Les fins d'années sont toujours l'occasion de dresser les bilans. Il en
est ainsi depuis que la comptabilité existe. Le bilan comptable est un tableau
qui reprend à droite l'actif mais aussi le passif à gauche.
Actif et passif sont des notions un peu proches du Bien et du Mal, du bon
et du mauvais. Ces notions sont depuis quelques temps reprises dans le jargon
politique. D'ailleurs le jargon politique s'est construit sur des notions
empruntées un peu partout, étant donné la multitude des domaines auxquels il
fait référence pour convaincre. Pour convaincre il faut vaincre avec la
connaissance. Celle qui est mise à la portée de tous pour pouvoir vérifier le
bien-fondé des dires. Dire n'est pas aligner des phrases les unes après les
autres par nécessité de bavardage, mais donner du sens à la parole donnée,
celle qui engage. Les bilans produisent du sens, celui de l'échec comme celui
de la victoire.
En politique ils peuvent prendre
pour nom «Déclaration de Politique Générale» et c'est ce qu'a présenté devant
ses parlementaires, le Premier des ministres agissant au nom du gouvernement de
son Président. Un bilan chiffré fruit d'un immense travail de collectes de
données, de l'usage d'une arithmétique où s'additionnent les réalisations, se
multiplient les partisans, se divisent les problèmes et se soustraient tous les
aspects négatifs. Un bilan sans passif. C'est un bilan qui commence par un
rappel d'une date qui a désormais effacé celle du 1er Novembre 54 pour ne
laisser aux premières loges que celle du 16 Avril 99. Date considérée comme
rupture avec un passé effacé par nécessité de se réconcilier, sans bilan
justement. Chiffres à l'appui.
Ces chiffres qui se mêlent de ce
qui ne les regardent pas, l'état d'une jeunesse dans lequel seul le désespoir
est permis. Et comme pour imposer leur validité indiscutable, on fait dire au
patron des statistiques, qu'elles «font référence à des normes universelles».
Indiscutable techniquement certes mais cachant une réalité qui a étonné la plus
vieille sénatrice du tiers présidentielle, qui s'interroge sur la misère en
refusant d'énoncer la réponse qu'elle connait depuis le 19 Juin 1965. Lorsque
le Premier ministre refuse la légitimation de la «harga» sous prétexte qu'il
est proposé aux jeunes des emplois saisonniers à raison 2.000 Da par jour sans
trouver preneur on doit considérer qu'il n'a dans son entourage aucun harrag à
qui demander les raisons de ses actes. On doit aussi considérer qu'il a une
autre idée d'un travail saisonnier, de la manière dont on l'obtient et du délai
que mettent les saisonniers pour être payés. Bien sûr qu'il faut recycler 5.000
cadres des collectivités locales dans différentes spécialités mais que n'a-t-on
pas évoqué cette question sans fin alors que les émeutes se multiplient chaque
jour un peu plus ? D'abord est-ce une question de recyclage alors que la
corruption touche tous les domaines y compris les cimetières. Nos cadres sont
compétents pour ceux qui risquent de s'y tromper mais le venin du bakchich n'a
laissé aucune compétence émerger. Et comme pour faire un petit tour sur la
question le Premier, répond aux préoccupations touristiques des parlementaires.
Cela évite de parler des harragas et du recyclage des cadres, deux aspects
importants d'une politique gouvernementale. Sur le dossier tourisme nos
parlementaires ont confirmé la «réduction des loyers des terrains destinés aux
projets touristiques pouvant atteindre 80 % au sud du pays, l'octroi de crédits
bonifiés au profit des investisseurs, la formation de compétences et une remise
fiscale sur les bénéfices et la valeur ajoutée (7%) pour une période de 10
ans.» Il manque à cette confirmation juste quelques touristes pour que les
parlementaires soient des parlementaires, qu'un gouvernement soit un
gouvernement et que nous soyons recyclés en tant que peuple à l'accueil des
étrangers avec le sourire. Déjà qu'entre nous….Déjà qu'entre nous la violence
s'est installée durablement au point où nos regards portent les stigmates d'une
peur de l'avenir. Et plutôt que d'annoncer le recul de la criminalité de 30 %
il serait bon d'aller consulter les données de la DGSN pour constater la
légèreté d'un tel taux et les éléments qui le composent ou qui le décomposent.
S'inquiéter des arrangements entre adversaires dans un conflit qui ne se
plaignent plus par manque de confiance en la justice et qui règlent leurs
comptes entre eux. Redéfinir la terminologie des infractions et y inclure
celles qui sont passées sous silence. Ensuite et seulement ensuite on peut
parler de recul ou alors d'avancées de la criminalité en excluant de cette
approche les harragas qui ne sont pas forcément des criminels et en incluant
ceux qui par leurs comportements au sommet de l'Etat les poussent à la
criminalité. Au suicide.
En conclusion faire le bilan
d'une situation n'est pas chose aisée pour les politiques sans parler des
pannes de la machine de la gouvernance. L'issue n'est pas dans l'augmentation
des salaires qui est en soi une bonne chose mais dans la création de la
richesse qui maintient l'accès à l'espoir de voir un pays fonctionner enfin
comme il se doit. L'issue est dans le jugement de cet Etat par un peuple qui
attend des fins de règne pour se mettre à produire des valeurs dont on peut
dresser de vrais bilans sans tricher par l'usage abusif des seuls chiffres.
L'issue est dans cette capacité à faire valider un bilan par tout un peuple et
pas seulement par des parlementaires dont le seul souci est de siéger
durablement dans un hémicycle qui produit des lois inapplicables. Le reste
n'est que bavardage de salons alors que les rues bouillonnent de jeunes en feu.
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Posté Le : 30/12/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ahmed Saifi Benziane
Source : www.lequotidien-oran.com