«Le signe comme levain» est l'intitulé de l'exposition de l'infatigable et sémillant Nouredine Chegrane qui ne rate jamais ses escales sur un bon mot ou sur une phrase gonflée d'humour.L'homme est coloré, bienveillant à l'accolade chaleureuse, avec un soin porté à toutes les discussions surtout si celles-ci parlent de son art.En ce moment il expose à la Galerie Ezzou'Art du Centre commercial et des loisirs de Bab Ezzouar, dès le 17 décembre dernier et ce jusqu'au 5 janvier 2017. Le plasticien dessine, peint, gratte, pose, impose des mains ses couleurs solaires, il reste éloquent et fidèle à un style qu'il revendique fièrement comme affilié à Aouchem qui dira que les signes étaient plus forts que les bombes et tout cela au grand dam de puristes qui avaient gardé au signe sans mauvais jeux de mots ses « lettres de noblesse » par l'entremise des influences gréco-romaines qui ne voulaient souffrir de l'empirisme apparent des « Aouchemistes ». Le débat byzantin reste de mise et à nos jours, les scories de ces parlotes agitées donnent du grain à moudre aux amateurs de discussions animées, sans plus. Nouredine Chegrane, comme une des fleurs de ses peintures nous livre régulièrement un panel, des échantillons, des suites logiques de ses travaux qui, sur papier ou sur toile, restent inscrits dans une ?uvre conséquente qui tranche avec la modestie du personnage. Doucement mais sûrement, Chegrane s'impose dans le panthéon des peintres qui font l'histoire de l'art algérien. Aujourd'hui, il est pour nous, une sorte de contrepoint à Baya Mahieddine la princesse aux oiseaux. Chegrane lui est, sans nul doute, l'homme aux couleurs solaires, une sorte de coquin voleur de lumière qui trempe son pinceau dans l'Arc en Ciel qui donne ensuite à nos grand-mères le pouvoir pour restituer un peu de notre mémoire, ces partitions colorées qui habitent au fin-fond de notre inconscient collectif. Il vient donc comme une fleur nous faire mâcher sur plus de vingt tableaux et toiles entrepris avec de l'acrylique dont l'esprit fauve demeure sans nul doute le « levain » de ces ?uvres, comme une digne opération de retour aux sources. L'artiste dans la régularité et l'abnégation laisse sa patte sur des plans de couleurs sans cesse dessinés en pistes claires, il pose en élément central une ébauche plus sombre comme un élément qui nous fixe dans la réalité, et c'est alors que le peintre laisse sa fantaisie éclater dans les titres aux allants poétiques, référencés sur la tradition, la nostalgie, le doute ou bien-même la simple esthétique. De temps en temps l'?uvre peinte perd sa netteté, elle devient alors une forme aux contours vaporeux, identifiée mais qui perd de sa force au bénéfice d'une idée nostalgique du temps où les yeux avaient toute leur acuité. Dans le lyrisme entamé depuis les années 1970, Nouredine Chegrane, musicien aussi, se lance à corps perdu dans la discrétion de ses heures passées à peindre dans une aventure épique et plastique dont on aurait adoré voir des versions en lithographies, eux-fortes et céramiques. Chegrane met son sens de l'harmonique dans le feu d'artifice de ses livraisons semi-abstraites très colorées, dynamiques, vivaces, enjouées pour certaines, mélancoliques pour d'autres. La bonhomie de l'artiste et son humour subtil transparaissent dans son travail où la survivance de ce passé limpide à la faconde aussi symbolique que pertinente nous laisse une bien belle impression d'ensemble. Notre ami prend ainsi les différents héritages « signés » par nos aïeux pour en parfaire les contours, esthétiser des éléments anciens utilitaires, propitiatoires, votifs pour en dramatiser les formes, élaborer de nouvelles écritures et sublimer l'utile pour le rendre agréable. On ne saurait reprocher à l'artiste sa propension à faire des ?uvres qui se ressemblent puisqu'il apporte sans cesse des détails qui, justement, sont innovants dans les compositions, les pistes de couleurs ou des signes qui courent sur le support pour titiller cet élément dichotomique central, omniprésent, gênant parfois qui marque les limites justement du style Chegrane. On se régalera encore souvent des images en feud'artifice de ce fils de famille comme l'on dirait si on parlait de lui dans les méandres de la Casbah, il en serait probablement gré par sa gentillesse légendaire qui, heureusement, nous donne aussi en pâture une ?uvre lancinante, farouchement lumineuse et dont le regard adopte tout naturellement les supports. « Le signe comme levain » est comme justement les productions du meunier, elles apportent la générosité, la couleur et établissent un rapport naturel, empirique, spontané avec le « regardeur ». Ce qui est drôle, c'est que l'alchimie avec Chegrane fonctionne encore très bien. Une bonne raison d'aller découvrir ou redécouvrir, ce trublion conscient de son art qui continue de bien belle manière à le partager avec nous. Visite obligatoire, les lois de la couleur l'exigent. nExposition « Le signe comme levain » de Nouredine Chegrane, du 17 décembre 2016 au 5 janvier 2017, Galerie Ezzou'Art, Centre commercial et de loisirs de Bab Ezzouar, entrée libre.
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Posté Le : 29/12/2016
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Jaoudet Gassouma
Source : www.lnr-dz.com