Les scandales financiers qui défraient actuellement la chronique, et leur pendant judiciaire, constituent des indicateurs significatifs de dérives qui ont beaucoup à voir avec la morale. Une morale qui, dans une large mesure, en est sauve, car ces affaires retentissantes consacrent l?échec d?un affairisme qui pouvait être perçu comme un modèle et un exemple à suivre. Ce qui aurait été un coup fatal porté à une société qui a besoin d?éthiques et de valeurs pour s?élever. Sans doute, à cet égard, l?un des effets pervers de l?ouverture aura-t-il été de susciter l?irruption de prédateurs totalement ignorants du fait que la richesse procède aussi d?une culture, car les grandes fortunes se bâtissent sur des générations. Le phénomène de l?enrichissement rapide, et sans efforts, avec son étalage de signes extérieurs, en réalité artificieux, est de nature à exercer un effet démobilisateur sur des jeunes générations qui en arrivent à se persuader qu?il ne sert plus à rien d?étudier, car les réussites les plus célèbres sont celles qui s?affichent spectaculairement. Une vie accomplie se mesure ainsi, pour de nombreux jeunes, au prorata du nombre de véhicules, de maisons cossues ou de centaines de millions engrangés. Une vision d?ailleurs parfaitement à contre-courant de la réalité, car en fait, la vraie richesse est discrète, et dans ce sens, les plus grands capitalistes de la planète s?attachent à tenir secrets leur train de vie et l?étendue de leurs biens pour ne pas froisser la dignité des plus démunis et susciter de brutales convoitises. Dans ce domaine, comme dans d?autres, la raison a des motifs de l?emporter. Dans le cas contraire, cela veut dire que la notion élémentaire d?idéal s?en trouve érodée et remplacée par un désespoir ordinaire. Car il est difficilement compréhensible, et admissible, que dans une société qui se construit à l?image de la nôtre, le modèle imposé soit celui du capitaine d?industrie alors qu?il s?agit d?admirer les chirurgiens qui font le geste qui sauve, les pilotes qui font décoller les avions et les boulangers qui fabriquent chaque jour du pain. S?ajoutent à ces catégories les enseignants, les artisans, tous les petits métiers qui nourrissent la dynamique d?un pays et assurent sa pérennité. Car le vrai capital s?incarne dans le savoir professionnel et social, dans son adaptation aux évolutions technologiques dans le monde du travail. C?est du reste un principe de bonne gouvernance que d?organiser une répartition de l?effort collectif dans lequel chacun trouve sa juste place et accepte de s?y tenir pour que les liens de la solidarité nationale ne soient pas rompus par l?apparition d?un phénomène aussi dévastateur que celui de l?enrichissement illicite. Les jeunes générations, qui sont la sève et l?avenir vivant de ce pays, ne doivent pas être désarçonnées par cette chimère de la réussite facile et rapide dès lors qu?elle ne repose pas sur un socle solide, et cela s?est vérifié avec l?arrivée sur la place publique de divers personnages aussi vite déchus qu?ils étaient promis à de fulgurantes ascensions : c?étaient des colosses aux pieds d?argile qui vivaient, à grands frais, dans des châteaux de cartes.
Posté Le : 01/03/2007
Posté par : sofiane
Ecrit par : Amine Lotfi
Source : www.elwatan.com