contemporain, d'une expression graphique du “Pilgrim's Progress” et, de même que le pélerin du Bunyan doit affronter les demons, traverse la “vallée de l'ombre de la mort”, ou resister aux seductions de la “foire aux vanities” pour atteindre la “cite celeste” le murîd(étudiant soufi en rite initiatique) ne parviendra au terme de la Voie(Tariqa) que s'il a su se garder de multiples dangers, selon Cheïkh Ali Abd Al Khalaq, alias Jean Louis Michon. Selon M. Baghli, tous les officiels qui viennent en visite en Algérie déclarent sans exception que leurs parents se réclament de l'école de Cheikh Sidi Mohammed Ben Al-Hachem qui décéda un 19 décembre 1961(un mardi 12 radjeb 1381) à Damas à l'âge de 80 ans et fut enterré au cimetière Ed-Dahdah.Il convient de souligner que le collectif Senouci sous la houlette du Pr Mohammed Baghli, chercheur en legs universel, avait commémoré à la khalwa de Cheikh Senouci de derb Beni Djemla(El Medress) le 47e anniversaire de la perte de Cheikh Sidi Mohammed Ben Al-Hachem Abou Abderrahame Tilimsâni coïncidant avec le 19 décembre 2008.


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