Algérie

Château de cartes



Lorsque la politique ? la vraie ? s'efface ou plonge dans le vide, l'emportent et s'imposent la violence, la manipulation et l'injure. Et il arrive un moment, un point de rupture où le lit du chaos est fait, c'est-à-dire l'effondrement total des institutions et l'implosion généralisée du fragile tissu social du pays. Le précédent de la décennie 1990 a une cause unique, la volonté de l'islamisme politique de bâtir un Etat théocratique. Par contre, l'origine de la crise actuelle est la volonté d'un régime politique à la façade républicaine mais tout aussi antidémocratique d'accaparer ad vitam æternam l'ensemble des leviers de la décision politique, voire le destin du peuple. Certes, ce n'est pas une nouveauté, Ben Bella, Boumediène et Chadli ont, eux aussi, mis en œuvre des stratégies dictatoriales. Elles reposaient sur le parti unique et les services de sécurité.Mais la politique totalitaire menée tambour battant depuis une quinzaine d'années par le pouvoir, incarné par Bouteflika, est allée plus loin : trois régions extrêmement sensibles ont été poussées à la révolte, la Kabylie, le Grand-Sud et le M'zab. Elles ont eu à subir cette arme redoutable de tous les régimes qui se sont succédé à la tête du pays depuis l'indépendance qui est le gommage des différences culturelles et spirituelles. Parallèlement, ces régions se sont vu imposer l'exclusion économique et l'abandon sécuritaire. Ce n'est pas un hasard si le terrorisme et son corollaire, le banditisme, sont particulièrement ravageurs en Kabylie et dans le Sud. Et si le désinvestissement et le chômage les ont durement frappés, bien plus que dans toutes les autres zones du pays.Plus grave encore, le pouvoir actuel a fait rater à l'Algérie la possibilité de se fixer une place, même très modeste, dans la mondialisation. Sans appareil productif viable, créateur de richesses et d'emplois, alors même que les ressources financières sont disponibles en abondance, l'Algérie est totalement dépendante de la rente pétrolière. Mais celle-ci est en voie d'extinction par le double effet de la nature et des marchés. La population algérienne, qui avoisine les quarante millions d'habitants, est condamnée inéluctablement à la paupérisation et donc à la bataille pour la survie. Les émeutes du pain ne sont plus une vue de l'esprit mais bel et bien une terrifiante perspective.Les décideurs du pays, qu'ils soient civils ou militaires, sont toujours restés sourds devant les sonnettes d'alarme tirées par les patriotes du pays, voire tout simplement par les gens censés. Tétanisés par un Président converti au césarisme, ils n'ont eu que le choix de s'inscrire dans le clanisme et l'obédience aveugle. Cependant, il a suffi que le tireur de ficelles perde ses capacités physiques pour que tout s'effondre comme un château de cartes. Le consensus «clanique» s'est fissuré et s'effondre de jour en jour. Le risque réside dans la réaction de la bête blessée, dans une politique de terre brûlée que pourrait adopter le régime, voire le clan qui s'accroche encore au pouvoir face à la perspective de devoir s'effacer et aussi de rendre des comptes à cette Algérie meurtrie.




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