Les deux sont toujours en compétition pour inventer, chacun dans son domaine artistique ce qu'il y a d'admirable et de plus beau pour le public chargé d'apprécier. Ce qui caractérise un artiste c'est son esprit inventif. Il est l'auteur d'un genre nouveau dans son domaine. Depuis la nuit des temps, la poésie n'a jamais cessé d'évoluer vers le meilleur, et là où cet esprit d'originalité s'est réellement concrétisé, c'est dans l'oralité qui a vu travailler dans l'ombre des poètes de toutes tendances et entrant en compétition au fil du temps dans le domaine de l'analyse des comportements humains, les injustices, les individus méchants et tournés en dérision, les vices et les vertus, la nature, les animaux, les champs d'investigation sont nombreux et très vastes. Et il en est de même de la cuisine qui a connu des tas de révolutions depuis les origines : il y a celle de la diversification des ingrédients et de l'abondance, il y a eu ensuite celle qui a suivi l'invention des différents modes de cuisson, enfin il ne faut pas oublier de parler le changement rapide apporté par la communication rapide et facile qui a rendu possible les échanges inter communautés et interethniques pour l'inspiration et l'innovation dans le domaine culinaire. La poésie de l'écriture
C'est un domaine extrêmement vaste et difficile à traiter de manière exhaustive. Néanmoins nous allons tenter un voyage dans le temps et dans l'espace par ce mode esthétique de l'écriture. Depuis les temps primitifs, l'homme a toujours été tenté par la parole versifiée et souvent il a réussi mais dans la douleur tant la poésie qui intéresse un plus grand public est difficile à élaborer : il faut travailler les sons, les images qui frappent le plus par leur capacité d'évocation et leurs multiples sens connotatifs qui rendent délicat le décryptage. Les poètes des origines ont transformé l'oralité pour la mettre au service d'un public qui a toujours soif de changement qui aide à comprendre le monde dans lequel il vit. La poésie a beaucoup aidé les hommes de chaque époque à analyser les phénomènes sociaux, à permettre aux uns et aux autres, à condition d'être éducables, de rendre possible et agréable la vie en communauté en les aidant à se remettre en question à chaque fois qu'il est nécessaire.
«Le poète (mais le vrai) est semblable au prince des nuées qui hante la tempête et se rit de l'archer» a dit Baudelaire dans son célèbre poème «L'Albatros» pour signifier que le poète est quelqu'un qui vit en marge des convenances sociales et qui est au-dessus de tout le monde pour l'observer. Il n'est pas donné à tout le monde d'être poète : il faut savoir parler singulièrement, avoir le don de composer des vers avec une différence dans le nombre de syllabes, être prédisposé aux transgressions syntaxiques et sémantiques sans porter atteinte à l'esthétique du texte ni à sa cohérence, être capable d'associer les mots pour obtenir de belles images métaphoriques qui placent la poésie au rang des meilleures et ses compositeurs dans la classe des hors catégorie.
Ces derniers arrivent à impressionner le public par les similitudes, les contrastes, les jets de couleurs tous porteurs de nombreux sens connotatifs et moyennant des verbes, adjectifs, substantifs dont la polysémie suffit à traduire une infinité d'états d'âme placés dans des contextes adaptés à des situations spécifiques. Ceci dans la poésie classique avec de vers richement rimés et différents par le nombre de syllabes agencés par le poète artiste du verbe, motivé par l'idée de rythme.
A côté de cette poésie rimée, rythmée, bien ponctuée pour marquer les parties, les hémistiches, les thèmes, il y a une autre poésie dite moderne et qui joue uniquement sur la forme symétrique, le choix des mots qui se caractérise par l'harmonie des sonorités, les contrastes sémantiques, une parfaite syntaxe. Nous en avons un merveilleux exemple en Kateb Yacine et dont même les textes journalistiques sont poétiques à la perfection par les nombreuses images métaphoriques, un nombre restreint de mots pour signifier beaucoup, un vocabulaire en parfaite adéquation avec le contexte. Le poète de la cuisine
L'art d'agencer les ingrédients pour obtenir de bons plats appétissants est comparable à l'art de composer des vers. Ce qu'il y a de commun entre la poésie et la cuisine, c'est la recherche constante en vue d'une amélioration mais toujours dans l'originalité. Le véritable cuisinier, celui qui ne cuisine pour cuisiner, c'est au contraire celui qui, chaque jour essaie de toujours faire mieux qu'il n'ait fait par le passé. Quand, par exemple, on lui demande de préparer un hors-d'œuvre, il fait un travail d'artiste en rassemblant dans la même assiette une diversité d'ingrédients pouvant aller ensemble : betterave, tomate, salade, 'ufs coupés laissant à découvert le jaune, olives noires et vertes, carotte râpée, rondelles d'oignon, carpes, mayonnaise, en supposant qu »il ne manquerait rien d'important et avec le pain il y aurait un total de douze couleurs que le maître cuisinier a su réunir avec talent pour donner envie de manger.
Le cuisinier talentueux connaissant à la perfection le langage et l'harmonie des couleurs, a acquis l'art d'apprêter les plats sous la direction des grands maîtres en la matière qui considèrent le métier comme un sacerdoce pour lequel on doit être prédisposé et ce, en plus de la formation reçue et de l'expérience acquise au fil du temps par la pratique du métier. Pour qui veut découvrir les secrets du métier doit mettre à profit toutes les occasions pour saisir au vol toutes les astuces de l'art. On finit alors par devenir l'un des meilleurs et arriver au stade des inventions, c'est-à-dire des nouvelles créations culinaires, des plats nouveaux qui satisfassent les consommateurs les plus exigeants. Prenons l'exemple du couscous qui connait quarante recettes après de longues recherches ; à force de chercher dans un domaine culinaire, on finit par trouver les meilleurs accommodements possibles pour arriver à trouver le plat qui convienne à tous.
Le cuisinier chevronné est celui qui arrive à introduire de nouvelles recettes qui mettent les confrères sur la voie des innovations. Il est comme le poète qui découvre une nouvelle forme d'écriture à la manière de Kateb dont les textes en prose sont aussi des poèmes, ou des poètes qui ont inventés les calligrammes. Le poète de l'écriture comme le poète de la cuisine sont proches l'un de l'autre, tous les deux sont capables de produire des œuvres admirables.
Abed Boumediene
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Posté Le : 03/08/2024
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Rédaction LNR
Source : www.lnr-dz.com