Chacun est libre de conclure

Chacun est libre de présenter tout évènement politique ou tout évènement non politique comme situant le pays à un carrefour stratégique. Chacun est également libre de conclure qu'il s'agit d'un non-évènement. Cela fait longtemps que les appréciations des acteurs sont formulées en fonction des distances qui les éloignent ou qui les rapprochent du pouvoir. Comment dans ces conditions leur apporter du crédit, alors qu'elles n'émanent pas d'argumentaires rationnels ni même de profondes et intimes convictions ' Il y en a quand même encore qui disent qu'ils sont patriotes et qu'ils n'écoutent que leurs intimes convictions. Mais, dans ce contexte où il apparaît que la majorité des éléments de la classe politique remplacent leurs intimes convictions par leurs intérêts, même les plus " patriotes " ne peuvent pas accepter de demeurer en reste de ceux qui n'investissent que dans leurs propres intérêts. De tout côté où ils regardent, ils ne voient que leurs intérêts et ceux-là sont en priorité matériels. Pourquoi voulez-vous tellement que des changements dans les partis politiques soient une étape importante dans la vie politique de l'Etat et des citoyens alors que tout semblait avoir été programmé et ordonnancé selon un agenda politique défini au titre de la sauvegarde des hommes par-dessus les institutions. Il y en a (on dit toujours il y en a ) qui aiment à répéter que nous sommes peut-être dans une logique de confrontation entre la démocratie et l'islamisme, et affectionnent de convaincre que les deux logiques sont incompatibles, ce qui expliquerait, selon eux, l'interminable crise que nous vivons. D'autres aiment plutôt répéter d'un air de diseurs de certitudes que la confrontation logique a lieu entre l'autoritarisme et l'islamisme, c'est-à-dire entre le pouvoir et l'islamisme, qui a porté en gestation le terrorisme. Il y a trop de concepts qu'on utilise mais auxquels on ne donne pas le même sens (les mêmes maux mais pas les mêmes remèdes). Il y a également des formulations non achevées à l'exemple de la géniale formule de Réda Malek selon laquelle "l'intégrisme est la matrice porteuse du terrorisme ". A contrario, peut-on oser conclure que la laïcité est la matrice porteuse de la démocratie ' De toute façon, nous n'avons pas pour tradition d'achever le débat de même que nous avons pour habitude de prendre des demi-mesures. Quand, à peine né, un parti politique se lance dans la compétition sans "bénéficier" d'un programme de "mise à niveau" dans la durée, et ramasse ce qu'on appelle "une veste", il ne devrait pas s'arroger le droit d'argumenter ce qui est son échec. Perdant dès sa naissance, il est perdu pour l'avenir de la cartographie politique. Paix à son âme ! On pourra dire de lui qu'il est né mort-né. Mais, par contre, s'il naît avec des moustaches, bien sûr, il naît avec une audience comme cadeau de naissance. Cependant, les partis nouvellement agréés ne s'empêcheront pas quand même de dénoncer une fraude "scientifique", comme l'avion "furtif" dont on dit qu'il est indétectable. Trouveront-ils tous les arguments nécessaires pour expliquer pourquoi leur audience n'en fait pas de grands partis ' Ils n'ont pas de résidence cathodique, ils ne peuvent pas organiser des marches pacifiques, ils ne peuvent pas organiser autant de manifestations ou de meetings qu'ils voudraient ?Bref, ils ne trouvent pas les conditions de leur essor..Il faudrait que les partis sachent s'évaluer eux-mêmes tout en évaluant leurs concurrents. Chacun saura exactement se placer en terme de poids dans le champ politique.Pour le moment, et pour cinq bonnes années encore, tout sera comme c'était. Les contradictions qu'il y avait seront reconduites.