Algérie

Chant de l'âme'



L'art infiniment humain de Yacine Benabid (1) me paraît un des titres de noblesse de la poésie arabophone algérienne en ce début du XXIe siècle. La poésie de cet auteur prolifique est en effet une sorte de chant de l'âme, un lyrisme qui n'a rien de sonore parce que sa tension est tout intérieure, une musique psychologique où l'on entend le c'ur qui se brise à force de se connaître avec trop de lucidité : « Là-bas sur l'horizon où la mouettebalance son vol blanc sur la pourpre du soirAux grands vents de la mer s'apaisera ta fièvreTa muse redira dans tes bras les chansonsDes vagues, des ajoncs, des algues, des moissonsEt tu pourras encore, au contact de ma lèvreRetrouver dans ta chair d'ineffables frissons. »Cela est si limpide qu'on est d'abord effrayé d'une telle transparence. Un air trop pur dans la montagne, une mer immobile ou, encore, des vents glacés, un horizon pourpre, donnent un vertige analogue à qui craint de trop pénétrer ce qui s'y trouve d'insaisissable. Mais on peut aussi les traverser sans presque se douter de rien ; et le poète de nous dire :« Quel est ce cauchemar qui vient troubler ta veille 'Tu prononces des mots qui sont d'un insensé.Quel nectar as-tu bu ' Quelle main l'a versé 'Est-ce le jus du pampre ou le sang de l'abeille 'Rappelle tes esprits à la réalité. »La musique même de la vie a de ces pièges cristallins ! J'ai lu deux fois les poèmes de Chant de la fin du dédale (2), pour passer de leur transparence à leur vibration. C'est comme une coupe qui ravit d'abord le regard par sa matière invisible et lumineuse, mais qui ne livre son secret que si le doigt la fait tinter. Et la voix qui chante alors retentit de toutes les plaintes de l'homme :« Qui parle ici de plaisirsOu de repos sur les grèves,En évoquant les loisirsQui se peuplaient de mes rêves ' »L'art infiniment humain, disais-je, de Yacine Benabid. Non, c'est infiniment inhumain qu'il faut dire : l'art d'un poète qui se dépasse et s'abstrait dans la propre idée de son être, qui lance dans ses nerfs surtendus un courant d'une intensité folle. La coupe se brise à force de vibrer et, devant nos yeux ahuris, se déversent la beauté spontanée, la bonté innée, l'amour fou et' les haines cruelles, les vicissitudes de la vie : toute la nature humaine/inhumaine de' l'homme ! 1) Professeur à l'université de Sétif, Y. Benabid a publié 4 recueils de poèmes et plusieurs essais en arabe et en français.2) Editions Artistique, Alger 2007


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