Algérie - Chaâbi


En parallèle du Medh qui est l'ancêtre du Chaâbi, Alger, possédait déjà un autre genre musical populaire très élaboré qu'on appelle âaroubi et qui puise ses modes dans la musique arabo-andalouse.
Au temps de Cheïkh Nador, il y avait une pléiade d'artistes ' Meddah ' (interprète du Medh) tels que Mustapha Driouèche, Kouider Bensmain, El Ounas Khmissa, Mohamed Essafsafi, Saïd Derrar (le concurrent de Cheïkh Nador), Ahmed Mekaïssi, Saïd Laouar, Mahmoud Zaouche... mais nous n'avons retenu de leur art que quatre enregistrements du meddah Malek Saïd qui datent de 1924. Au début du vingtième siècle, existait déjà une tradition dans les fumeries de la Casbah qui consistait à interpréter des ''istikhbar'' dans les modes sika et sahli tout en s'accompagnant d'un ''Guember'' . A l'origine el medh se pratiquait avec instruments à percussion et instruments à vent, accompagnés surtout de textes panégyriques (Medh).
Le grand tournant dans l'histoire du medh s'est opéré vers 1920 quand pour la première fois le meddah Kouider BENSMAÏN ( auteur du poème ' n'zor el ouali sahnoun ) a introduit des instruments à cordes à l'image des orchestres du Aroubi algérois. Cette période a vu l'introduction des textes de poésie profanes puisés surtout dans le répertoire des poètes marocains du Melhoun. On a alors commencé à adapter les textes interprétés aux modes andalous de l'école Algéroise tout en travaillant la forme et l'orchestration, cela remonte aux années 1920. Ce n'était pas la forme musicale la plus appréciée, ni la plus écoutée, parce qu'elle utilisait la plupart du temps des textes de Melhoun en arabe dialectal marocain dont le contenu était souvent anachronique et ne reflétait pas les événements socio-historiques qu'a connus l'Algérie. Le Medh était confiné dans la casbah d'Alger surtout dans les fumeries, peu à peu les artistes ont commencé à se produire dans les cafés arabes d'Alger surtout durant le mois sacré du RAMADHAN. C'est bien El Hadj M'hamed El Anka, l'élève de cheïkh Nador, qui a remis le medh au goût du jour. Son interprétation était percutante et sa diction atypique, même son jeu de mandole était captivant, d'ailleurs c'est lui qui a introduit dans les orchestres du Medh le mandole typiquement Algérien que nous connaissons aujourd'hui. A ses débuts, il se produisait dans les fumeries où les jeunes de sa génération venaient apprécier son art. Son nom de scène était M'hamed El Meddah mais les maîtres de l'arabo-andalou l'appelaient cheïkh ' EL Harras ' (le casseur) car il avait une manière inhabituelle d'interpréter l'istikhbar ou l'insiraf. Cette époque a vu l'émergence d'autres grands interprètes de ce genre musical comme Hadj M'RIZEK, Hadj MENOUAR et Khélifa BELKACEM. En 1946, EL BOUDALI Safir a donné au Medh le nom générique de ' populaire ' mais ce n'est qu'en 1964 (après l'indépendance de l'Algérie), lors du premier colloque sur la musique algérienne qui s'est déroulé du 04 au 10 mai 1964 que le Medh a pris la dénomination officielle et définitive de '' chaâbi '' et ce, dans toutes les langues.

C'est grâce à deux artistes de génie en les personnes de Mahboub BATI (auteur-compositeur) et Dahmane El Harrachi (auteur-compositeur-interprète, qui a fait toute sa carrière artistique en France) que le chaâbi s'est modernisé en devenant un genre musical écouté aux quatre coins du pays. Ils ont su le populariser en l'Algérianisant définitivement. Avec eux, les chansons sont écrites dans la langue Algérienne et leurs thèmes se rapportent généralement à la vie de tous les jours( quoique le genre de Dahmane el HARRACHI est plus développé). Sur le plan musical, ils ont apporté la fraîcheur qui manquait tant au chaâbi. La musique de Mahboub BATI est reconnaissable à ses fioritures. Avec Dahmane El HARRACHI (de son vrai nom AMRANI Abderrahmane), c'est la mélodie qui prime avec néanmoins une légère coloration occidentale. L'exemple de la chanson ' ya rayah ' est très édifiant à ce propos, bien que composée dans le mode musical Sahli, il a su lui donner un cachet universel. Les conservateurs emploient le terme ' chansonnette ' pour qualifier l'œuvre de Mahboub BATI. C'est une façon pour eux de minimiser son apport à la musique chaâbi. Pour la plupart des mélomanes, chansonnette veut dire ' petite chanson ' comparée à la ' qacida ' mais en réalité la signification est tout autre, car chansonnette veut dire chanson frivole et sans prétention. En somme c'est une chanson qui ne fait pas le poids. Sans Mahboub BATI, la notoriété des chanteurs chaâbi de la fin des années soixante et le début des années soixante-dix, n'aurait jamais dépassé le cercle restreint des fêtes familiales algéroises. C'était l'époque où l'on s'accrochait toujours aux anciens textes du melhoun tout en sacrifiant la réalité immédiate. L'évolution du chââbi doit beaucoup à ce monument de la musique algérienne car beaucoup de chanteurs comme: Hachemi EL GUEROUABI, Boudjemaâ EL ANKIS, Amar EZZAHI, Amar EL ACHAB se sont faits d'abord connaître hors d'alger à travers les chansons de Mahboub BATI (de son vrai nom Mahboub SAFAR BATI ) et c'est de cette manière qu'ils ont pu faire passer le reste de leurs répertoires respectifs constituaient d'anciens textes de poésie populaire (melhoun), c'est ainsi que le chaâbi a fait une petite incursion dans les autres régions du pays qui avaient leurs propres genres populaires.
La musique chaâbi utilise pour ses compositions les modes musicaux suivants: Moual, Zidane, âraq, Ghrib, Jarka, Reml maya, Sika,. Mezmoum, Sahli.

Le mode Sahli n'existe pas dans la musique arabo andalouse. On le retrouve seulement dans la musique populaire citadine. A constantine, ce mode musical s'appelle R'haoui et en orient-arabe, ce mode s'appelle Nahawand.

Le mot '' chaâbi '', a fait son entrée dans les dictionnaires de la langue française grâce à la reprise de la chanson '' ya rayah '' de Dahmane EL HARRACHI par Rachid TAHA. Ce dernier a fait d'elle un succès mondial. Elle a même été chantée dans plusieurs langues.


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