Algérie

Charles Carrière : Le fil d'un certain pathétisme



Avec Charles Carrière (1) pénètre dans la littérature sénégalaise l'expérience de la poésie en tant que longue et tortueuse aventure de l'esprit. Ce n'est qu'en la lisant et en la reconnaissant en entier, que nous pouvons la laver de l'accusation « d'incohérence » qu'ont formé contre elle « les pseudo-critiques d'un colonialisme révolu. » Le plus intéressant dans la poésie de Charles Carrière, c'est le fil de ce pathétique arrachement enfiévré et non pas les rivages où le poète peut éventuellement parvenir. L'écriture de notre poète représente une dialectique exacerbée et franche, doublée d'un nationalisme bien africain : « Jadis, les conquistadorsOcre poussière du tempsFalaise de larmesGorée oublie les goélettes blanches Phalènes de merClaquent aux ailes de l'alizéLes senteurs d'épices et d'alcoolSur les vagues défilentLes bois sacré des forêts. »La poésie de Charles Carrière ne se présente pas en étapes et n'offre pas de solutions à tout le moins partielles et par conséquent immuables, comme c'est le cas pour Léopold Sédar Senghor, mais comme un déchirement et une reconstitution intérieure incessante, traversés toute la vie par les mêmes interrogations et les mêmes angoisses. Charles Carrière est un poète torturé dans les profondeurs de son être, mais sauvé par l'Idée. Il nous offre une vision harmonieuse de ses poèmes, dans lesquels la mort même ne nous semble pas une horreur inacceptable. Il nous est impossible d'imaginer ce qu'aurait encore écrit Mohamed Dib s'il avait vécu, mettons cinq ans de plus, tout comme nous ne pouvons nous imaginer que l'on puisse ajouter un acte à « Hamlet » tant la pièce nous paraît achevée.Jusqu'a sa mort, Charles Carrière peinait encore sur les thèmes qui l'obsédaient depuis sa jeunesse (injustice, esclavagisme, colonialisme, progrès de l'Afrique, amour et relations humaines, etc ') et auxquels il ne parvenait pas à donner une réponse, alors même qu'il lui semblait en avoir trouvé une. Dans les profondeurs de son c'ur, « l'angoisse » est toujours présente. La certitude, qu'il souhaitait, semblait lui échapper.« Débris de c'ur sous le soleilGlacé de midiMasque de bambaraStatuette baouléCuivre du BéninMaison peintes aux couleurs Lavées de mon sangGorée s'éloigneEnsemencer le nouveau mondedu sel fertile de ma libertéLe tam-tam n'est que ressacQue cadence les chaînesDe mon angoisse ».Charles Carrière était un poète qui cherchait se tourmentait, « s'angoissait ». Sa poésie prenait naissance dans « le naufrage de ce bateau africain », ô combien il est difficile de le ... sauver ! (1) - Pionnier des poètes sénégalais.


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